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FADO : SALLE COMBLE A CRETEIL POUR ANA MOURA ET ANTONIO ZAMBUJO

samedi 12 octobre 2019
par  Jean-Luc Gonneau
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Avant le concert

Antonio Zambujo, le « gendre idéal », Ana Moura, la « sexy girl », mais pas que, sont deux figures majeures du fado d’aujourd’hui, membres de cette « nouvelle génération du fado » particulièrement riche en talents. Plus vraiment nouvelle par la chronologie, puisque tous deux ont passé le cap de la quarantaine (depuis quelques jours seulement pour Ana), mais toujours nouvelle pour ces deux artistes qui, chacun à leur manière, ont pris avec le fado des chemins de traverse, parfois éloignés, ce qui leur fut et est encore reproché par les amateurs puristes. Ce qui ne les empêche pas de poursuivre leurs chemins, qui les conduisent l’un et l’autre sur les scènes du monde entier.

Autant dire qu’on ne va pas s’ennuyer à Créteil, où Antonio Zambujo assurera la première partie en solo, formule déjà présentée voici deux ans à Paris, dans laquelle sa liberté s’exprime sans contrainte. C’est aussi une des façons qu’il a choisie pour s’affranchir des codes du fado. Autre signe de cet affranchissement, le fait que la guitare portugaise est quasiment absente de ses deux dernières productions discographiques. Fortement influencé par son enfance et son adolescence ribatejaine, et plus encore par les musiques latino-américaines, notamment brésiliennes, curieux de jazz, Antonio Zambujo a créé son univers peu à peu enrichi depuis ses débuts marqués par une longue participation aux soirées de la maison de fado Senhor Vinho, cette « académie de fado », où il côtoya entre autres la toute jeune… Ana Moura. Un univers à la fois vaste et intime, servi par une voix insinuante, et qui n’oublie pas les touches d’humour.

Ana Moura, qui occupera la seconde partie, a tracé aussi son chemin, depuis sa découverte par le maître guitariste Antonio Parreira puis le passage à Senhor Vinho, épaulée par le chanteur-auteur-compositeur-guitariste-producteur Jorge Fernando, qui assura la production musicale de ses premiers CD. Séduisant les Rollingstones, avec lesquels elle fit quelques spectacles, puis Prince, ces écarts vers la musique pop-rock ne l’ont jamais distanciée du fado, mais ont été le prélude à des orchestrations plus métissées, parfois un peu « hollywoodienne » sous l’influence du producteur américain Larry Klein. Ana Moura se produit maintenant avec, en plus des cordes traditionnelles du fado, parmi lesquelles l’ébouriffant Angelo Freire à la guitare portugaise (et par ailleurs excellent fadiste), percussions, claviers et guitare électrique. C’est cet ensemble que nous devrions entendre à Créteil. Ana Moura partage avec Antonio Zambujo l’amour des beaux textes, l’une et l’autre bénéficiant de la collaboration des meilleurs paroliers d’aujourd’hui. Elle est aussi une voix, à la fois sensuelle et voilée, immédiatement reconnaissable dans l’univers fadiste. Elle est enfin d’une élégance raffinée qui n’exclut pas la gentille provocation.

Ana et Antonio se connaissent donc depuis longtemps, ce qui nous laisse espérer entendre, sorte de cerise sur le gâteau, qu’en sus de leurs parties respectives, un ou deux duos unissant leurs talents. C’est déjà arrivé, alors, pourquoi pas ? Courons donc à Créteil, ça en vaut vraiment la peine.

Juste avant et puis le concert

Plusieurs jours avant le concert, les mille places de la belle salle de la Maison des Arts et de la Culture de Créteil avaient trouvé preneurs. C’est dans le cadre du Festival de Marne, qui accueille chaque automne une trentaine de concerts sur le département du Val de Marne, et à l’initiative de José Tavares, qui assure la direction artistique des soirées de musiques du monde, qu’Antonio Zambujo et Ana Moura ont apporté des fragrances musicales du Portugal ce 12 octobre.

