POURQUOI VOTER FRONT NATIONAL ? ! ?

dimanche 24 janvier 2016
par  Jacques-Robert Simon
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Si l’on veut être certain d’être abreuvé d’injures, vilipendé par les intellectuels de tous bords, écharpé par les médias, il suffit de mentionner le sigle FN dans un texte sans l’accompagner d’un adjectif comme infâme, raciste, pétainiste. Mais peut-on s’interroger cependant sur le pourquoi d’un tel vote (éventuel) ; en particulier en essayant de cerner ce que devient la République Française, qui fournissait un tissu social solidaire et démocratique, au sein du nouvel ordre mondial.

Que va devenir la France, l’Europe, le Monde ! Il est bien entendu impossible de décrire le futur. Toutefois, une bonne compréhension du passé et des évolutions à long terme que l’on peut y détecter peut permettre d’avoir des indices suffisants pour prendre une décision essentielle : doit-on favoriser les États-Nations et l’Internationalisme ou tout au contraire effacer aussi vite que possible les frontières pour tendre vers une population homogène tant du point de vue économique que culturel.

Le Club de Rome réunit à partir de 1968 des scientifiques, des économistes, des industriels de nombreux pays pour esquisser des solutions aux problèmes entrevus. La forte croissance des trente glorieuses s’acheva alors par le choc pétrolier de 1973. La contestation radicale de la société de consommation en 1968 semblait indiquer une voie nouvelle : les vertus de la « croissance » sont remises en cause. « Pour sauver le système mondial d’un effondrement, il est nécessaire de réguler et stabiliser l’activité économique et la croissance démographique », était-il prétendu. Parmi les recommandations les plus draconiennes, il fallait limiter le nombre d’enfants à deux par couple, réorienter l’agriculture vers une production durable, lutter résolument contre la pollution. L’acceptation d’une économie sans croissance passerait par la répartition équitable des richesses afin d’assurer la paix. Une société sobre faite de citoyens éclairés qui modéreraient eux-mêmes leur consommation s’installerait : « consommer mieux et consommer moins » était le leitmotiv du temps. En 2015, début du collapse prédit 40 ans plus tôt, il semble qu’à l’inverse des augures, on consomme davantage de choses de très basse qualité et importées. Par quel processus ?

La population mondiale en 2010 était de 6,9 milliards d’individus contre 3,7 en 1970. Les augmentations de population sont très inégales dans les diverses régions de la population mondiale : l’Afrique a un taux moyen de natalité de 5 enfants par femme à comparer à avec celui de l’Allemagne (1,38) ou de la France (2,01). La mise en parallèle des taux de natalité et du taux de richesse montre que l’accès aux sociétés de consommation est le moyen le plus efficace pour maîtriser la natalité. Cette augmentation incontournable de la consommation mondiale devrait conduire à un épuisement à terme des ressources naturelles. Prenons par exemple le cas du pétrole, premier contributeur à nos besoins énergétiques. Les réserves prouvées de pétrole représentent de l’ordre de 40 ans de notre consommation actuelle. Les prévisions de pénurie de 1970 étaient donc erronées. Cependant, ces ressources viendront inéluctablement à fortement diminuer voire à disparaître pour nos enfants ou nos petits enfants. Il n’y a pas lieu de penser qu’une quelconque énergie surgie des laboratoires » pourrait prendre le relais des énergies traditionnelles. À long terme le cadre est défini : une société globale au niveau de la planète et consommant raisonnablement des richesses renouvelables est le seul devenir sensé pouvant être proposé. Mais quelles sont les voies possibles pour aller d’une société de consommation effrénée vers une société sobre et apaisée ?

