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QUI VEUT LA MORT DES ASSOCIATIONS ? LE DOUBLE PIEGE DES APPELS D’OFFRE

mercredi 19 novembre 2014
par  Marc Mangenot
popularité : 40%

La préférence des appels d’offres à la subvention est une stratégie mortifère pour le monde associatif. Il n’y a rien d’innocent là-dedans. Au contraire. Cette stratégie d’Etat s’inscrit parfaitement dans celle de l’extension du processus de marchandisation à l’œuvre à l’échelle mondiale et codifié au sein de l’Union européenne par le traité de Lisbonne. Aucun secteur d’activité ne semble pouvoir échapper à la déferlante du tout-marché, euphémisme désignant la nouvelle et fulgurante progression de la domination capitaliste sous la houlette de la sphère financière libérée de toute contrainte et quasiment de tout contrôle. Selon la propagande officielle et les institutions internationales de l’internationale du capital (FMI, Banque mondiale, PCDE, OMC, Union européenne), l’autorégulation supposée des marchés (marchandises et capitaux) est censée produire divinement les équilibres nécessaires dans le champ de l’activité économique marchande. Dès lors, la croissance infinie de celle-ci s’impose avec une logique diabolique. Qu’importe que les inégalités se creusent, que la précarité se propage à la manière d’une épidémie, que les ressources naturelles fossiles s’épuisent, que la dégradation de l’environnement mette en péril la santé des êtres vivants, les réseaux hydrauliques, les mers et les océans, et même l’avenir même de la planète. Qu’importent la démocratie et la possible vie sociale construite en commun.

Mise en cause de la liberté d’association

Mais en quoi la généralisation des appels d’offres publics en direction des associations participe de cette stratégie de long terme ? N’est-ce pas au contraire un moyen de solliciter l’esprit associatif, la capacité des associations à participer à l’œuvre collective ? Dans certains cas, à examiner attentivement, lorsque la puissance publique ne peut (ou ne veut) mettre en œuvre telle politique culturelle ou sociale, estimant n’avoir ni les moyens ni la souplesse pour l’entreprendre directement, l’appel d’offres peut se révéler pertinent, sous la condition de ne pas se soustraire au débat public. Mais, lorsque la pratique des appels fait système, répondant ainsi aux injonctions de la technocratie européenne, elle tend à réduire, voire à détruire, toute capacité d’initiative de la part des associations, capacité qui relève de la pratique démocratique au quotidien. L’appel d’offres est en effet une proposition dont le contenu et l’organisation sont imposés au soumissionnaire ; autrement dit elle exclut toute initiative de sa part. L’appel à projets est de nature différente puisqu’il sollicite les capacités et le génie par exemple d’une association en vue d’atteindre des objectifs. Le cadre demeure néanmoins défini par l’entité publique. C’est une forme de relation puissance publique – associations qui peut s’inscrire, si elle n’est pas exclusive, dans une démarche démocratique.

Les associations dans l’étau de la marchandisation

Par construction, la généralisation des appels d’offres limite la capacité d’initiative des associations (leur liberté à concevoir et réaliser des projets) et simultanément les fait entrer dans le champ du droit de la concurrence. Dès lors, les directives et règlements de l’Union européenne relatifs aux subventions accordées aux entreprises (1) s’appliquent. Au-delà d’un certain seuil, si une association ne développe que ou majoritairement des activités découlant d’appels d’offres, elle est considérée comme actrice dans le champ du secteur concurrentiel, elle est assujettie aux impôts commerciaux et doit se soumettre à la réglementation de l’Union européenne concernant les subventions accordées aux entreprises , dans la limite de la règle de minimis. La règle de minimis prévoit qu’une entreprise ne peut recevoir que 200 000 € d’aides sur une période de 3 exercices fiscaux, montant au-delà duquel elle est censée avoir bénéficié d’aides faussant les règles de la concurrence : elle doit alors les rembourser. Cette était introduite, avec un zèle certain, dans la circulaire Fillon du 18 janvier 2010 qui stipulait que « la réglementation européenne des aides de l’Etat s’applique également aux associations » dont, précise cette même circulaire, « la majorité exerce une activité ‘économique’ »(2) .

