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NOUVELLES COURTES : Histoire d’un temps où mes poumons respiraient encore

lundi 9 mai 2016
par  Hervé Mesdon
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Cet été là j’y étais allé un peu fort. D’abord petite semaine en amoureux avec ma Dominique. Et ensuite, 15 jours en élargissant le cercle : ma belle-mère, ma fille, mon petit-fils, Annick (une copine). En location sioux plait et au bord de la mer, tout pareil que les baigneurs à ma marraine autrefois. Ma marraine autrefois habitait une grande maison à Carantec. Ses revenus étaient largement suffisants pour qu’elle n’ait pas à travailler. L’hiver elle passait plusieurs mois à l’hôtel à Nice, mais juin pointant son nez la retrouvait chaque année à poste chez elle.

Fébrilité. Il s’agissait de tout préparer pour l’arrivée de « SES baigneurs ». Dans un appentis au bout de sa maison, elle s’installait un vieux gaz, une table, deux chaises, un lit et la grande maison était apprêtée pour accueillir pendant deux mois « SES baigneurs ». À l’époque tous les autochtones avaient ainsi leurs touristes. À la limite ça aurait pas été bien vu de pas en avoir. Ces touristes pour les gens du cru, en plus d’être une source de revenus non négligeable, ça faisait des bons sujets de conversation : « les miens sont arrivés hier soir de Toulouse », « ah les miens sont pas très causants cette année », « si tu savais ce qui est arrivé aux miens hier »… Pas qu’elle eut besoin d’argent la marraine, je l’ai dit, mais c’était comme ça. Ça se faisait alors elle le faisait.

Leurs shorts, leurs coups d’ soleil, leurs nez au vent, ça vous avait des airs venus d’ailleurs, bêtes curieuses qu’on n’arrivait pas à prendre vraiment au sérieux. Impressions premières sur la chose touristique qui font sans doute que la position de touriste m’a jamais parue très enviable. Un côté gogo, côté gugus, pigeons à plumer, un air de s’emmerder, d’en avoir soupé de ce compagnonnage en continu avec bobonne et les marmots. Un peu de tout ça. Pourtant bon dieu, faut bien quelquefois sortir d’ son trou, s’ouvrir l’esprit, aller voir ailleurs, vivre autre chose ! Eh bien oui je le fais comme tout le monde, mais… je rétice, je rétice.

On était bien. Beaucoup de mouches. Des moustiques mal intentionnés. Les odeurs de lisier. La chasse d’eau que t’avais l’impression qu’on te la tirait dans ton lit. Bon mais, en vacances comme en vacances, n’est-ce pas ! J’ vais pas dénoncer. Pas faire la fine mouche.

ON ETAIT BIEN. Vu qu’il n’y avait pas la télé : couchés tôt, vu qu’avec les boules quies la chasse d’eau ça passait : levés tard et vu qu’avec le beygon on éradiquait chaque soir dans les chambres tout ce qui était susceptible de voler : sommeils d’anges. Je vous l’ai dit : on était bien. On a fini archi reposés. -Dis le, tu t’es emmerdé quoi. -Pas du tout. Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? -En plus que tu n’aimes pas la plage, que tu ne te baignes jamais, que tu ne fais plus de vélo… -Et alors ? J’ai écouté, pris mon temps, dessiné, écrit, siroté des kirs, revu des copains. Pas emmerdé du tout. C’est vrai qu’au début, retour d’un après-midi sur les sables interminables de Baie d’Audierne, j’ai écrit sur mon carnet : « le lieu idéal pour s’emmerder : la plage ». Bon, mais c’était dit comme ça, sans penser à mal. D’ailleurs, la preuve. Le lendemain j’ai écrit en regardant une femme marcher sur la plage : « Sa tête est pâle. Son cou, un rien trop long, peine à la tenir bien droite. Parfois sur le côté, parfois en arrière ou en avant, elle penche un peu. Cette évidente fragilité qui fait son charme ».

