EPAHDS, UNE DEFLAGRATION NATIONALE… AVEC LE REFUS DE LA MALTRAITANCE

mercredi 7 mars 2018
par  Elisabeth Dès
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Le jeudi 27 juillet 2017 à 17 heures s’est achevée à Foucherans dans le Jura l’une des plus longues grèves que la France ait connue. Faute de réponse adéquate d’un gouvernement n’ayant pas pris la mesure d’une situation de monstrueuse maltraitance et opposant une fin de non-recevoir, une mobilisation nationale massive, d’une ampleur inédite de plus de 30°/° des salariés des 7752 Ehpads (ndlr : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) va se déployer sur tout le territoire, au cœur des grandes métropoles comme dans les petites agglomérations. Ils répondent à l’appel de sept syndicats : CGT, CFDT, FO, Unsa, CFTC, CFE-CGC et SUD soutenus par l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Cette intersyndicale exceptionnelle demande l’abrogation des dispositions législatives relatives à la réforme de la tarification des Ehpads en application depuis 2017, et l’application d’un ratio d’un agent pour un résident contre celui actuel de 0,57… contrastant honteusement avec celui des pays du Nord de l’Europe …et de la Suisse où il est de 1,2.

Comment s’étonner de cette unanimité alors que des témoignages de soignants si concordants convergent de tout le pays… relayés tant par les médias officiels que par les réseaux sociaux ? La cadence infernale des soins, des repas confinant au gavage, la douche au mieux hebdomadaire, parfois mensuelle, la disparition du relationnel si indispensable pour des êtres humains confrontés au naufrage de la dépendance, les restrictions sur le nombre de couches, les sommes dérisoires consacrées à l’alimentation des pensionnaires sont dévoilées à la population. De Moselle, de Bretagne, d’Ardèche, de la région PACA, du Nord, les témoignages de salariés des Ehpads, anonymes ou non, se multiplient. Si Ehpads publics, privés et associatifs se mobilisent ensemble, les profits engrangés par ces structures privées, pays de l’or gris, sont particulièrement impressionnants : ce business plus rentable que les hypermarchés garantit un rendement de 5 à 6°/°. Le coût médian d’une chambre dans ce secteur est de 2620 euros alors que le montant moyen des retraites en France s’élève à 1376 euros… Le groupe Korian et ses 24158 lits a multiplié par 2,4 entre 2012 et 2015 le montant des dividendes versés à ses actionnaires. Ce groupe, comme Orpea ou DomusVi va bénéficier de la baisse des cotisations salariales et convoque la santé connectée.

L’entrée en application depuis janvier 2017 d’une tarification kafkaïenne, reposant pour le calcul de la partie dépendance du budget sur « un point unique départemental », basé sur une moyenne des dépenses historiques du département, et un « point GIR » censé traduire le niveau de dépendance des résidents d’un établissement, n’a pu que contribuer à mettre le feu aux poudres après dix années de dégradation progressive des conditions de travail. Selon la Fédération Hospitalière de France 200 millions d’euros vont être retirés aux établissements publics qui ne réalisent pas de gains financiers. En Midi-Pyrénées, l’Ehpad Saint-Jacques de Grenade-sur-Garonne accueillant 225 personnes âgées dépendantes pourrait perdre 260 000 euros, soit 8 postes chaque année. Mais la révélation de la double maltraitance dans de si nombreux Ehpads ne conduit pas seulement à évoquer des enjeux financiers et les difficultés potentielles que rencontreront les classes moyennes, elle contraint à s‘interroger sur la prise en charge du vieillissement de la population alors qu’un français sur 4 a actuellement plus de 60 ans.

Pendant combien de temps pourra-t-on tolérer une gestion purement comptable de la dépendance déconnectée de son vécu quotidien, la souffrance humaine poussée à son paroxysme devenant une gigantesque source de profits dans une société vouée au seul culte de la rentabilité ? S’il parait aussi illusoire dans le contexte de marchandisation de la santé d’espérer éveiller les consciences des actionnaires ayant investi dans un business à l’abri des ralentissements économiques que d’un président et une ministre de la santé pourtant médecin, que se passera-t-il si la coordination exemplaire des Ehpads mobilisés contre la maltraitance s’étend aux hôpitaux publics ? Les résidents dépendants des Ehpads en lutte se retrouvent également sur les brancards des couloirs des services d’urgences.

Et en ce soir du 13 février 2018, la pétition lancée par le médecin qui restera le courageux urgentiste ayant révélé en 2003 le désastre sanitaire engendré par la canicule ainsi que le docteur Christophe Prudhomme et Sabrina Alibenali, « Dignité des personnes âgées, des moyens pour nos Ehpads » a déjà recueilli 543 487 signatures… Une magnifique raison d’espérer qu’un débat de société s’installe sur le sort réservé à « nos aînés ». Chaque personne âgée, précieuse sentinelle de notre mémoire collective, recèle un parcours privé et professionnel, des souvenirs lumineux ou pesants, et en cas de dépendance le maintien à domicile ne pourra pas obligatoirement être envisagé dans le contexte de paupérisation, d’isolement croissant et de désertification médicale. C’est dire si un tel débat de société s’impose et ce dans les plus brefs délais.

Article paru dans http://la-sociale.viabloga.com/


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