PARTI SOCIALISTE : CE CONGRES QUI S’AVANCE...
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Tandis que le gouvernement s’en donne à cœur joie dans le démantèlement social, le Parti Socialiste prépare son congrès. Avancé de quelques mois pour cause de séisme référendaire, ce qui devait être un « congrès » de projet (le précédent aussi, dont on a vu le résultat) ne le sera évidemment pas, quoiqu’en disent les supporters de la direction. Ce sera un congrès où le pouvoir interne est en jeu. Mais chut, il ne faut pas le dire. Seul Jean-Luc Mélenchon, avec son franc-parler (traduire : provocation en langage social-libéral) habituel a eu le front de l’écrire.
Pour celles et ceux qui l’ignorent, un congrès du PS est précédé de deux étapes. Nous en sommes à la fin de la première, dite des « contributions », séance d’essai, tour de chauffe. Certaines contributions sont dites « générales », d’autres « thématiques ». Les générales peuvent se transformer en « motions » qui, contrairement aux contributions, sont soumises au vote des militants, ce vote déterminant la configuration de la direction du parti. On résume, mais en gros c’est ça. Nous nous excusons auprès de nos lecteurs, mais nous n’avons pas eu le temps, ni le courage, pour parler vrai, de nous farcir les deux centaines de contributions thématiques. Mais on s’est payé les générales. Dix-huit. De 15 à 130 pages chacune, ça nous fait pas loin de 600 pages. D’autres ont eu des médailles pour moins que ça. Pas sur en tout cas que beaucoup de militants du PS aient affronté cette épreuve. Nous, si. Oh, on ne vous dira pas que nous avons examiné les textes à la loupe et surligné furieusement les passages importants ou cocasses. Mais on a lu. Et, en premier lieu, les dix-huit peuvent être classées en trois catégories.
Il y a les individuelles, ou émanant de petits groupes, en fait affidés des écuries internes (traduire : courants en socialiste ordinaire), mais qui se font un petit plaisir. Cela compte un peu pour du beurre, quoiqu’on y trouve des choses intéressantes (cf. le « socialisme de développement » de Régis Passerieux). Dans cette catégorie, le maire de Lyon y va de la sienne, considérant qu’il avait des choses à dire sur la politique de la ville et l’urbaniste. Bof. On y trouve aussi un texte d’un petit groupe de cadres intermédiaires du parti qui en fait roulent pour Hollande mais défendent un « réformisme radical », qui ne va pas loin, d’un autre petit groupe un texte « social et sociétal » gentiment gnan-gnan. Pierre Larrouturou, « monsieur semaine de quatre jours », propose un curieux bidule, genre dossier de presse, où on trouve des infos intéressantes dans un bizarre désordre : OVNI dans ce cadre. Gaëtan Gorce, ancien fabiusien passé chez Hollande, propose un texte cosigné par une brochette de responsables, dont le maire de Paris, qui diffère fort peu de celui de son nouveau patron. L’utilité, bien marginale, est peut-être de faire semblant de se différencier. Marie Noëlle Lienemann fait le même exercice, mais côté Fabius. Même utilité pas très utile. Toujours dans la catégories des « affidés différenciants », Jean Glavany propose un texte qui a le grand mérite d’être le plus court de tous, et dont l’idée centrale est le « grand pardon » qu’il faut accorder aux « nonistes » égarés mais qui n’avaient pas si tort que ça tout en n’ayant pas raison. Pour en terminer avec ce premier groupe, Martine Aubry, signataire aussi du texte de François Hollande, en propose un autre, qui dit tout de go que les français ont refusé, le 29 mai, la dérive libérale de l’Europe. Nous apprécions ce repentir, même s’il est peut-être tactique, de qui fut une ardente défenseuse de la constitution... libérale. Sinon, R.A.S. sauf une - timide - ouverture vers une « gauche solidaire ».
La seconde catégorie est celle des contributions de courants, susceptibles de se transformer en motions, ou de fusionner entre elles. Trois viennent de « petits » courants. Utopia, les baba cools du PS, nous refont un texte super sympa, ouais. Jean-Marie Bockel, le maire de Mulhouse, est « le » blairiste du PS, enfin, le seul qui s’assume. Le titre de son texte a le mérite de la franchise : pour un socialisme libéral. Tirons le rideau. Alain Vidalies, député des Landes, est le chef de file de ce qui fut longtemps le « courant Popereniste ». C’est le seul texte appelant sans ambiguïté à un protectionnisme européen. Comme quelques autres (mais peu au total), il prône un retour dans le giron public de l’énergie. Il propose aussi un service public bancaire. Il préconise une alliance avec le Parti Communiste. Pas si mal.
