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Qui veut casser le service public ? Et la sécurité ?

samedi 17 mars 2018
par  Andy Crups
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Curieusement alors que le nouveau pouvoir exécutif a eu la démonstration d’un malaise profond au sein de diverses administrations, il évoque sans beaucoup de respect pour l’ensemble des fonctionnaires un plan visant à diminuer de 120.000 fonctionnaires deux des trois fonctions publiques. Ainsi 70.000 postes doivent disparaître dans la fonction publique territoriale. On peut d’ailleurs s’interroger quant à la cohérence de cette requête de l’état puisqu’il n’est pas l’employeur de ces fonctionnaires, mais il est vrai qu’il est assez aisé de demander aux autres de faire des efforts. Pour l’état, c’est donc 50.000 postes qui vont disparaitre, sur près de 2 millions de fonctionnaires dans les diverses administrations.

Après une première baisse de 0.9 % sur 10 ans entre 2005 et 2015 soit 18.000 fonctionnaires. Sachant que le gros des effectifs se situe entre éducation nationale plus d’un million de fonctionnaires et les forces de sécurité intérieur et défense : soit 530.000, il est bien difficile d’imaginer comment se réaliseront les arbitrages. Mais au fond ce qui est le plus surprenant à chaque fois que la question des effectifs se pose c’est que l’on ne met jamais en parallèle la nature de la mission et la qualité de service requise. En effet comment imaginer qu’aujourd’hui l’état rémunère 50.000 agents qui ne servent à rien ! Même si la sacrosainte mutualisation est évoquée, il est probable qu’elle a déjà atteint sa limite. C’est indubitablement la nature de la mission et le niveau de qualité de service public qui doit déterminer les moyens dont les effectifs. Si j’observe la fonction publique qui m’est le plus familière « la sécurité », je ne vois pas comment on peut réaliser un calcul de déflation sans analyser en profondeur la nature de la mission.

C’était d’ailleurs il y a quelques années la magnifique injonction paradoxale d’un Président de la République qui a demandé à ce que le travail policier soit évalué sur une productivité d’affaires pénales alors que dans le même temps un fonctionnaire de police sur deux partants à la retraite n’était pas remplacé. Quelle est donc la mission de sécurité intérieure ? Sachant que ces dernières années le marché de la sécurité privée est en pleine croissance. Plus de 8 milliards d’€ en 2016 et une progression annuelle de près de 4 %. La force de sécurité Intérieure détient le monopole de la violence légitime, c’est ce qui détermine la mission comme régalienne. Le travail de police, c’est la gestion des interdits de la société et le traitement des infractions dont la nature est essentiellement soit l’avidité : les gains illégaux, les pulsions : violences, sexuelles et la prohibition. Il faut préciser que la société elle-même génère une certaine dérégulation en fonction de l’adéquation entre les règles en vigueur et la population concernée. En effet il ne suffit pas de prononcer un interdit pour réguler une difficulté sociétale même si c’est ce que l’on a voulu faire croire à l’opinion pubique lorsqu’il était question de légiférer de façon émotionnelle sur des faits divers. Par exemple en matière de prohibition du cannabis si la consommation prévoit une peine d’incarcération alors qu’il est recensé plus d’un million de consommateurs réguliers et que nous disposons de moins de 70.000 places de prison, comment peut-on considérer cette fameuse adéquation ? Il en est de même pour les infractions liées à l’avidité, le vol simple est poursuivi alors que pour une infraction fiscale le plus souvent une transaction aura lieu et le tout sans tenir compte des valeurs détournées, là encore on peut se poser la question de « l’adéquation ».

En somme la mission de la Force de sécurité est bien plus complexe qu’une gestion binaire : légal ou illégal et son efficience n’aura qu’un impact limité sur l’ensemble de la situation de sécurité de la société car bien d’autres paramètres sont à prendre en compte. Par exemple si les vols d’autoradios sont quantité négligeable alors que c’était statistiquement énorme dans les années 80, ce n’est pas que les policiers aient trouvé la solution, c’est plus simplement parce que l’objet s’est démocratisé et fait désormais partie prenante de l’automobile.

