https://www.traditionrolex.com/18 FADOS EN FOLIE A FOLISBOA - La Gauche Cactus

FADOS EN FOLIE A FOLISBOA

vendredi 3 juillet 2015
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 1%

Le 1er festival Folisboa (espérons qu’il nous reviendra chaque année) a donné au fado une place majeure dans sa programmation, puisqu’il ya occupé un peu plus de la moitié des trois soirées organisées dans le cadre magique du Grand Rex, l’autre moitié étant consacrée à la musique toujours très concertée de Rodrigo Leão et aux musiques lusophones d’autres continents (Angola, Brésil, Cap-Vert).

C’est Mariza qui a ouvert le bal fadiste. Bal au sens propre car, dès une entrée en scène bluffante, longue robe bleue argentée, silhouette filiforme, Mariza danse en chantant, avec une rare fluidité. Premier coup de folie où Mariza nous livre deux fados traditionnels commencés lentement et accélérés accompagnés au cordeau par ses musiciens (José Manuel Neto, un des « monstres » de la guitare portugaise, que l’on retrouvera avec Camané et Carlos Do Carmo, Pedro Joia à la guitare classique, très virtuose, l’imperturbable angolais Fernando Araujo à la guitare basse, et, tiens, Hugo Marques aux percussions). La suite du concert alterna d’autres grands moment et des épisodes plus incertains : présence parfois longuette des percussions, sur Barco negro, par exemple, inclusion dans le répertoire du célèbre Canto do assanha, créé par Elis Regina, poème de Vinicius de Morais, parfaitement chanté, mais sans que cette présence soit expliquée (sauf à savoir que Mariza entame une tournée internationale autour de son prochain CD, dont le titre est Mundo, et qui doit logiquement inclure des musiques de ce mundo). Des appels au public à chanter un peu trop nombreux et longs. De même, lors de la guitarrada, exercice qu’on retrouve dans la plupart des concerts de fado, n’avons-nous pas trouvé bien utile l’exécution à l’unisson de la partie la plus rapide de l’exercice par J.M. Neto et P. Joia. Sauf à montrer que Pedro est un virtuose, d’ailleurs plus « flamenquiste » que fadiste ?). Sans nul doute, le spectacle va se renforcer lors de la tournée. Et puis, en dépit de ces détails, Mariza est une grande artiste, demeure une grande dame du fado (un fado cravo renversant, entre autres), et sait prendre des risques, ce qu’on ne saurait lui reprocher.

La troisième soirée fut entièrement consacrée au fado. Second coup de folie, la formidable connivence entre Carminho, vêtue d’une curieuse combinaison rouge qui évoquait curieusement celle d’un mécanicien sur le stand de l’écurie Red Bull en formule 1, et ses musiciens : Luis Guerreiro, en grande forme, tête de sympathique pirate ou mousquetaire, au choix, Diogo Clemente, homme clé du fado lisboète, à la viola, Marino de Freitas, l’air d’un Mélenchon un jour de bonne humeur, et, aux percussions (tiens, tiens) Pedro Segundo, qui n’intervint, fort à propos, que sur les thèmes liés au folklore ou aux « marchas ». Répertoire respectueux du fado traditionnel, et comme toujours chez Carminho une totale implication, parfois proche de la rupture.

Pas de coup de folie avec Camané, mais une folie intérieure, celle des textes choisis avec soin dans ce que la poésie portugaise a de meilleur, servis par la voix de velours de ce grand interprète du fado d’aujourd’hui, assisté avec sensibilité et discrétion par José Manuel Neto, Carlos Manuel Proença, autre cador lisboète de la viola et Paulo Pas à la contrebasse( ah, pas de percussions, là). Une prestation toute en finesse, en délicatesse, en sobriété. Moment de grâce.

Suit Ana Moura, la plus glamour des stars du fado, qui arborera deux robes noires, gentiment coquines, nombril voilé pour les deux, fente latérale pour la seconde (mais en privé, c’est jeans et baskets et simplicité délicieuse), avec cinq complices : Angelo Freire, autre « monstre » de la guitare portugaise, Pedro Soares (viola), André Moreira (guitare basse électrique), João Gomes (claviers) et (tiens, tiens, tiens) Mario Costa aux percussions. A notre avis, la présence de claviers (ce que nous disons n’a rien à voir avec la talent de João Gomes) n’apporte pas grand-chose à la prestation, et la présence de percussions n’est pas toujours pertinente (mais l’est sur certains titres). Car le vrai moment de folie, c’est lorsque Ana Moura, après son troisième fado, se trouve uniquement avec les guitares. Moment unique de complicité entre elle et Angelo Freire, s’encourageant mutuellement à aller au fond du fado, elle comme électrisée, lui à la fois virtuosissime et attentif. Immense ovation du public.

Immense ovation dès l’entrée de Carlos Do Carmo, avant toute note. La folie du respect et de la reconnaissance par le public, majoritairement lusophone, de ce que l’artiste a apporté et apporte toujours, au fado. Public gentiment docile, qui chante en chœur quand on lui demande sur Canoa et Lisboa menina e moça, qui arrête de battre des mains quand Carlos Do Carmo explique avec une suave fermeté qu’il ne faudrait le faire que s’il le demandait (et il ne le demandera pas). La voix légèrement, très légèrement, voilée par un coup de froid (la clim’ sans doute), Carlos Do Carmo a repris quelques uns de ses grands succès, un ou deux fados plus récents, dont un poème de Nuno Judice (qui fut il y a peu à Paris), et trois duos, avec Carminho, Camané et Ana Moura, artistes qui figurent dans le nouveau cd de Carlos Do Carmo, consacré uniquement à des duos. Le tout accompagné avec tact et précision par José Manuel Neto, Carlos Manuel Proença et Marinho de Freitas.

Sacrée soirée, eût dit en son temps le philosophe contemporain Jean-Pierre Foucauld. Mais cette fois, contrairement aux émissions dudit, une soirée de haute tenue artistique. Alors, vivement 2016 et la deuxième édition de Folisboa !


Commentaires

Brèves

11 octobre 2022 -  LE FADO CES PROCHAINES SEMAINES A PARIS... ET AILLEURS EN FRANCE

Pour écouter du fado ces prochaines semaines, tous les événements (sauf ceux qui ne nous ont (...)

20 septembre 2020 - LE FADO CES PROCHAINES SEMAINES A PARIS... ET AILLEURS EN FRANCE

Bonjour ! Pour écouter du fado ces prochaines semaines, tous les événements (sauf ceux qui ne (...)

26 mars 2018 - DES NOUVELLES DU COIN DU FADO

Ceci pour informer celles et ceux qui y ont participé ou se sont intéressés aux soirées de (...)
https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18