Chroniques du règne de Manu le Petit
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Courte chronique du septième jour du mois de février en l’an de disgrâce 21 ; Où il est question de portraits et d’une bonne leçon.
Le Roy, dans sa grande sagesse – à moins que ce ne fut dans un accès aigu de ce mal qui rongeait sa Cour ainsi que Lui-même – s’avisa de donner au peuple une leçon de savoir-vivre au temps de la grippe pangoline. Sa Morgueuse Pédagogie se fit ainsi portraiturer quatre fois dans des scènes de la vie quotidienne. Les Riens et les Riennes purent ainsi admirer la grâce avec laquelle Notre Précieux Bibelot recouvrait son royal minois d’un masque fort seyant, usait pour se laver fort noblement les mains de ces alcoolats – auxquels même chez les tout-petits il se faisait une grande accoutumance au détriment de l’inoffensif savon –, ouvrait les fenêtres du Château afin de mettre en application cette sainte maxime qu’Il avait fortement recommandé « aérez, aérez, aérez chaque heure votre logis ! ». La dernière scène montrait Sa Paranoïaque Bimbeloterie incitant ses vils sujets à se procurer la petite clochette à agiter frénétiquement en présence des malades afin de les repousser et de les isoler dans leurs logis, d’où ils ne devraient sortir sous aucun prétexte, et encore moins pour se faire soigner. Notre Cynique Tartarin fit afficher ces portraits de Lui en Majesté - chacun de ces chefs-d’œuvre étant admirablement légendé de son écriture manuscrite - sur le fil de l’Oiseau Cuicuiteur afin que la bonne parole se répandit à travers le pays. Las ! On se gaussa fort dans les chaumières de se voir ainsi traité.
Nul n’avait oublié que le Roy avait lui-même contracté la maladie, ce qui l’avait contraint à garder la chambre, d’où il avait tenu à s’adresser chaque soir au pays, la voix mourante et le teint fort cireux, afin de faire pleurer dans les chaumières. Celles et ceux qui avaient conçu quelques espoirs avaient vite déchanté : les soins avaient été prodigués en qualité et en quantité et le Roy avait pu tout benoîtement gagner son Palais d’Eté pendant que ses vils sujets se morfondaient de froid et de misère dans leurs logis exigus et mal chauffés. Madame Panotus - qui n’ignorait point les ravages que créait dans le pays la politique menée depuis l’avènement de ce Prince des Riches - fit réaliser un pastiche : on y voyait Sa Doucereuse Malveillance agiter les mains tout en discourant d’importance. Le portrait était ainsi légendé : « laisser crever les pauvres ».
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