Hold up sur la pensée

Illustration glanée sur le net par Attac pris Nord Ouest
mardi 16 février 2021
par  Yann Fiévet
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La crise dite du Coronavirus et ses dramatiques conséquences sociales, économiques et politiques conforte la « démocratie macronienne », une forme de la démocratie qui n’a plus désormais de démocratie que le nom. On reprochait à Emmanuel Macron, bien avant cette crise, le caractère jupitérien de sa conception de l’exercice du pouvoir présidentiel. La crise sanitaire n’a fait que renforcer ce caractère. Dans la « gestion de la pandémie » les décisions sont prises par le tandem Macron-Castex entouré de quelques ministres à la parole secondaire, décisions éminemment verticales destinées à être appliquées uniformément sur l’ensemble du territoire du pays avec le soutien indéfectible des préfets. Les citoyens ne sont en rien associés à cette gestion, il leur est tout juste demandé de respecter sans rechigner les mesures décidées au sommet. Et l’on s’étonne que nombre d’entre eux n’obtempèrent que partiellement quand ils ne sont pas carrément récalcitrants. Il résulte de cette calamiteuse manière d’envisager la résolution de la crise un climat social peu propice à la sérénité et à la nécessité d’une profonde réflexion, deux ingrédients pourtant indispensables à l’épanouissement de la démocratie.

Les conséquences de la pandémies – bien réelles, il n’est pas question d’en douter – sont d’autant plus graves que le duo décisionnaire paraît sûr de lui alors même que de nombreuses incertitudes demeurent à propos de cette pandémie d’un genre nouveau. Le public attentif qui ne se contente pas d’une source unique d’informations constatent tous les jours que les experts consultés par l’autorité politique ne sont pas tous du même avis. Il se demande si l’on n’a pas tendance à écouter les experts qui ont par ailleurs des relations étroites avec l’industrie pharmaceutique tandis que d’autres avis autorisés sont purement et simplement ignorés. Il se demande si ceux qui nous dirigent au lieu de gouverner n’attendent pas comme leur salut définitif le miraculeux vaccin. Car, en effet, la population constate – lorsqu’elle s’informe un peu sérieusement – que la volonté de bâtir une société plus résiliente n’est pas inscrite sur l’agenda de la classe politique en place.

On ne cherche en rien à modifier les règles de fonctionnement de l’économie marchande, d’en modifier les structures profondes, de bousculer la domination du capital sur le travail, etc. Au contraire, on continue, par exemple, d’accorder des autorisations d’implantation d’élevages industriels aux conditions sanitaires défaillantes – et pas seulement en Bretagne – d’inciter « nos fleurons » du secteur de l’énergie à prospecter de nouveaux gisements pétroliers. Cet attentisme paralysant couplé à une fuite en avant mortifère sont incontestablement des plus coupable.

En réalité, le pouvoir en place à Paris est fébrile. Certes, il peut compter sur une « majorité présidentielle » - qu’en un autre temps on aurait nommée godillot – à l’Assemblée Nationale mais il craint sérieusement les troubles que pourrait faire naître sa gestion peu transparente - et pleine de contradictions - de la crise actuelle. C’est bien sûr d’abord cette crainte qui a motivé l’écriture et l’adoption de la « loi de sécurité globale ». On ne compte plus le nombre de lois relatives à la sécurité votées au Parlement depuis quinze ans. Alors que le code pénal renferme déjà, selon les juristes les moins complaisants à l’égard du régime politique, tout ce qui est nécessaire à la lutte contre les diverses formes de la délinquance il fallait une loi supplémentaire. Cette dernière est qualifiée de globale comme pour marquer un aveu involontaire de l’entrée du pays dans une transition autoritaire où le citoyen est un suspect en puissance et doit à ce titres être étroitement surveillé par tous les moyens technologiques disponibles. Au passage, on donne à la police et à la gendarmerie des gages de soutien – pourtant déjà presque sans failles – dans leur « mission de maintien de l’ordre ». Désormais, la question se pose de savoir si ces deux entités sont là pour protéger la population ou pour protéger l’Etat. La classe politique en place a ainsi comme credo prioritaire de tenir bon jusqu’à la prochaine élection présidentielle. Nous savons déjà qu’elle fera campagne principalement sur la question sécuritaire en intensifiant la stratégie de la peur. Ayons la cruauté de rappeler que lors de sa campagne de 2016 Emmanuel Macron disait que ce n’est pas en limitant les libertés du citoyen que l’on accroît la sécurité. Il l’a même écrit dans son livre « Révolution » !

L’actuel climat calamiteux est encore renforcé par la volonté du pouvoir politique d’interdire toute forme de contestation au sein de l’Ecole ou de l’Université. La confrontation des idées au sein de ces lieux de la dispense du savoir est pourtant indispensable tout à la fois à une vie démocratique consistante et à l’avenir intellectuel du pays. Si l’on ajoute qu’une part non négligeable des médias de masse, contrôlés par des intérêts industriels et financiers, jouent un rôle insuffisamment critique à l’égard du politique et que le refuge commode – voire exclusif - que constitue pour une part croissante de la population la jungle des réseaux asociaux, on comprend que tous les ingrédients sont réunis pour un désastreux hold-up sur la pensée. Qui peut nier que depuis plusieurs décennies le cours des mots est en baisse régulière ? Or, lorsque les mots sont dévalués la pensée ne tarde jamais à suivre la même pente fatale en risquant de pousser les moins assurés de nos congénères au plan intellectuel vers les faiseurs de théories délirantes sur la marche du monde. La menace pour la démocratie devient alors difficile à contenir. Ne pas réagir tant qu’il en est encore temps nous condamne à de très sombres lendemains.


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Commentaires

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mercredi 18 août 2021 à 16h48 - par  Anissa Carlier

Je ne crois pas, il y a des gens qui doutent des conséquences de cette pandémie qui nous frappe tous en ce moment  ? Peut-être que leurs proches n’ont pas été touchés directement et c’est pour cette raison qu’ils croient cela, non  ?

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jeudi 25 février 2021 à 15h50 - par  Unpsyalyon

Comme vous dites, c’est un véritable hold up sur notre capacité à penser la société et à penser notre condition. La pensée se réduit comme le vocabulaire et les mots qui ressentent jour après jour le poids de la censure.

Bientôt nous ne pourrons plus parler ni penser. Les années à venir ne sont pas réjouissantes...

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mardi 23 février 2021 à 12h48 - par  Les encombrants

La crise liée à la pandémie est non seulement un danger pour la santé publique, l’économie, mais aussi, et surtout, cela constitue un danger imminent pour la démocratie. On vit dans un monde où on doit apprendre malgré nous à se soumettre. Où va-t-on  ?

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