Deux routes peuvent être empruntées : l’une raisonnée, l’autre pragmatique par une stricte application du capitalisme. Les idées généreuses n’ont conduit qu’à des frémissements peu significatifs d’une redistribution pays riches-pays pauvres. L’« épandage » de la bonne parole fut peu productif. Le capitalisme, fut lui bien plus efficace : les possesseurs de capitaux font travailler les plus pauvres possibles afin de rentabiliser leurs investissements. Dans le même temps, les pauvres des pays riches s’appauvrissent car l’emploi qu’ils avaient tend à disparaître au profit des très pauvres des pays pauvres. L’homogénéisation économique mondiale se produit. Toutefois, plus un pays est avancé dans l’économie de marché, plus les inégalités explosent : les différences entre classes sociales, au sein des nations, tendent à se creuser dans les pays riches comme dans les pays pauvres. Une révolte rassemblant les démunis devrait en conséquence éclater. Ce n’est pas le cas ! Une fragmentation du prolétariat par culture, par religion, par « race » se produit : le règne par la division n’est pas une création récente ; ce qui est récent c’est l’habillage qui en est fait sous couvert de mondialisation.

Au sein des nations riches, des apports exogènes de populations conduisent au morcellement en communauté, les travailleurs se voient donc retirés une possibilité de rébellion. Une intégration par l’environnement « républicain » se fait, mais la vitesse d’assimilation est bien inférieure à la vitesse d’arrivée de nouveaux travailleurs. À l’échelle de la planète c’est la compétition entre États « déstructurés » qui permet une exploitation optimum des travailleurs. Deux forces apparemment incompatibles sont donc en œuvre : une économie de marché déferle sur le globe sans tenir compte des frontières ; une segmentation de la classe prolétaire, grâce à un affrontement des cultures se répand : Homo sapiens contre Homo œconomicus ; mais les deux constantes de temps sont différentes : la fluidité des capitaux est incomparablement plus grande que l’assimilation sociale. L’intégration nécessaire à l’Égalité se faisait au sein de républiques (ou leurs équivalents) qui, idéologiquement, luttaient contre le communautarisme. Des siècles d’efforts permirent d’atteindre des sociétés cultuellement peu différenciées. Il n’en sera probablement pas de même dans le cadre d’une déréliction des États actuels : la France ? Elle tend à se dissoudre dans l’Europe ou le monde ! La République ? Ses fondements sont mis en avant pour les contourner ? Rêve-t-on de faire surgir une nouvelle Jeanne d’Arc pour renouer avec les valeurs d’antan ? La difficulté prévisible de trouver une pucelle de 19 ans donne une idée du défi à affronter. L’apport massif de populations exogènes peu réceptives aux normes du pays d’accueil permettra difficilement aux pays hôtes d’éviter le communautarisme.

Pour trouver malgré tout un autre chemin, certains préconisent l’instauration d’une « préférence nationale ». Il n’est pas ridicule de proposer que les membres d’un groupe qui ont bâti, et pour une large part financés, un type d’organisation sociale, soient les premiers à en bénéficier. Ce n’est rien d’autre à l’échelle de l’État de ce que font toutes les entreprises privées qui se gardent bien de faire bénéficier des « non-membres » de leur tissu protecteur. Dans ce dernier cas « on » ne les nomme pas immigrés mais chômeurs. Cette préférence nationale a-t-elle une chance, même minime, de préserver notre modèle social ? Au sein d’un capitalisme mondialisé, la réponse est sans aucun doute non. À l’abri d’un régime autoritaire ou totalitaire, peut-être, mais ce n’est même pas certain. Un régime autoritaire, et une somme de tels régimes à l’échelle internationale, serait-il plus efficace pour assumer la transition vers la société du futur, profondément différente de la nôtre ? Certainement pas, on se dirigerait plutôt vers de nombreuses guerres. La société à venir implique une homogénéité économique de la planète, elle interviendra par le capitalisme. Toutefois, l’obtention de cette égalité de richesse géographiquement bien distribuée n’implique en rien une égalité entre les citoyens du monde. On assiste en effet avec la mondialisation, à une croissance ahurissante des inégalités riches-pauvres aux seins des États-Nations.

