CHARLIE, PEINES, NOSTALGIES, CRAINTES, ESPOIRS
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Il nous a fallu quelque temps pour revenir sur l’épouvantable tuerie qui a frappé d’abord Charlie hebdo, puis les malheureuses victimes de l’hyper-casher de la porte de Vincennes. Pour tous et peut-être particulièrement pour moi, lecteur fidèle de Harakiri puis de Charlie depuis… 1961. Une extraordinaire aventure où participèrent de grands talents du siècle dernier et du début de celui-ci, Cavanna, le père fondateur, bel écrivain, Choron, sublime dans sa gloire et sa déchéance, Copi, Gébé, deux allumés de génie, l’immense Reiser, Siné, superbe écorché, Delfeil de Ton, grand styliste, Jacky Berroyer, clown mélancolique (ces trois derniers toujours vaillants dans les colonnes de Siné mensuel, chaudement recommandé, où participent aussi, entre autres, Jean-Marie Laclavetine, Isabelle Alonso, Christophe Alévêque, entre autres, et toute une bande de chouettes dessinateurs). Wolinski et Cabu, autres grands anciens, les ont rejoint dans la tombe, et des plus jeunes, talentueux aussi, Charb, Tignous, et d’autres aussi, qui faisaient ce journal. Charlie va revenir avec les survivants et sans doute une nouvelle génération. Nous leur souhaitons longue vie. Et faut acheter Charlie hebdo et Siné mensuel, espaces de liberté indispensables.
Les immenses manifestations qui ont suivi les attentats ont été, à juste titre mais pas que, analysées comme un sursaut républicain. Mais pas que, car la tentative de récupération politique de ces événements a été un peu trop visible. Il était logique que les plus hautes autorités de l’état y participent (ils auraient pu marcher quelques centaines de mètres de plus, si ?), il était réconfortant que des dirigeants de pays démocratiques s’y joignent, signe que la liberté d’expression demeure partagée de par le monde. Il était moins indiqué que se mêlent à ce mouvement des chefs d’états peu exemplaires en ce domaine. Et la pantomime de Nicolas Sarkozy fut risible. Il a aussi été remarqué que le « peuple des banlieues », celui qui est particulièrement victime de la crise, de l’austérité et des humiliations qu’elles entraînent, était non pas absent, comme il a été abusivement dit, mais peu présent. Sursaut républicain, oui mais qui n’efface pas les ruptures sociales qui caractérisent le pays. Et ce n’est pas la loi Macron qui va changer ça, qui accentue le caractère libéral de la politique gouvernementale. Ni les quelques mesures annoncées pour l’école, louables certes mais un brin dérisoires. Ni les annonces du ministère de l’intérieur, qui recrute des spécialistes de l’informatique pour lutter contre des groupes jihadistes, ce qui est sans doute nécessaire, mais pas de spécialistes du terrain, ce qui est indispensable.
Quant à l’effet de catharsis politique que d’aucuns espéraient (mais nous n’avions sur ce point aucune illusion), il n’eut pas lieu. Le Front National continue de se porter comme un charme, l’UMP continue, avec le retour de Nicolas Sarkozy, de flirter avec la ligne Buisson, même si quelques personnalités ont le courage (ou la précaution) de se démarquer. Et la gauche de gauche, éparpillée, continue de se chercher. Il serait temps de vous trouver, camarades.
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