LES GILETS JAUNES SONT-ILS CONS ?

vendredi 5 juillet 2019
par  Jacques-Robert Simon
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Maintes personnes « comme il faut » répondent, quelquefois avec véhémence, à cette question dans d’innombrables supports de médias. Mais non seulement la réponse mais aussi le pourquoi avaient été donnés dès 1776 par Adam Smith, le plus illustre des économistes, le « père de toutes choses ».

Une armée de disons 100 000 hommes commandée par un Général d’armée se divise en corps d’armée, en divisions, en brigades, en régiments, en bataillons, en compagnies, en pelotons, en sections et enfin en groupes de combat d’environ 20 hommes sous la coupe d’un Sergent chef, un Sergent, un Caporal chef ou un Caporal. Un général de division de l’armée de terre gagne environ 6000€ brut par mois, un caporal-chef de l’ordre de 1500€ brut à peine plus qu’un soldat du rang. Les sanctions en cas de manquement vont de la privation de sortie jusqu’au retrait d’emploi selon la gravité de la faute. Ce n’est manifestement pas pour l’attrait de l’argent que l’on devient général : trop de charges, trop de responsabilités : pas moins que des décisions qui engagent des vies, son honneur. Pour une entreprise de taille comparable à une armée, selon les critères du marché, les dirigeants peuvent gagner jusqu’à 2 millions d’euros mensuellement. Il n’est pas nécessaire de savoir que 2 fois 2 font 4 pour se rendre compte que le service d’une idée, d’un idéal, de toute chose immatérielle et transcendante conduit à moins d’accumulations de richesses que la poursuite égoïste du profit. L’économie dicte ses règles : l’offre, la demande, la concurrence, mais comprend-t-on bien qu’agir ainsi c’est confondre l’outil et le but, c’est désespérer de l’homme. Mais d’où les économistes tirent-ils que «  la conviction que ne pas aller contre les intérêts réels, normaux, garantis par les déductions de la raison et par l’arithmétique, est véritablement toujours profitable pour l’homme et est la loi de toute l’humanité ? »

Reprenons un texte sacré des économistes même s’il a pu être par la suite amendé, corrigé, amélioré (contrairement d’ailleurs aux « vrais » textes sacrés) : « Dans chaque art, la division du travail, aussi loin qu’elle peut y être portée, donne lieu à un accroissement proportionnel dans la productivité du travail ». Il convient donc, selon les augures, de diviser autant que possible un travail donné en actes élémentaires afin d’augmenter le nombre d’objets produits, les rendre moins chers et par échange satisfaire le plus grand nombre.

Un laboratoire dit de « Recherche fondamentale » comprend approximativement le même nombre de personnes qu’un groupe de combat militaire. La division du travail n’est jamais considérée comme un but en soit et tous les secteurs sont abordés lorsque cela se révèle nécessaire. Les prouesses académiques les plus échevelées ont pu être faites avec ce type de structure. Dans les années 1960 par exemple, R.B. Woodward a fait, avec une équipe d’une centaine de personnes, la synthèse chimique de la vitamine B12. Le travail, achevé en 1972, est considéré comme l’acmé de la chimie organique. La radioactivité, la théorie de la relativité, l’électrodynamique quantique, les transistors, les microprocesseurs… en fait toutes les découvertes ont été faites au sein de groupes minuscules, souvent par un homme seul. Il est donc possible de créer, d’inventer, d’innover sans l’appui d’une pyramide hiérarchique et la philosophie, la littérature ou les autres arts ne manquent pas de confirmer cette assertion.

Le génie pour créer ne dépend pas de la présence d’une structure hiérarchique pyramidale ; cette dernière sert-elle alors à produire des biens en abondance et avec célérité en confiant à chacun des tâches conformes à ses aptitudes ? En d’autres termes, la division du travail permet-elle d’occuper chacun selon ses dons : des plus simplets aux plus brillants en développant l’habileté ou la sagacité du travailleur qui se spécialise dans une tâche simplifiée. La réponse se trouve dans le livre sacré des économistes lui-même :

« Dans les progrès que fait la division du travail, l’occupation de la très majeure partie de ceux qui vivent de travail, c’est-à-dire de la masse du peuple, se borne à un très petit nombre d’opérations simples, très souvent une ou deux. Or l’intelligence de la plupart des hommes se forme nécessairement par leurs occupations ordinaires. Un homme qui passe toute sa vie à remplir un petit nombre d’opérations simples, dont les effets sont aussi peut-être toujours les mêmes, n’a pas lieu de développer son intelligence, ni d’exercer son imagination à chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se rencontrent jamais ; il perd donc naturellement l’habitude de déployer ou d’exercer ces facultés et devient en général aussi stupide et aussi ignorant qu’il soit possible à une créature humaine de le devenir ; l’engourdissement de ses facultés morales le rend non-seulement incapable de goûter aucune conversation raisonnable ni d’y prendre part, mais même d’éprouver aucune affection noble, généreuse ou tendre et, par conséquent, de former aucun jugement un peu juste sur la plupart des devoirs même les plus ordinaires de la vie privée. »

Les choses se simplifient : le travail parcellisé rend stupide et ignorant et donc il n’y pas lieu d’en tenir grief à ceux qui l’ont promu voire imposé et d’ailleurs c’est un de ses grands mérites car ainsi les machines humaines ne songent pas à se rebeller. Mais est-ce que le productivisme abêtissant (selon l’auteur dominant) a un quelconque avenir ? La division du travail permet également de mécaniser ou robotiser massivement les chaînes de production. Une machine, quelle que soit sa nature, consomme de l’énergie, fossile très majoritairement jusqu’à maintenant et pour longtemps encore. La notion d’esclave énergétique (due à Jean-Marc Jancovici) permet de comparer la productivité des travailleurs dans une société industrialisée, par rapport au nombre de travailleurs nécessaires en l’absence de machines. Chaque français bénéficie de l’ordre de 300 à 400 esclaves qu’il tire du pétrole, du gaz, du charbon et d’un peu de l’uranium. Les machines, la mécanisation augmentent donc la productivité d’un facteur 300 à 400 grâce aux énergies fossiles en voie de raréfaction à l ‘échelle mondiale (mais pas aux USA).

La solution de demain n’est plus, n’est pas, n’a jamais été dans la parcellisation du travail mais tout au contraire dans une réappropriation par tous d’un travail significatif, par une réappropriation de sa vie, de ses pensées : le futur se trouve dans l’artisanat du XXIe siècle. Et de toute façon : « Deux fois deux quatre ce n’est plus la vie, messieurs, mais le début de la mort… deux fois deux cinq est une charmante petite chose parfois. »


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