BLACK IS BEAUTIFUL, MALGRE BUSH ET SARKOZY
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On se souvient sans doute de cette fière affirmation de la population afroaméricaine à l’époque où la lutte pour les droits civiques progressait chaque jour. Affirmation identitaire ? Oui, mais au sens positif du terme, qui véhiculait estime de soi, action collective, volonté d’intégration sociale. Depuis, aux Etats-Unis, si les droits civiques ont été, pour l’essentiel, conquis, si certaines actions de discrimination positive ont permis à des afroaméricains d’accéder à des responsabilités qui leur étaient jusque là interdites, la discrimination négative, elle, n’a pas cessé et, au fur et à mesure que les services publics et les politiques de solidarité sociales s’affaiblissaient sous les assauts libéraux, se sont même accentuées.
La concomitance des images du désastre qui frappe la Nouvelle Orléans et des incendies puis des expulsions dont sont victimes des familles parisiennes nous offre plus qu’un sentiment de révolte et de réaction pulsionnelle face à l’actualité. Dans les deux cas, ce sont des populations noires qui sont les victimes. Ce n’est pas un hasard.
Nos concitoyens noirs, français ou migrants africains, les afroaméricains n’ont certes pas attendu ces drames pour avoir conscience des discriminations qui les touchent au quotidien. Mais les drames en question leur donneront probablement davantage encore de volonté de s’opposer à ces relents du temps de l’esclavage. Sans compter les réactions en Afrique, dont les liens culturels, et même familiaux dans le cas européen, avec leurs semblables des autres continents sont loin d’être rompus.
Relents des temps de l’esclavage, des temps des ostracismes religieux, des temps des colonies, dont on sait que les pratiques, pour s’être transformées, n’ont pas vraiment cessé. Au passage, nos concitoyens blacks ne sont pas, n’en déplaise à certains, les « indigènes de la République ». Que la République, dans son histoire, ait été colonialiste, c’est un fait. Qu’elle ait alors trahi ses valeurs fondamentales, c’est exact. Mais cela ne justifie en aucun cas la mise en cause de ces valeurs républicaines.
Les drames de Louisiane et de Paris sont aussi révélateurs de beaucoup d’autres choses. A la Nouvelle Orléans, un pan entier de la réalité de la société américaine, bien loin du « rêve américain » et des images aseptisées de Hollywood et des séries que débitent intensément nos chaînes de télévision, est révélé au monde entier : une misère qui rappelle à bien des égards les cités du tiers monde. Aux thuriféraires du « moins d’Etat » et des privatisations à gogo (dans plusieurs sens), les conséquences du cyclone Katrina montrent sans fard l’état des choses : la nation la plus puissante du monde est incapable d’organiser les secours vivriers et sanitaires nécessaires. Elle ne sait qu’envoyer des soldats. Une habitude, sans doute. Et Fidel Castro saisit l’occasion de ridiculiser son ennemi favori en proposant d’envoyer 200 médecins cubains. Ce qui le ne dédouane pas de sa conception très personnelle de la démocratie. Le libéralisme, c’est cela : l’individualisme forcené, la mise sous boisseau des instruments de solidarité collective, l’impuissance à faire face aux catastrophes, surtout si elles touchent les populations les plus défavorisées.
Nous ne soupçonnons pas George W. Bush de racisme, qui s’entoure davantage que ses prédécesseurs de collaborateurs afroaméricains au plus haut niveau. Nous l’accusons par contre de mépris pour ses citoyens les plus pauvres. Il ne sait pas, et ne veut pas savoir, que dans une société irriguée par le libéralisme, la réussite des uns passe par l’écrasement des autres. Cette « loi naturelle », celle de la jungle, est la négation de la civilisation. A Paris, Nicolas Sarkozy est dans la même ligne. Il profite de drames atroces pour en accentuer les conséquences dramatiques. Il organise méthodiquement des expulsions en soignant leur impact médiatique, caméras de télévision dûment convoquées aux petites heures de l’aube pour montrer au bon peuple comment le ministre de l’Intérieur « protège » les populations en danger, et aux électeurs du Front National comment il traite les immigrés. Que près de la moitié des personnes mises à la rue aient la nationalité française est un détail comme dirait Le Pen : à la télé, tous les blacks se ressemblent. Au mépris bushien répond le mépris sarkozyen.
La classe politique française, dans sa grande majorité, paraît découvrir qu’il existe un dramatique problème de logement dans nos grandes agglomérations. Si ce réveil, après une sieste franchement crapuleuse à ce sujet, pouvait être salutaire, mieux vaudrait tard que jamais. On ne peut pas, on le sait, compter sur la droite libérale pour résoudre ce problème, elle qui détruit presque autant de logements sociaux qu’elle en construit. Nous avons entendu, à gauche, de timides propositions, la main devant la bouche comme s’il s’agissait de gros mots : nationalisation des surfaces constructibles, réglementation des prix du foncier, taxations renforcées des plus values immobilières spéculatives. Allons, camarades, soyez courageux, et surtout, si 2007 vous en donne l’occasion, faites-le.
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