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UNE HISTOIRE VRAIE ?

jeudi 7 septembre 2017
par  Hervé Mesdon
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La boulangerie était le lieu où semblait s’être données rendez-vous toutes les peines et toutes les misères du quartier. La boulangère, ses seins énormes et écroulés toujours enfarinés, boursouflant son tablier de grosse toile, traînait des pieds et de la voix et ne se résignait à servir son pain qu’après avoir dans une sorte d’épuisement généralisé de son corps appuyé au comptoir, fait à sa clientèle les honneurs d’une visite des corridors ténébreux de son esprit voué aux frissons du catastrophisme. Elle avait le don de ressasser ses monstres en y amalgamant comme en fraternité ceux de chacune de ses clientes. Se remâchaient ainsi entre mie et croûte, entrecoupées de considérations plus générales sur « la méchanceté des gens », « la misère du monde » et « la dureté des temps », une multitude d’invérifiables petitesses.

Quant à moi, boulangère et clientes, toutes à leurs collectives jérémiades, je pouvais être oublié longtemps, la plupart de ces dames me volant effrontément mon tour sans que personne ne paraisse y prendre garde. Quand enfin l’une d’entre elles daignait s’aviser de ma présence, je n’en étais pas sorti d’affaire pour autant car je devenais alors pendant qu’on me servait l’objet de l’attention de toutes : que « j’étais un beau petit garçon », que « j’avais grandi », « mon dieu, comme j’avais grandi, n’est-ce pas ? », que « je devais dire quand c’était mon tour ». Leurs réflexions avec des voix qu’elles sucraient, leurs petits rires supérieurs, leurs mimiques bovines : « qu’il ne fallait pas que je sois timide comme ça »… Et mon humiliation de toute cette attention bavarde portée à ma personne.

Sortant enfin de la boulangerie, le monde était plus sombre pour moi. Il s’était peuplé d’effroyables personnages dont les turpitudes avaient été devant moi mises à nu et stigmatisées par l’indignation des bonnes dames qui cachaient mal la jubilation gourmande avec laquelle elles se livraient à l’exercice. Chacune des maisons devant lesquelles je passais à mon retour pouvait bien être le repaire de l’un de ces monstres ordinaires. Chaque façade pouvait cacher vices secrets, passions aveugles, péchés affreux. J’arrivais à la maison avec en tête l’image d’un monde à se suicider, ce que fit d’ailleurs la boulangère une quinzaine d’années plus tard. On la trouva pendue dans son fournil. « Dépressive depuis de longs mois » disait le journal par lequel j’appris la nouvelle.


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