https://www.traditionrolex.com/18 LE MAITRE DE SAINTE EUPHASIE, (PREMIER EPISODE) - La Gauche Cactus

LE MAITRE DE SAINTE EUPHASIE, (PREMIER EPISODE)

lundi 20 juin 2016
par  Hervé Mesdon
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Ton faussement solennel et jubilation intérieure : « mesdames, Charles me commence demain ». Gaëtane, la femme du directeur de la BRG, n’avait même pas pris le temps de faire entrer ses trois amies dans son salon aux murs de bonbonnière. « Voilà, il vient de m’appeler il y a une heure, il me commence demain ». Elle rayonnait, elle ne savait plus que faire de ses yeux et de ses mains tant elle rayonnait. « Pour une nouvelle, c’est une grande nouvelle, Gaëtane ! » « Tu l’attendais depuis si longtemps ma chérie ! » « On est vraiment contentes pour toi ! » Pauline, Jeanne et Lucie, de leurs exclamations, lui confirmèrent à quel point elle avait bien raison de rayonner. « Oui, demain soir, 10 h, premier rendez-vous, il m’a dit qu’il venait de finir la femme du Président de la Chambre de Commerce et il me prend tout de suite derrière ».

Et en long, en large et en travers, mais à mi-mots comme toujours quand ici, entre dames, il s’agissait de Charles, elles en avaient causé. « Tu sais comment ça se passe, bien sûr ? ». « Tu verras, il se donne des airs, mais il est très bien ». « Ne joue pas les séductrices avec lui, ça l’énerve. » « Tu t’es organisée pour le soir je suppose ? » Maintenant c’était l’heure du thé qu’elles prendraient sous la gloriette comme d’habitude. Gaëtane dans la cuisine préparait les petits gâteaux, le thé, les tasses.

Les trois amies faisaient une pause dans leurs bavardages. Jeanne enrageait intérieurement, d’elles quatre, elle serait désormais la seule que Charles n’aurait pas faite : « si Jacques avait un peu plus d’ambition aussi et s’il n’y avait cette foutue maison à payer ». Pauline, rêveuse, se souvenait que c’était ici, sous la gloriette, au cours de soirées où ils avaient trop bu, que deux ou trois fois elle s’était laissée aller à des étreintes langoureuses entre les bras de Jérôme, le mari de Gaëtane. Lucie cherchait à retrouver l’émotion des longues séances de nuit chez Charles. On entendit Gaëtane qui approchait, les tasses se titillant sur le plateau. Elle voulait surtout qu’on en parle, qu’on en parle encore et encore : « mais ça a commencé comment cette réputation de Charles et qui a été la première ? »

« On parle de Madame Lenfant, la libraire de la Place d’Armes : elle aurait tant voulu que sa vie soit un roman ». « On parle aussi de la femme du pharmacien ». « On ne sait plus vraiment aujourd’hui, ça fait un sacré bout d’ temps ». « Madame Lecreux jure ses grands dieux que c’était elle et elle donne des dates et tout ». « Oui mais Mademoiselle Barge aussi ». « Et Madame Puiseux sa meilleure amie hausse alors les épaules avec l’air de quelqu’une qui en sait bien plus qu’elle n’en dit ».

Il n’y avait en fait que deux choses dont on était sûr à propos de Charles. La première c’était que toutes celles-là dont elles venaient de parler et aussi Pauline et aussi Lucie et beaucoup d’autres encore étaient passées sous les fourches caudines des pinceaux de Charles Marchalaud. La seconde c’était que Charles Marchalaud avait débarqué à Sainte Euphasie il y avait exactement quinze ans, « le jour des cendres », vous préciserait même Ginette. Il n’avait pour tout bagage que ses joues creuses, ses yeux un peu fous, son ventre vide et son manteau d’Emmaüs trop grand pour lui. Au Terminus, le premier bar rencontré au sortir de la gare, Ginette, la patronne, lui avait permis de faire son trou : une paillasse sous les toits, une ardoise qu’elle laissait s’allonger contre quelques nuits de tendresse. La veuve Rinsac du Restaurant des Amis, en échange des mêmes menus services sans doute, lui servait chaque soir à la cuisine une bonne soupe ou un reste de plat du jour.

De l’une et de l’autre, pour les remercier, il avait fait un grand portrait en pied qui, l’un et l’autre, aujourd’hui encore, sont accrochés en bonne place dans le bar et le restaurant. À l’évidence elles avaient donc été les premières, mais toutes les « dames » de la ville vous auraient dit qu’elles ne comptaient pas ces deux là, bien sûr. Non, il ne s’agissait pas de cela, il s’agissait de savoir laquelle avait été la muse première, l’égérie radicale, la messagère de la providence, celle qui avait été à l’origine du succès de Charles (toutes l’appelaient Charles), celle qui avait su en faire la coqueluche de la bonne société de Sainte Euphasie. (à suivre)


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