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LA REALITE EXISTE-T-ELLE ?

samedi 10 août 2019
par  Jacques-Robert Simon
popularité : 91%

Il ne s’agit pas de se plonger dans le monde des hallucinations, des tours de magie, des rêves éveillés, des miracles. Il s’agit de se demander si ce qu’on voit ‘réellement’, concrètement, correspond à une réalité objective, intangible, universelle ou est-ce le jouet de nos présupposés, de notre passé, de notre culture ?

Il y a au Palais de la Découverte à Paris, dans un recoin peu fréquenté des visiteurs, une expérience qui devrait être connue de tous dès les premiers âges de la vie. Deux masses cylindres marquées A et B coulissent sur une tige métallique verticale, l’un plus de deux fois plus long que l’autre. Vous soulevez l’ensemble A+B, puis vous les reposez. Vous soulevez ensuite la seule masse supérieure (B) et elle vous semble significativement plus lourde que l’ensemble A+B. Physiquement, rien ne peut expliquer qu’une partie d’un tout soit (ou paraisse) moins lourd que le tout. Après beaucoup de réflexions, la seule explication possible c’est que lorsque vous soulevez la seule masse B moins volumineuse que l’autre (A), vous vous attendez inconsciemment qu’elle soit beaucoup moins lourde que le tout. Elle est moins lourde, certes, mais pas tant que cela, la rondelle B est faite d’acier plein tandis que la rondelle A est creuse. Votre cerveau s’attendant à une tâche beaucoup moindre que lorsque vous souleviez les deux rondelles ensemble A+B ne prépare pas vos muscles suffisamment à l’effort nécessaire pour soulever la seule B qui vous paraît alors plus lourde (indûment) que A+B. Le cerveau, indépendamment des sens que l’on peut si facilement abuser, n’est donc pas un instrument neutre qui ‘observe’ une réalité même lorsque ce sont des phénomènes physiques particulièrement simples qui sont mis en jeu. Il ‘observe’ en tenant compte de son vécu, de son apprentissage, de la meilleure probabilité de fournir une réponse satisfaisante.

La Science permet (en partie) de se sortir de ce dilemme. Vous démontez l’appareil précédent, vous mettez les rondelles sur les plateaux de la balance, vous déterminez quel est le plus lourd de B ou de A+B, et vous voilà rassurez : une partie ne pèse pas plus que le tout dont il fait partie. La mesure physique (la pesée) n’a aucun préconçu contrairement à votre cerveau servi par les sens qu’il a à disposition. Dans ce cadre, sans mesure physique neuronalement neutre, la réalité n’existe pas : tout n’est qu’impression plus ou moins proche d’un réel intangible selon le degré d’exaltation, d’intérêt personnel, de culture clanique que l’on fait intervenir.

Si on n’est pas capable, sans controverse possible, de déterminer quel est le plus lourd de deux corps sans risque d’erreur, que soupçonner si on observe les sciences politique, philosophique, économique… tous ces domaines qui ont tenus à se parer du terme de Sciences pour revendiquer la recherche d’une véracité qu’ils savaient ne pas pouvoir atteindre intrinsèquement puisqu’aucune mesure physique n’est capable de cerner le comportement humain qui est pourtant leur objet. Quoique…

L’amour, pour ne prendre que cet exemple, ne peut pas être décrit par des formules, des chiffres, des équations, il n’est donc pas associé à une réalité incontournable. Une preuve cependant qu’il a une nature particulière, c’est qu’on peut le diviser tout en gardant intact chacun de ses ‘bouts’, ce que l’on ne sait pas faire avec toute chose matérielle. C’est alors que le monde dit des Sciences humaines (et surtout l’économie politique) eut une idée géniale : si il est impossible de trouver des équations qui décrivent l’Homme ou les hommes, il faut faire en sorte que les Hommes se plient aux équations. Il faut donc ‘quantifier’ les rapports amoureux pour la multitude : 1 étoile : mauvais, 2 étoiles : moyen, 3 étoiles : bon ; 4 étoiles : très bon, 5 étoiles : excellent. Il faut ensuite disséquer les instants amoureux en moments pondérables : le nombre de sourires, de clins d’œil, de caresses, de moments intimes et leur degré de ferveur, le taux hormonal atteint. Il ne reste plus qu’à comparer les performances de l’individu•e avec d’autres plus jeunes, moins vieux, plus fortunés, moins riches, plus diplômés, plus virils, moins laids, plus attrayants… Vous obtenez alors une base de données fiable vous permettant d’engager ou de refuser une liaison amoureuse à durée déterminée, l’infini affolant tout être pensant comme étant irraisonnable.