Mais venons-en au constat concernant précisément la situation de sécurité dans le pays. En général, pour des raisons d’intérêts particuliers ou corporatistes, on la présente par des thématiques angoissantes comme le terrorisme et la guerre contre la drogue ou en chiffres statistiques abscons. Pourtant le constat global est assez simple à réaliser si l’on prend les dernières statistiques de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Il y aurait selon les enquêtes de victimation environ 10.000.000 de citoyens se déclarent victimes sur l’année 2016. Sur ces dix millions de faits les services judiciaires ont connaissance de la moitié environ soit 5 millions. En effet les victimes par exemple de vols simples et sur un faible préjudice sont peu tentés de déclarer, par ailleurs d’autres victimes sont nombreuses à ne pas déclarer comme par exemple pour les infractions sexuelles.

Depuis plus de 15 ans maintenant les forces de sécurité intérieures sont mobilisées sur la production d’affaires judiciaires. Ainsi c’est ce fameux « chiffre » qui est présenté comme le mètre étalon de l’activité policière. Sauf que la réalité de ce chiffre ne devrait pas être annoncé par les services de police il devrait s’observer par le nombre des affaires réellement traitées par les services de justice. C’est donc pour la même année 2016, 500.000 jugements rendus et là, même si l’on peut évoquer un biais lié au retard du traitement judiciaire, on peut néanmoins assez aisément se rendre compte d’un différentiel marquant clairement la limite de l’activité judiciaire.

Par ailleurs, personne n’a encore expliqué que l’activité judiciaire est chronophage d’autant que sur ces 20 dernières années d’innombrables textes sont venus se rajouter à une procédure pénale pourtant déjà complexe. Enfin à chaque baisse du volume horaire de la fonction publique personne n’a songé à ajuster les effectifs en conséquence par exemple pour les 35 h en 2000 dans la police c’est environ 15.000 agents qui ont disparu sur une année, soit trois fois rien … En somme si on veut calculer l’effectif des forces de sécurité il serait auparavant impératif de définir la mission : prohibition selon les estimations entre 10 et 15000 agents emploi temps plein. Le « chiffre » imposé au policier est à l’origine d’un volume horaire énorme et répétitif si l’on considère les taux de récidives et de réitération qui oscillent entre 40 et 48 % selon les infractions.

Ainsi une mauvaise stratégie, une mission peu cohérente sont les principales causes d’une sur-utilisation de la force publique mais pourquoi ne pas évoquer d’abord ces sujets avant de calculer un effectif de référence ? Évidemment pour la hiérarchie sommitale il est plus facile de demander des moyens supplémentaires que d’avouer ses échecs stratégiques d’autant que, comme pour les militaires, un général en temps de paix cela ne sert pas à grand-chose ! Enfin pour rajouter une cerise sur le gâteau des sous-doués de la finance publique qui vont se charger de décréter les coupes sombres, il faut évoquer l’idée des heures supplémentaires au coût inférieur à celui d’une heure travaillée dans la police. Les personnels ont toujours été d’accord malgré cela pour effectuer ces heures mais on leur a rétorqué à chaque négociation que cela coûtait trop cher au budget ce qui est risible car aujourd’hui ce sont des millions de jours à récupérer à l’instar de la fonction publique hospitalière ce qui représente en conséquence un coût nettement plus élevé.

Bien sûr peut être que certains pensent encore à l’accroissement de la sécurité privée pour tenter d’améliorer la situation de sécurité, cela s’est fait au début du XXème siècle sur la capitale ou des compagnies privées gardaient des blocs d’immeuble haussmannien et la voie publique de ces zones avec l’aval d’un préfet de police. Heureusement l’expérience n’a pas perduré tant elle remettait en cause les fondements républicains. Dans l’ère contemporaine on a pu observer la « féodalisation » d’un système de sécurité en Afrique du Sud ou nombres de quartiers se barricadent en fonction de leurs moyens pour faire face à l’une des criminalités les plus violentes au monde. Il me semble donc que lorsque l’on évoque la question des effectifs dans la fonction publique on devrait le faire avec moins de légèreté et de suffisance par rapport à une fonction publique présentée comme nombreuse et cossarde par nature. Je pense par ailleurs que pour toutes les fonctions publiques il faudrait revisiter le triptyque militaire bien connu : une mission – un objectif – des moyens. C’est seulement à cette condition qu’il serait possible d’ajuster au mieux les effectifs qui ne doivent pas représenter qu’un coût mais aussi un investissement car le niveau de fonction publique est évalué par les potentiels investisseurs qui généralement souhaitent des garanties de sécurité pour ce qui concerne leur fortune.

Andy Crups est officier de police. Ce texte est paru dans Délinquance, justice et autres problèmes de société le précieux blog de Laurent Mucchielli (http://www.laurent-mucchielli.org)


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