On en arrive aux moyennes et grosses cylindrées. Mélenchon est comme d’habitude carré. Pour lui, la gauche du non doit prendre le pouvoir au PS, et il faut une nouvelle union des gauches. Comme il met une pédale presque douce sur son fédéralisme européen, on aime encore mieux. Emmanuelli, avec Gérard Filoche, Marc Dolez, Jacques Généreux, lance son nouveau courant, Alternative Socialiste. S’il milite pour une nouvelle constitution européenne, qui ne paraît pas à l’ordre du jour, il étrille le libéralisme et la droite d’assez belle manière. Convenable. Le texte du Nouveau Parti Socialiste (Peillon-Montebourg) est le plus long (130 pages en incluant une interminable annexe). Sur le tas, on y trouve de analyses utiles, sur la mondialisation par exemple. On y trouve aussi des propositions institutionnelles sur une VIe république, le dada de Montebourg, qui ont le mérite d’exister et constituent une base de réflexion. Pour le reste, c’est très NPS : bcbg, mesuré, un peu chiant. Les plus grosses cylindrées maintenant : Fabius et Hollande.
La contribution est un art difficile. Si les « petites » peuvent se lâcher (un peu, hein, pas trop), les « grosses » doivent osciller entre le souci de plaire au plus grand nombre et celui de se différencier, sans aller jusqu’à couper les ponts avec les autres, en vue d’alliances futures ou de synthèses éventuelles de congrès. Fabius, candidat assumé à l’élection présidentielle, et Hollande, candidat assumé à sa succession à la tête du parti, sont en plein dans ce nœud de contraintes, dont on ne peut guère espérer de textes foudroyants d’originalité. Les textes de François Hollande et de Laurent Fabius sont donc sages. Une sagesse qui confine à la mièvrerie pour Hollande, quelques piques dans celui de Fabius, qui distingue un « réformisme de transformation » (le sien) et le « réformisme d’accompagnement » (suivez son regard). C’est entre ces deux options que le congrès devra trancher, dit-il. Bref, lui ou moi, en termes élégants. Fabius prône une orientation à gauche avec des partenaires dont le PS serait le « cœur battant », Hollande un genre d’assises de la gauche, à l’initiative du PS. Nuances. Dans l’analyse du vote du 29 mai, Fabius voit « deux France », pour ne pas dire votes de classe, ce qui choquerait (Mélenchon n’a pas ces pudeurs). Hollande parle de mécontentement : quel flair !
Nous avons mis à part la contribution présentée par la direction de la fédération des Bouches du Rhône, dont les mauvaises langues disent qu’elle est surtout destinée à régler quelques comptes locaux et à resserrer les rangs. Elle n’est pas plus bouleversante que les autres, mais contient une perle : les socialistes marseillais proposent de diviser le nombre de circonscriptions législatives par deux et d’élire dans chacune une doublette mixte, un homme et une femme. Nous attendons une vive protestation des oubliés de ce dispositif, les transgenres. Allez plus loin, les marseillais, c’est une triplette qu’il nous faut, comme à la pétanque.
Et sur le fond, que ressort-il de tout ça ? Ce qui est tendance, aujourd’hui au PS, c’est l’écologie, fortement présente dans la plupart des contributions. Ce qui est habituel, c’est le catalogue : logement pour tous, services publics pour tous, culture pour tous, justice sociale pour tous, paix dans le monde pour tous, Europe forte pour tous, aide aux pays en voie de développement pour tous, laïcité pour tous, etc pour tous. Quelles positions par rapport à l’organisation économique ? A de rares exceptions près, motus. On est contre le libéralisme, mais sans remettre en cause le modèle de production (sauf Utopia, 1% au dernier congrès). On ne revient qu’à la marge (énergie) sur les privatisations. Bref, tout cela reste light.
L’important, en interne, c’est manifestement de compter ses billes, de passer des alliances pour le contrôle du parti, étape essentielle d’une candidature présidentielle. L’actuelle majorité se présente apparemment unie. L’actuelle opposition, incluant Fabius, l’est moins. Si, aux dernières nouvelles, il semble probable que le courant de Mélenchon fasse équipe avec celui de Fabius, et Vidalies avec Emmanuelli, il n’est pas encore certain que tous ceux là se retrouvent sur une même motion de congrès. Et NPS, le courant centriste d’Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, voudrait bien jouer les arbitres. Le feuilleton continue. A suivre.
Nb : tous ces textes sont consultables sur le site du parti socialiste
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