L’internationale capitaliste s’en mêle dangereusement

L’actualité internationale en remet une couche dans la poursuite de la dérégulation systématique. Dans le cadre des négociations entre l’Union européenne et le Canada (CETA), d’une part, et dans celui des négociations Etats-Unis – Union Européenne (TTIP ou TAFTA ou projet de Grand marché transatlantique), d’autre part, les protagonistes envisagent d’imposer des tribunaux privés qui auraient à traiter des différends pouvant surgir entre une firme et un Etat ou une collectivité publique. Selon ces projets, n’importe quelle entreprise qui s’estimerait lésée parce que l’investissement qu’elle envisage serait empêché ou limité dans sa profitabilité par des règles de protection sanitaire, écologique ou sociale, ou par des aides accordées à telle activité. Toute subvention accordée à une association dans un secteur d’activité qu’une firme quelconque souhaiterait investir (en découvrant par exemple un nouveau secteur « profitable » pour elle-même) serait considérée comme un obstacle à la concurrence et pourrait dès lors faire l’objet d’un recours auprès d’un tribunal situé hors des juridictions publiques nationales ou internationales. Le traité Canada-UE, finalisé le 26 septembre dernier, n’est cependant pas ratifié. Les négociations entre les USA et l’UE se poursuivent, avec l’espoir que le CETA sera être ratifié sans modifications substantielles. Il y a des réticences, y compris de la part d’entreprises (PME notamment). D’autre part, un mouvement initié des deux côtés de l’Atlantique prend de l’ampleur. A l’exemple de feu l’AMI (accord multilatéral sur les investissements dont le cours a été interrompu en 1997, après avoir été révélé et l’objet d’un mouvement de protestations), sera-t-il suffisant pour faire échouer ces négociations dont l’objectif est d’asseoir plus encore le pouvoir économique (et de fait politique) des firmes multinationales sur l’ensemble des Etats ? En tous les cas, le danger concerne aussi la vie démocratique, le devenir des associations, de leur indépendance et de leur financement.

L’austérité budgétaire accroît les risques de perte d’autonomie et de pertes d’emplois

Avec les restrictions budgétaires, et en s’appuyant sans discernement sur le droit de la concurrence qui, d’une façon générale, prévaut dans l’Union européenne, les risques s’accroissent dangereusement. Le schéma est aussi simple que pervers. Les coupes budgétaires annoncées dans le projet de loi de finance pour 2015 (jugées néanmoins insuffisantes notamment par Bruxelles et Berlin) pourraient avoir pour conséquence plusieurs centaines de milliers de suppressions d’emploi (3) . D’une part, le niveau des subventions accordées aux associations va se trouver amputé en proportion de la baisse considérable des concours financiers aux collectivités territoriales (-29 milliards d’euro d’ici à 2017). Conséquemment, nombre d’associations, déjà étranglées et pratiquant trop souvent –sous contrainte- des politiques salariales de bas niveau, se verront contraintes de procéder à des réductions d’activité et à des licenciements. En sens inverse, elles pourraient bénéficier d’un transfert d’activités que les collectivités territoriales ne seraient plus en mesure d’assurer dès lors qu’elles auraient réduit leurs propres effectifs. Ce transfert, peu importe la formule employée (appel d’offres, appel à projets, etc.), se ferait à des conditions sociales dégradées (inférieures à celles qui prévalaient dans la fonction publique territoriale). L’emploi associatif serait alors moins affecté en masse, mais en revanche –la concurrence entre les associations aidant- la précarisation s’accroîtrait de même que la pratique des bas salaires.

D’un côté, le risque de devenir de simples sous-traitants de la puissance publique, d’un autre, le danger d’être intégré dans le champ de la concurrence : ainsi se présentent les deux faces du piège de la généralisation des appels d’offres en direction des associations. Les négociations internationales et les politiques austéritaires (conséquences de la concurrence par le bas) ne peuvent que renforcer dangereusement la tendance et tuer ce qui reste de démocratie.

(1) Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Art. 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne - TFUE (ex art. 87 du TCE), paragraphe 1. Peuvent échapper à ce marteau pilon les aides versées à des associations (ou des entreprises) dont l’activité serait celle d’un service d’intérêt général (SIEG).

(2) Lire « Les associations dans la tourmente de la concurrence, Marc Mangenot, Cactus, la gauche, mai 2010. Les guillemets sont dans le texte de la circulaire.

(3) Cf. « Défendons nos associations », texte du Collectif des associations citoyennes www.associations-citoyennes.net

Marc Mangenot est membre de la Fondation Copernic


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