Transfert de richesses entre États, creusement des inégalités entre individus, commu- nautarisme constituent l’âme la mondialisation. La recherche de l’égalité doit faire appel à l’âme, la raison, l’humanisme, toutes notions absentes du capitalisme. L’homo œconomicus a évacué tous ceux qui avaient une foi même laïque : humanistes, philosophes, moralistes, « Lumières » … voire simplement républicains. La régulation du capitalisme est actuellement d’ordre réglementaire grâce à d’innombrables organismes : OCDE, la Banque mondiale, FMI, ONU … Toutes ces instances n’ont aucun caractère démocratique lisible, et d’ailleurs comment pourraient-elles en avoir un ?

Sans morale, le monde sobre tant nécessaire sera-t-il fait d’une infime minorité de « riches » régentant tous les autres. C’est déjà la tendance actuelle de nos jours puisque 80 personnes détiennent autant de biens que 3,5 milliards d’êtres humains ? Dans le cadre d’une recherche de repères moraux, doit-on s’interdire de voter Front National ? L’argument qui prédit l’installation du fascisme en cas de victoire du FN est un non-sens : comment peut-on imaginer que dans l’entrelacs actuel des Nations occidentales, l’un des pays puisse évoluer vers un régime totalitaire ? Le capitalisme est bien plus puissant pour engendrer une forme nouvelle de fascisme : une minorité décide de tout, n’est jamais élue et peut inciter à d’innombrables conflits. C’est ce nouveau type de fascisme qui est, de loin, le plus dangereux.

Finalement, vers quel monde veut-on aller ? Vers une société sobre et égalitaire, respectant les cultures locales et mettant en application des principaux moraux bien circonscrits ou vers une société où quelques uns jouiront et du pouvoir et des biens en maintenant la multitude à l’écart ? La « justice » dans le cadre du capitalisme est théoriquement assurée par la concurrence, elle même organisée par une bureaucratie opaque. Qui peut croire une seconde qu’elle remplit ce rôle ?

Les problèmes soulevés par le FN sont bien réels, même si les solutions qu’il propose sont souvent irréalistes et marquées par la xénophobie et l’exclusion Les commentateurs et les politiciens professionnels les ensevelissent sous un tas d’immondices pour ne pas leur trouver une solution. Ceux qui souffrent le plus peuplent en effet les banlieues et les jachères industrielles déshéritées ; ils ne font pas partie de cette « élite » du spectacle qui se veut la tête pensante du « peuple ». La nation, par sa taille et son histoire, est la seule instance qui permet l’expression de la démocratie réelle dont les grecs sont les inventeurs, Démocratie qui tend à se dissoudre dans des institutions supranationales dont sortent les décisions comme par magie et dont la nature émane des véritables puissants : ceux qui peuplent le monde financier. Internationalisme (qui implique l’existence de nations) ou capitalisme universel sans autre maître que lui-même ? Ou bien encore réinventer grâce aux réseaux sociaux un parti qui n’existe plus, ce qu’on appelait autrefois la gauche ?


Commentaires

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jeudi 28 janvier 2016 à 13h28 - par  init6a

Article raisonnable dans l’ensemble ; raisonnable = conforme à la raison.
Mais vous avez écrit : "réinventer grâce aux réseaux sociaux un parti qui n’existe plus".

Malgré votre description à peu près réaliste du système capitaliste, et plein du désir légitime d’en changer, voilà que vous oubliez que les réseaux dits sociaux ne sont pas neutres ni bienveillants : avez-vous oublié de lire la mention en bas de page de fassbouk et twitter ? vous oubliez où ils sont hébergés et qui détient la clé d’accès technique ? qui peut couper l’accès à tout moment ? avez-vous oublié Snowden et Assange qui ont failli payer de leur vie le fait de rappeler au monde cette réalité technique ? et qui sont toujours menacés ?
Vous oubliez aussi de lire la loi sur le renseignement bien de chez nous, votée **avant** l’attentat contre Charlie.
Bon, il faut faire encore de petits efforts techniques et politiques avant la refondation de la démocratie.

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