Violences faites aux femmes : une Grande Cause Nationale du quinquennat sans caractère de gravité ?
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Il y a quelques jours, Marlène Schiappa dénigrait publiquement le caractère grave des violences faites aux femmes. Commentant son passage du portefeuille égalité femmes-hommes à celui de la Citoyenneté, elle confiait au journal Le Monde : "Mon quotidien ici n’a rien à voir avec l’égalité. Ici on s’apprête à rentrer à la maison et on reçoit un texto : un homme a été décapité. On est confronté à des choses tragiques en permanences. Pardon de le dire comme ça, mais on est davantage dans la gravité, dans des choses graves."
Le 9 février 2019, Les Effronté-es lui adressaient pourtant l’inventaire lugubre des 20 femmes tuées depuis le début de l’année en seulement 40 jours, soit une femme tous les deux jours : 9 abattues par arme à feu, 3 tuées à coups de couteau, 3 étranglées, 3 battues à mort, une brûlée vive et une défenestrée. Cela en fait, des textos macabres.
La semaine dernière, la France et le gouvernement s’émouvaient du sort des 3 gendarmes dont la vie a été fauchée en voulant sauver in extremis l’ex-épouse de Frédérik Limol, qui voulait la tuer. Ils ont perdu la vie parce que c’était trop tard, à cause d’une chaine de négligence dramatiquement habituelle dans ce genre d’affaires, que nous ne cessons de dénoncer. Sans surprise pour nous, la victime a déclaré aujourd’hui avoir donné "des dizaines d’alertes" sur cet ex-mari à la police, aux gendarmes, à l’aide à l’enfance : Violences, achat d’armes, intimidations, menaces de mort après leur séparation, conflit autour de la garde de leur fillette. En vain. Ses mots résument l’impuissance politique organisée autour d’elle : "J’ai même écrit à Marlène Schiappa" et "On m’a dit à chaque fois qu’il allait certainement se calmer."
Des propos coupables. Il ne s’est pas calmé. Il a tué trois innocents. Ce scénario classique, les journalistes ont dû les lire des dizaines de fois via nos communiqués avant et après l’élection de M. Macron qui en a fait sa Grande Cause Nationale, avant et après le Grenelle.
L’année dernière, deux enquêtes du Monde dédiées aux dysfonctionnements dans les commissariats et dans l’institution judiciaire nous apprenaient qu’en 2018, une victime de féminicide sur 3 avait porté plainte ou déposé une main courante. Une étude du parquet général d’Aix-en-Provence nous apprenait qu’une plainte sur 4 avait été classée sans suite. Une enquête de l’Inspection Générale de la Justice nous apprenait que sur 88 cas analysés, la durée moyenne de l’instruction était de 17 mois, que dans 41% des cas, la victime avait porté plainte ou déposé une main courante, qu’une seule ordonnance de protection avait été délivrée, que 80% des plaintes ont été classées sans suite.
En France, fin 2020, on délivre toujours trop peu et trop lentement les ordonnances de protection et les Téléphones Grand Danger, on met trop de temps à détecter et à prendre en charge les victimes menacées de mort, on ne les croit pas, on ne les prend pas au sérieux malgré le Grenelle et la formation annoncée des professionnels. Le budget dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes n’a pas augmenté. Notre demande d’un milliard est toujours ignorée, alors même que dans le contexte de crise sanitaire actuel, les milliards sont débloqués dans plein de portefeuilles. Pas dans le nôtre. Pourquoi ?
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