GISELA JOAO A L’ALHAMBRA : QUE DU BONHEUR
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Ferdinand Fortes, l’organisateur de Festafilms, qui pendant neuf jours aura envahi Paris avec des projections de films, des débats et conférences, des interventions, de la musique, le tout consacré aux cultures lusophones et à leurs résonnances dans la culture d’ici, était certes fourbu ce neuf avril, mais également heureux du succès de son initiative, succès confirmé par cette soirée de clôture consacrée à la musique, et tout particulièrement au fado.
Fille du sud de la France, qui connaissait déjà Festafilms, dont les précédentes éditions se passaient à Montpellier, passée pendant un an à Alfama, où elle a contracté le virus du fado (j’en suis presque devenue monomaniaque, dit-elle), C’est Lizzie qui a assuré la première partie de la soirée, parfaitement accompagnée par la guitare portugaise de Filipe De Sousa, pilier du fado parisien, et la contrebasse de Pierre-François Maurin. Huit chansons, dont deux en portugais, dans une veine folk franco-lusitanienne qui est la marque de fabrique de Lizzie, ce qui colle de plus tout à fait à l’esprit de Festafilms. Moment de fraîcheur, d’une sorte de gravité joyeuse, parfait apéritif.
Car il est bon d’avoir de l’appétit pour profiter au mieux d’une prestation de Gisela João, toujours roborative et revigorante. Lorsque les musiciens entrent en scène, on se dit tiens, Ricardo Parreira a bien changé depuis l’année dernière. Alors qu’ils rejoignent leurs sièges, apparition furtive de Gisela pour un petit coucou et disparait aussitôt tel un lutin. Les musiciens sont assis, et nous pouvons constater que si Nelson Aleixo (viola) et Francisco Gaspar (viola baixa), aux airs d’étudiants sages sont bien là, ce n’est pas Ricardo Parreira mais Bernardo Couto, à l’air de jeune universitaire décontracté, qui tient la guitarra.Le très conceptuel Bernardo Couto, ex de chez Mariza et complice préféré d’Antonio Zambujo. Et puis les choses sérieuses commencent. Longue et belle introduction des guitares, Gisela João, robe noire pailletée ultracourte, talons roses haut de dix centimètres, s’assied vite et chante les désirs contrariés des corps. Poignant et habité. Salle conquise. Et le brillant sourire de Gisela. Et toute la soirée, nous aurons cela : un fado, gai ou triste (Gisela est une militante anti-fado triste), un sourire éclatant, un fado etc… Plaisir évident d’être là qui fait tout naturellement que le public est lui aussi content d’y être. Confession publique après un fado triplicado endiablé, car diablesse aussi Gisela danse aussi beaucoup en chantant : « J’aime vraiment chanter ! » et se tournant vers ses guitaristes transpirants « Comme ils sont beaux, mes muchachitos, de grands musiciens ! »
Au long du concert, Gisela João enlèvera ses hauts talons, chantera pieds nus, puis en baskets. Elle chantera de grands noms de poètes du fado (Linhares Barbosa, Ary Dos Santos, David Mourão Ferreira, Aldina Duarte...) et de moins connus, telle l’artiste rap Capicua, ajoutera aux titres de son cd quelques nouveautés (probablement en avant-première de son prochain opus), dont son poignant fado d’ouverture et un « Sr Extraterrestre » loufoque, dans la tradition des fados comiques des revues à la portugaise du temps de la grande Herminia Silva. Elle passera sans autre transition que l’éclatant sourire des heures tragiques de certaines amours aux joies simples des viras de son Minho natal, des friponneries de Mariquinhas au credo fadiste de Manuel d’Almeida avec un naturel confondant. Un spectacle que respire la liberté, qui inclut certes quelques moments de désespoirs, mais la leçon de tout cela, c’est que si les désillusions existent, elles ne doivent pas nous dévier du chemin vers la joie. Que du bonheur, c’est ce que nous apporte Gisela João.
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