TRIBUNE : ENJEUX ELECTORAUX ET VOMISSURES MEDIATIQUES

vendredi 14 avril 2017
par  Jacques-Robert Simon
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Le peuple, le petit peuple, en proie aux passions, aux instincts, ne posséderait pas la culture, les acquis sociétaux nécessaires pour avoir un avis éclairé lors des élections. Qu’en est-il vraiment ?

Il faut d’abord poser un préalable : personne n’a le monopôle du cœur et moins encore le monopôle de la morale, des pratiques éthiques. Il faut toujours se méfier de quiconque se drape dans la vertu en posant par avance que l’idéal est inaccessible. Malgré tout chacun attend des moments électoraux des motifs d’espoir, des exemples à suivre. M. Martin Schulz, le 12 avril 2016 avait-il raison de s’interroger sur la capacité des citoyens à comprendre les questions qu’on leur pose lorsqu’on les consulte ?

Lorsqu’un savant (celui qui sait ou du moins qui croit savoir) s’adresse à des simples, il doit trouver la formulation adaptée pour que chacun puisse comprendre l’essentiel du problème exposé. C’est toujours possible même si c’est quelquefois difficile. En 1924, Louis de Broglie affirma que toute matière a une nature ondulatoire. La dualité onde-corpuscule est une des notions les plus difficiles à appréhender en Physique, pourtant celle-ci est parfaitement exposée dans beaucoup de manuels, d’une manière plus ou moins simplifiée certes, mais jamais simpliste : il est ainsi possible de cerner le cœur du problème. Cette simplification du réel ne peut se faire que si l’on table sur la raison et que l’on écarte résolument tout ce qui s’en écarte un tant soit peu. Elle exige pour ce faire des professionnels aguerris et dénués « d’opinions » qui bannissent comme une plaie tout affectif, toute émotion.

Le microcosme germanopratin s’est donné comme objectif la synthèse d’un Homme nouveau qui succéderait aux hommes de toujours indissociables du patriarcat. Cette proposition est parfaitement recevable même si elle bouscule les traditions. L’égalité homme-femme est en principe incluse dans la Déclaration des droits de l’Homme et ne peut guère être contestée. La méthode pour imposer cette vision est plus discutable : tout tenant de la famille traditionnelle est instantanément ridiculisé dans les médias comme étant un suppôt de l’archéo-catholicisme alors qu’il peut s’agir de l’attrait pour les différences plus que pour les semblables. C’est l’affectif, et non pas la raison, qui est utilisé pour dresser (éduquer) les masses dans le sens souhaité par un langage politiquement correct qui nie souvent des évidences.

L’éducation des masses par les médias, les faiseurs d’opinions, les experts remplace la catéchèse mais dans un même but : faire sortir l’Homme de la bestialité. Cette nouvelle foi se passe de tout aspect spirituel pout faire régner le seul maître accepté : le Dieu-argent que l’on pare de toutes les vertus. Les rapports homme-femme ne relèvent plus de l’amour plus ou moins courtois mais de l’équilibre des apports respectifs. Les liens évoluent donc en fonction des événements et l’éternité de l’impalpable est remplacée par l’intensité des jouissances immédiates. La néo-catéchèse est d’abord et avant tout une manière de se reconnaître en communion avec les lois du marché.

Le « changement des mentalités » se fait donc presque exclusivement en mettant en évidence des faits ou des événements qui vont violemment titillés l’affect du menu peuple posé comme arriéré dans ses mœurs comme dans ses pensées politiques. Ce fut depuis toujours la façon faire des publicitaires. Les élections se prêtent bien à la mise en œuvre sur une grande échelle des stimuli de marketing politique.

Les élections de 2017, quoique encore inachevées, ont atteint un paroxysme dans la vulgarité de l’information. Que dire des partis politiques ? Il n’existe pas de groupe intelligent d’individus car ils sont ensemble non pas pour réfléchir mais pour dominer. La sottise s’ajoute, se cumule, se coagule ; les analyses finement dentelées disparaissent tout au contraire dans des débats. On ne comprend jamais ce que sont acides et bases en les mélangeant. Les partis politiques devenus des machines à gagner les élections, à convaincre, ne donnent plus « à leurs concitoyens ce dont les hommes se passent le moins : le sentiment d’être reconnus. » Il est possible de s‘épouvanter des spectacles offerts par les shows politiques. Les Hommes politiques pourraient certainement dire des choses intelligentes s’ils ne désiraient pas si intensément être élus. Mais les relais d’information ne les aident pas qui eux ne recherchent que les audiences, le croquignolet, le scabreux, le scandaleux.

Le programme d’un des candidats à l’élection présidentielle ne demandait que des efforts, injustes certainement, odieux peut-être, mais une majorité de Français était sur le point de lui accorder leur confiance, jusqu’à ce que certains s’emparent de l’homme (pas du candidat) pour le détruire. Les fautes reprochées étaient-elles vénielles ou mortelles ? La justice est chargée de le déterminer mais les faits étant anciens elle aurait peut-être pu se saisir du problème il y a fort longtemps. De toute façon, les reproches concernaient la nature humaine du candidat pas ce qu’il souhaitait mettre en œuvre. La leçon ? Les gens du commun sont davantage prêts à souffrir pour la collectivité que des privilégiés tapis sous la moraline.