L’amour étant la chose considérée comme impossible à circonscrire par des chiffres, vous imaginez bien que toutes les vertus qui en découlent, les émois, les envies, les plaisirs, les élans moraux, le sentiment de justice, le désir d’égalité… tout ce qui élève l’homme au dessus de son animalité est bien plus facile à traiter. Vous obtenez ainsi de petites montagnes de chiffres qui devisent échangent, prospèrent ou se ruinent selon des lois d’une nouvelle nature artificielle. L’Homme devient prévisible, il ne peut même pas savoir que la réalité est tout autre que ce qu’il perçoit, ‘sa’ réalité est fabriquée non pas par un ministère de la pensée, un cadre économique, une myriade d’informateurs supposément journalistes, des réseaux sociaux… mais par tout ce qui peut atteindre ses cinq sens.

La fabrication artificielle d’une réalité n’a pas attendu l’ère du numérique pour s’installer en maître. Les églises, et en particulier celles qui représentent un dieu unique, ont depuis plusieurs millénaires, forgé une réalité à leur convenance : créer une puissance terrestre pour la vie et un monde d’amour pour l’au-delà. Chaque vitrail, chaque prière, chaque confession, chaque image pieuse construisaient la réalité qui convenait aux maîtres mais qu’y a-t-il de commun entre le dieu-amour et l’inquisition, les persécutions, les guerres saintes, les bûchers, les tortures morales, les exclusions… C’est bien un conditionnement à un certain réel par tous les moyens possibles auquel on a assisté.

La réalité existe bien cependant mais elle nécessite beaucoup de soin et des interrogations perpétuelles pour être approchée. Cette quête vous mettra loin des autres, loin de tout et il faudra encore que vous pouviez malgré tout subvenir à vos besoins quotidiens. La réalité numérique du présent s’affirmera sans nul doute bien plus profondément dans le futur. Sera-t-elle pire que l’ancienne ? De toute façon pour ceux qui n’acceptent rien d’autre que la réalité débarrassée de ses oripeaux idéologiques, il faudra comme toujours qu’ils acceptent une forme ou autre de marginalité : seuls les idoles ou les gens insignifiants peuvent être eux-mêmes, il n’y a aucune place entre les deux.

Pourtant la ‘réalité vraie’ existe. La réalité concrète (le réel) se trouve en prenant divers moyens d’observation : pas seulement les yeux et la lumière visible, mais aussi les infra-rouge, les ultra-violets, les rayons X, les vibrations, les odeurs, pas seulement en analysant avec un cerveau, mais aussi en utilisant les plaques photographiques, les ordinateurs, la confrontation avec d’autres visions. La réalité abstraite, nommée plus à propos la vérité dans le monde des idées, se trouve aussi mais il faut la chercher soi-même loin des maîtres, loin des écoles, loin des partis, loin des religions, loin de toutes les vérités énoncées par des groupes qui ne songent en fait qu’à affirmer leur puissance. Un critère pertinent pour déterminer si l’on s’approche de la vérité c’est de constater qu’en partant de points de vue entièrement différents on arrive à la même constatation, comme c’est le cas lorsque des pièces d’un puzzle s’assemblent permettant finalement de distinguer le motif qu’il recélait. La réalité n’est pas que virtuelle, il n’y a pas plusieurs vérités, mais il faut se donner la peine et le temps de les trouver.


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