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NUNO ESTEVENS, UN AIR DE LISBONNE A PARIS

mercredi 25 novembre 2015
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 11%

C’était l’hiver en 2012. Il y avait une soirée du Coin du fado aux Affiches, place Saint-Michel. Lors de la pause, un jeune homme très brun, venu avec un petit groupe de jeunes amis, a bavardé avec moi. Fort modestement, il nous dit vouloir s’installer à Paris, poussé par le chômage à Lisbonne, et avoir pratiqué la viola là-bas. A Paris, dans le milieu du fado, il ne connait que le fadiste Diogo Rocha, alors lui aussi parisien (1). Ce soir là aux Affiches, il fit la connaissance du guitariste Filipe De Sousa, avec qui il commencera peu après à jouer dans divers endroits. Quelques mois plus tard, l’excellent violiste Pompeu Gomes, requis pour l’émission So fado de radio Alfa, qui commence alors, Pompeu doit lâcher les soirées du Coin du Fado et le spectacle musical Sud-Express de Filipe de Sousa. Nuno prend la relève. Et peu après, lorsque Flaviano Ramos décide de lâcher la viola au restaurant l’Arganier, le chanteur Sousa Santos fait appel à lui pour jouer chaque vendredi aux côtés du guitariste Manuel Corgas. Nuno Estevens est depuis lors l’un des violistes les plus présents dans le fado en France et enseigne aussi la viola à l’Académie de fado.

« Je suis né en 1988. A trois ans, j’ai fait une chute de tricycle qui a certainement eu une influence sur mon tempérament », plaisante-t-il. C’est au moment de la faculté (il obtiendra un master de gestion publique) qu’il découvre le fado et la ville. « J’ai grandi en banlieue, la fac était à Lisbonne, et j’ai très vite senti que le fado était profondément lié à la ville, permettait même de mieux la lire, de la comprendre ». Ayant commencé à travailler la viola à 15 ans (« mais pas le fado, mon père, en bon communiste, n’aimait pas, et à moi, depuis ma banlieue, ça ne me parlait pas »), il entre dans la tuna académica de la faculté, qui a en son sein un petit groupe de ballade de Coimbra. Puis il court les maisons de fado et gagne ses premiers cachets dans de petites maisons, tout en exerçant divers métiers. « J’ai aussi découvert le poids de l’argent, des hiérarchies, des égoïsmes dans le fado lisboète de l’époque. J’ai alors joué dans les bars, de la pop, du jazz, pendant cinq ou six ans. Vers 2001-2002, une nouvelle génération est arrivée dans le fado : Camané, Mariza, Paulo Bragança. C’est surtout Camané qui m’a poussé à retourner au fado. A partir de 2005, je suis devenu ce qu’on pourrait appeler un semi-professionnel, puisque je continuais à travailler pour des maisons d’édition puis pour la librairie Bertrand. Quand celle-ci a du réduire ses effectifs, le chômage est arrivé. J’avais envie de découvrir Paris, ma petite amie de l’époque aussi. Nous sommes partis à l’aventure ».

Le fado à Paris, dit-il, a une identité spécifique. « Comme à Lisbonne, il y a des circuits établis, plus petits bien sur, des codes, beaucoup de clichés aussi, car l’image du pays que peuvent avoir les immigrés de longue date demeure parfois figée, un répertoire qui évolue moins qu’a Lisbonne, très revivaliste, et qui fait le pont avec les thèmes du folklore, les marchas, choses moins courantes à Lisbonne. La communauté fadiste n’est pas très étendue, mais l’avantage de cette taille réduite est que tout le monde se connaît et qu’il n’y a pas les hiérarchies lisboètes, liées au vedettariat ». Pour Nuno, il s’agit d’une communauté à taille humaine, même si de ci de là, des conflits peuvent se produire, « mais il y a peu de gens méchants, et des gens comme Filipe De Sousa, Sousa Santos, Manuel Corgas ou Casimiro Silva m’ont beaucoup apporté ». Un des points qu’il souligne est la nécessité d’une transmission entre générations : chacun a sa place, ceci est important, mais il faut aussi se soucier de l’avenir. A cet égard, l’Académie du fado est une très bonne nouvelle.

Si Nuno tient à dire ce qu’il doit au fado parisien, il est juste de dire aussi ce que le fado parisien lui doit, outre sa grande disponibilité musicale et intellectuelle. Nuno est attché aux enracinements fadistes, mais tout autant à ses évolutions auxquelles il apporte sa pierre, toujours partant pour de nouvelles expériences, comme l’illustrent ses participations aux soirées du Coin du fado et plus récemment du Lusofolie’s, servi notamment par une science du rythme pas si courante dans le fado, sans parler d’un sens aigu de la convivialité. Nuno, le Paris du fado te dit merci !

’1) Il est reparti depuis à Lisbonne, où il a ouvert une maison de fado, Coração da Sé, à Alfama. Il sera brièvement de retour à Paris dans quelques jours et donnera un concert au Lusofolie’s, accompagné par… Nuno Estevens, et Filipe De Sousa le 28 novembre prochain.


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