Le 30 janvier 1933, le président allemand Paul Von Hindenburg nomme Adolf Hitler Premier ministre. Le 27 février, le Reichstag, le Parlement allemand est incendié. La même nuit plus de 10 000 communistes, socialistes et progressistes sont arrêtés. En mars 1933, après deux mois de terreur, le parti nazi obtient 43,9 % des suffrages. Le Parlement votera un peu plus tard la confiance au gouvernement d’Hitler et l’autorisera à décréter des lois sans son autorisation. Pourquoi de nos jours l’évocation de cette abomination ? Mesuré à l’aune du seul taux de chômage, le régime nazi fut incroyablement efficace : d’un pic de 5 millions de chômeurs en 1932, l’Allemagne nazie n’en compte plus que 400 000 en 1938. Le « peuple » avait accepté la pire des dictatures contre son insertion dans le tissu social par le travail.

Les partis politiques prônant ordre et autorité évoluent depuis une vingtaine d’années dans un contexte économique et social qui n’est pas sans rappeler celui des années noires de l’Allemagne : un chômage important (quelquefois dissimulé par des emplois précaires), les effets d’une crise (en fait les résultats d’une escroquerie bancaire vis à vis de gens peu fortunés qui voulaient accéder à la propriété). Mais se greffe de nos jours le problème d’une perte de repères culturels et sociaux dû selon à l’incorporation trop massive d’éléments exogènes : pourra-t-on conserver les acquis du passé dans un futur fait de la superposition d’intérêts : les femmes, les minorités. La France, pour ne prendre qu’elle, fournissait une valeur transcendantale qui liait (très inégalitairement) les différentes strates sociales. En supprimant la Nation, on supprime ce lien : chacun cherche son seul profit. Celui-ci est plus facile à trouver pour ceux qui ont déjà tout que pour ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose. Par comparaison, combien des 1,5 millions de « poilus » connaissaient Sarajevo avant de succomber pour des intérêts qui n’étaient pas les leurs. Quelle notion permettra d’agréger des égoïsmes divergents sans Dieu, ni Patrie, ni Morale ?

Un autre « parti » tente de s’occuper des gueux. Beaucoup de gens pensent en effet que personne n’est génétiquement prédisposé à être pauvre et dominé. Faire coïncider le dire et le faire demande une bonne dose de volonté et de rationalité : c’est dans ces registres que les « utopistes » s’illustrent. Car prétendre que chacune et chacun doit avoir une vie, choisir une vie, et non pas la subir relève pour la pensée dominante de l’utopie. De tout temps en effet, une classe, une caste, une élite a dominé la multitude, comment pourrait-il en être autrement ? L’heur du temps est au pragmatisme, au réalisme, aux comptes d’apothicaire, à la compréhension des inégalités, mal nécessaire et incontournable de toute société organisée… même si tout ce qui est grand a été fait par ceux qui ne désespéraient pas de l’espèce humaine et qui ont cru en un futur meilleur que le présent. Notre monde médiatique inonda de commisération, pour cacher (un peu) un solide mépris, ce peuple qui se battait pour un autre monde et pas un instant il ne pensa que c’est lui qui menait le vrai monde, celui qui ne se gargarise pas de mots et qui est prêt à souffrir voire mourir pour ses idées. C’est ce peuple qui insuffle l’espoir d’atteindre un jour l’Égalité et la Liberté d’une façon plus concrète qu’au fronton des mairies : et qui peut vivre sans espoir.

Bien sûr, il est mieux de travailler pour se payer des costumes, toutefois c’est probablement plus facile de trouver un emploi lorsqu’on a été élève d’un établissement privé catholique, puis intégré le lycée Henri-IV, même si l’on échoue à deux reprises à l’écrit du concours d’entrée de l’École normale supérieure. Une scolarité à l’ENA facilite une carrière de banquier d’affaires dans la banque Rothschild où, il est vrai, un costume est de rigueur. Mais il n’est pas nécessaire de s’attarder sur la personne en faisant fi des idées, des propositions, ce qui devrait fournir le cœur d’un programme politique. L’Homme n’est qu’un Homme et comme le plus vulgaire des péquins : il mange, il boit, il urine, il défèque et pour une majorité d’entre eux peuvent même entrer en érection dans des situations qui s’y prêtent.

Est-il nécessaire de poursuivre l’examen de toutes les vomissures médiatiques qui constituent l’essentiel de ce qu’il est bon de nommer campagne pour une élection présidentielle. Aucun des points importants n’est abordé rationnellement et les méthodes de matraquage publicitaire sont utilisées pour vendre un candidat ou tenter des électeurs. Les Hommes politiques semblent condamner à convaincre alors que leur rôle, le seul rôle qu’ils devraient avoir, est d’expliquer clairement les problèmes à affronter et les solutions qu’ils proposent. Ils se veulent habiles, mais « les habiles finissent toujours par avoir tort. »


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