Un concert dans une grande salle nécessite de la part des artistes une logistique parfois importante, et une préparation soigneuse des réglages acoustiques et des éclairages. Ainsi Ana Moura et ses musiciens ont passé de longs moments sur scène pour assurer ce qu’on appelle les balances, réglages des niveaux de son pour chaque voix ou instruments, équilibres entre ces niveaux. C’est juste après ce travail pointilleux, parfois fastidieux, bien loin des brillances que verront les spectateurs (et qui ne permet pas toujours d’atteindre la perfection, comme on le verra) qu’Ana Moura a bien voulu nous rejoindre pour nous consacrer quelques instants. Un accueil, comme à chaque fois, souriant et détendu, d’une simplicité bien éloignée de l’image glamour qui est souvent la sienne pour le public. Elle nous parle du concert, dont le répertoire sera assez semblable à sa dernière apparition à Paris, où elle avait conquis le public du Palais des Congrès. Du nouveau cd dont l’enregistrement est en cours, et qu’elle présentera en France en février prochain lors d’une tournée de six concerts, le premier au Grand Rex à Paris dès le 1er février. De ses musiciens, Angelo Freire en tête, un « monstre » de la guitare portugaise, les autres guitaristes, Pedro Soares et André Moreira (basse), musiciens accomplis, tout comme João Gomes (claviers) et Mario Costa (batterie), un jeune espoir du jazz portugais : « il est vraiment bon et a créé un trio de jazz qui commence à faire des concerts, je suis contente pour lui, mais parfois je suis obligée de lui trouver un remplaçant ». De ses influences musicales, orientées vers le jazz et la soul music : « j’admire énormément Nina Simone ou Etta James. On me reproche parfois de m’éloigner du fado, mais il est important d’écouter aussi d’autres musiques, de s’approprier ce qui nous touche en tant qu’artiste. Mais mes liens avec le fado sont très forts. J’y reviens toujours ».

A peine l’entretien terminé, Antonio Zambujo déboule tranquillement. Décontracté comme (presque) toujours. Ses réglages de balances acoustiques ont été expéditifs : il se produira seul avec sa guitare. Et Ana Moura nous a déjà confié qu’il la rejoindra pour deux chansons lors du concert, dont l’une (Despiu a saudade) qu’il a composée. Pourquoi cette prestation en solo ? : « J’ai réfléchi à l’utilisation du silence dans le chant et cela m’a conduit à expérimenter cette façon de m’exprimer, mais je continue et continuerai à chanter avec des musiciens ». Pour ce concert il reprendra certains des thèmes de son dernier album, paru au Portugal l’année dernière, et qu’il lancera en France en janvier prochain (comme Ana Moura) lors d’un concert à Paris pour l’ouverture du festival Au fil des voix le 20 janvier. « Mais je reprendrai aussi certains thèmes de mes disques précédents ». On entendra ainsi Nem as paredes confesso, Foi deus, un fado de Max et quelques uns des « classiques » de son répertoire : Readers digest, Pica do 7, l amusant Flagrante, Zorro, le superbe Casa fechada. Lui aussi nous a parlé de son rapport avec d’autres musiques que le fado : le cante alentejano de son enfance, qui l’a profondément marqué, la musique brésilienne, qu’il suit assidument, et notamment les jeunes créateurs tel Tim Bernardes, le jazz et d’autres musiques encore. Il nous dit enfin son amitié avec Ana Moura « qui date de l’époque ou nous faisions partie de l’elenco du Senhor Vinho » et sa joie de la retrouver ce soir.

Amitié qui transparut lors de leurs deux duos, pleins de charme. Si le concert, hors ces duos, ne proposait pas de nouveautés au niveau des répertoires, il nous a permis de retrouver l’univers si personnel d’Antonio Zambujo, et la voix sensuelle et envoûtante d’Ana Moura, malgré un problème de… balances, les instruments couvrant parfois trop la voix, la viola de Pedro Soares parfois difficilement audible. Alors que se jetaient les dernières notes d’un endiablé Dia de Folga chanté par Ana, qui termina le concert juste après un non moins vitaminé Desfado, on n’a qu’une hâte, celle de retrouver ces grands artistes. Bien sur, on a leurs enregistrements pour nous faire patienter jusqu’au début de l’année prochaine, mais la musique ao vivo, c’est quand même autres chose !


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