LE TERRORISME SUICIDAIRE PEUT-IL ETRE REVOLUTIONNAIRE ?

Par Jean-Claude Charitat
jeudi 8 septembre 2005
par  Jean-Claude Charitat
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Condamner fermement mais pas sans comprendre

La généralisation progressive du terrorisme comme moyen de combat face à la mondialisation capitaliste dite "ultra libérale", même si ce terrorisme est aujourd’hui le plus souvent d’obédience religieuse et obscurantiste, est un phénomène sur lequel les marxistes doivent s’interroger afin de le resituer dans son contexte, de l’analyser à la lumière des sciences sociales et qu’ils doivent définir comme une réaction dialectique éventuellement "négative " aux aspects négatifs de la mondialisation capitaliste en cours.

Contrairement aux affirmations gratuites des médias en vogue, le terrorisme comme moyen de lutte n’a rien d’une forme nouvelle de lutte contre la société et le conservatisme en place et, surtout, le terrorisme comme forme d’expression des exclus qui n’ont plus rien à perdre, ne trouve absolument pas ses sources dans les milieux conservateurs de type religieux. C’est même, et d’abord, contre les religions (lorsque celles-ci ont un pouvoir temporel économique) que les formes de terrorisme se sont historiquement développées.

Le terrorisme comme forme de lutte et de rejet d’une société existante donnée semble même, historiquement, proportionnel dans son ampleur à la violence morale, physique et économique engendrées par la société dans laquelle il "s’exprime", à l’absence ou à l’insuffisance de contre-pouvoirs réels et structurés et à l’incapacité de ceux-ci à proposer des alternatives claires et accessibles à ces populations marginalisées de taille croissante.

Parmi les causes fondamentales du développement de cette violence incontrôlable citons tout d’abord la tentative à l’échelle mondiale de modéliser le système pseudo démocratique bourgeois comme un aboutissement historique inéluctable (ne pas hésiter à relire Hegel et Marx). En corollaire, citons également l’échec des tentatives "socialistes" des pays de l’Est et l’absence de référant concret pour l’organisation d’une autre forme de société, plus particulièrement, interrogeons-nous sur l’augmentation ou non de la violence d’Etat du système capitaliste en place à l’échelle du globe.

Pour rester "fidèle" à l’approche marxiste, nous commencerons par le domaine économique. Les "responsables" politiques des pays riches et d’une majorité des autres se réunissent régulièrement pour définir, sur les conseils éclairés de l’organisation mondiale du commerce et de la banque mondiale, les conditions dans lesquelles doit se développer ce que l’on appelle pudiquement l’accord général du commerce des services et font dépendre la prorogation ou l’allongement de la dette des pays pauvres à un alignement sur les volontés économiques des grands trusts internationaux par la privatisation des services publics encore détenus par ces pays en voie de développement (il s’agit essentiellement de la privatisation de l’eau, des énergies, des transports et de la santé).

Nous pouvons en conclure que pour la partie dominante de la pensée ultra libérale le temps du monopolisme d’Etat est révolu, il s’agit aujourd’hui de faire survivre le capitalisme par tous les moyens y compris par la privatisation des secteurs de services jadis confiés aux Etats planificateurs. L’ensemble des services confiés aux états pendant la seconde moitié du 20e siècle doit aujourd’hui rejoindre le système marchand, les biens considérés jusqu’à ce jour comme des biens sociaux deviennent autant de marchandises en puissance : qu’importe que tous les hommes n’y aient pas accès si suffisamment sont solvables pour en acquérir. Nos dirigeants et leur système économique dominant ne sont pas des terroristes, seulement des affameurs en puissance !

Passons maintenant dans le domaine de l’idéologie : notre démocratie bourgeoise (par ailleurs de moins en moins représentative et souvent complètement coupée des réalités : voir les résultats du dernier référendum en France et le pourcentage de députés et sénateurs et médias engagés à contresens) se réfère de plus en plus souvent aux valeurs conservatrices et religieuses jusqu’à oublier complètement les valeurs universellement reconnues de la laïcité et des droits de l’homme. La mise en avant de valeurs religieuses comme référence philosophique ne peut qu’accentuer les intolérances respectives, tout comme la mise en avant des valeurs de propriété privée et de marchandisation ne peuvent qu’accentuer les clivages individualistes. Ces deux "valeurs", aussi complémentaires que conservatrices engendrent et développent égocentrisme et xénophobie qui sont les deux données fondamentales propices au développement de la violence dans les catégories sociales ou religieuses rejetées.

C’est seulement lorsque nous sommes empreints de ces certitudes économiques et idéologiques et uniquement pour ceux qui sont imbus de la valeur de ces dernières que peux se poser le "douloureux dilemme" de l’interventionnisme en pays étrangers (quelle que soit par ailleurs la valeur morale qu’on souhaite donner à cette volonté d’intervention). Que d’égocentrisme et d’outrecuidance (de Bush à Kouchner) pour envisager ou autoriser une intervention militaire au nom des valeurs dont nous avons vu les limites ci-dessus.

N’est-ce pas une forme de terrorisme que vouloir exporter par la force des idéaux et une organisation dont l’expansion se traduit aujourd’hui à l’échelle de la planète par un nombre croissant de laissés-pour-compte, par un continent africain qui se meurt de famines et de maladies que nous savons éradiquer alors que nous détruisons denrées alimentaires et stocks de médicaments ?

Peut-on vouloir poursuivre le développement industriel non planifié dans nos pays occidentaux et traiter d’irresponsables la Chine ou l’Inde qui envisagent des développements similaires, peut-on poursuivre le développement accéléré du réchauffement planétaire au nom de nos intérêts égoïstes et refuser le partage des richesses aux trois autres quarts de la planète ? Le développement de notre système économique ne serait-il pas l’initiateur du développement du terrorisme dans le monde ? Les causes et l’organisation du terrorisme se modifieraient elles de façon dialectique au développement de notre système capitaliste ? En l’absence de tout projet cohérent de modification structurelle de notre économie et de planification à l’échelle de la planète, autant dire en l’absence de toute issue visible pour le développement de l’humanité est-il vraiment surprenant que des extrémistes en viennent à la violence gratuite, suicidaire pour " porter " à un avenir possible, leur ethnie, leur groupe ou leur religion ?

Que ces violences soient tournées à l’encontre d’autres innocents, d’autres ethnies, d’autres religions, constitue d’abord une réponse face à cet individualisme que notre économie et notre idéologie capitalistes ont exacerbé. Ce terrorisme suicidaire n’est pas révolutionnaire, il n’est en aucune manière une force de proposition ou de substitution, il est fermement condamnable en ce qu’il s’oppose à d’autres populations, elles-mêmes victimes du système planétaire dominant. Il n’en est pas moins compréhensible dans ses causes, dans son existence et dans son fondement. Combattre avec efficacité le développement du terrorisme suicidaire passe par un combat continu contre la mondialisation capitaliste et l’ensemble de ses effets pervers et répressifs. Les peuples ne se passeront d’opium que grâce à un développement économique et social planifié et maîtrisé.


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