Mine de rien, il s’en passe des choses quand on ne sait pas que faire sur la plage. Ai écrit encore : « Passé un long moment avec Pierre. S’est mis torse nu, allongé sur le dos. Il a rabattu son chapeau noir sur son nez. Moi je suis assis à côté de lui. Entre le rebord de mon chapeau et ma barbe qui dégouline sur ma polaire que j’ai gardée, j’ai coincé mes yeux qui cuisent à petit feu dans les miroitements du soleil sur la mer.

Conversation. Il marmonne : - Alors, t’as peint cet été ? - Non pas vraiment. Et toi ? - Qu’est-ce tu dis ?
- J’ te demandais : et toi ? - Pas eu l’ temps… Trop fait la sieste… Puis plus rien. Silence. Chaque fois qu’on se voit Pierre et moi on a plein de choses à se dire qu’on s’ dit jamais. Mais on sait qu’on pourrait s’ les dire. Pendant ce temps sur ma gauche, Odette (ma belle-mère) cause avec sa fille (Ma Dominique) : « Tu sais, il paraît qu’on n’utilise que 10% de notre cerveau ». Je ne sais pas pourquoi je m’immisce dans leur conversation : « non, moi je l’utilise en entier et encore j’en tire pas grand chose ». Elles rigolent. Pierre sur ma droite : « Qu’est-ce tu dis ? » Rien, dors. Super, non ? Heureusement qu’il y a la vie des autres, c’est encore ce qu’il y a de mieux pour rendre la sienne à peu près vivable.

Autre page du même carnet : « Ilies vient me dire (Ilies c’est mon petit-fils, 3 ans et demi) : - Tu connais la coccinelle dort, c’est une chanson très, très, très longue… - Non. -Tu veux que je te la chante ? -Oui. Et il y va : La coccinelle dort, la coccinelle dort… Et puis elle se réveille… Elle s’envole vite avec sa maman… La coccinelle dort… La coccinelle dort… Elle va à son école… Et l’expression de son visage change, son corps se met en mouvement et en rythme pendant qu’il improvise. Gravité et sérieux. L’engagement de tout son être. Naïvement. Fortement. Sans retenue. Emerveillement de ma part : trois ans et demi et déjà il sait ce qu’il faut faire pour se mettre en état de réceptivité poétique ».

Ça a dû me fouetter les neurones. Au dessous, en bas de page, je lis : « Y a que les cons pour croire qu’écrire un poème c’est s’exprimer. Pas du tout. C’est se mettre en état de recevoir quelque chose qu’on ne sait pas, ne maîtrise pas : une pensée, une idée, une sensation, un choc entre des sons ou des mots ou autre chose. C’est de la musique, du graphisme, de l’organisation, des articulations. Partir à l’aventure quoi. Et les fois où tout ça, se met en place pile poil comme il faut, ça doit être reçu comme un cadeau qui vous est fait, pas comme l’expression de soi… Bien que !!!!!!! »

Tiens un dernier truc encore sur mon carnet : Comment qu’elles font ? Opérationnelles dès le p’tit dèj’ ! Sont déjà en place. Attablées sous le cerisier toutes les trois. Moi au radar. Ciel bleu. Le chat dans mes pattes. Qui dit quoi, je ne sais pas. Mais c’est parti, ça cause, ça cause. Odette qui mène les débats : - Et avec ça, les gens ils bouffaient énormément. - Du moins ceux qui… Les riches.
- Ils bouffaient mal. - Ils bouffaient beaucoup. - Et dire que d’autres à côté crevaient de faim. - C’est vrai. -A la cour, à ce qu’il parait c’était horrible. - On dit que Louis XIV avait une haleine à tuer les mouches en vol. - Des dents pourries. - Les éventails c’était aussi pour cacher les dents pourries. - Et d’un sale ! Sous leurs perruques ils mettaient des petits sacs de sang pour attirer les poux et quand les sacs étaient couverts de poux ils les jetaient et ils en mettaient d’autres.

Maintenant Odette parle de sa sœur qui se pose des questions sur la réincarnation. Comment on en est passé de Louis XIV à la réincarnation, j’ sais pas. J’ai dû en louper un bout. Je glisse juste un mot, montrer que je suis là : « une vie c’est pas facile, deux ça serait encore pire ». Et je replonge mon regard dans les gros yeux de beurre que j’ai fait sur mon café en y trempant ma tartine.


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