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C’est une histoire de « en même temps ».

vendredi 16 avril 2021
par  Vincent Glenn
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Tel que nous le connaissons, il en a eu, du mérite, l’ami et cinéaste Vincent Glenn, pour retenir sa colère. Mais son cri du cœur a fini par exploser, sur Médiapart d’abord puis ici, puisqu’il nous l’a proposé et que bien sur nous publions aussi

La simple énumération de ce qu’il se passe ressemble de plus en plus à un film des Marx Brothers remixé par Guy Debord et Stanley Kubrick. D’autres imaginaires ? C’est une histoire d’En Même Temps

Un « En même temps » où le passeport sanitaire est voté au Parlement européen. En même temps qu’un footballeur se voit infligé une amende de 50 000 euros parce qu’il est venu en Mercedes et pas en Audi à l’entraînement. En même temps que des étudiants font la queue pour des repas à un euro. En même temps qu’il nous est rappelé que 37 des 50 plus grosses entreprises et fortunes françaises, profitent d’un système scandaleux mais légal, pour soustraire des dizaines de milliards d’euros à l’effort de solidarité nationale de leur pays. En même temps que des dizaines de théâtres sont occupés et chapitrés comme des enfants turbulents par une ministre de la culture poly-incompétente. En même temps que France 2 leur consacre 8 secondes au journal télévisé dans le week end. En même temps que le camarade Aleveque est censuré par YouTube pour avoir publié un sketch où il cite des chiffres, tous vérifiés, sur différentes morbidités en cours. En même temps qu’on s’apprête à durcir les conditions des chômeurs précaires au 1er juillet. En même temps que les 50 nuances de gauche ne semblent toujours pas produire l’ombre d’une excitation au sein du peuple. En même temps que la « lobbyiste » Agnès Verdier-Molinié explique que le problème ce sont les aides sociales. En même temps que la ligne éditoriale « qui peut encore empêcher Marine ? » s’étale chaque jour en gros titre dans les manchettes du quatrième pouvoir. En même temps que s’étend la conscience de « l’intersectionalité des dominations » mais qu’aucune lutte ne semble assez puissante et coordonnée pour faire cesser sérieusement l’usage des pesticides, ni pour enrayer la crise majeure de civilisation que nous vivons, enlisés dans un productivisme-consumérisme, sidérés d’avoir à choisir entre le chômage de masse et la pollution de masse, et obtenant finalement les deux. En même temps, quand même, que l’eurodeputé Karima Delli a réuni toute la gauche sociale écolo dans les Hauts de France à l’occasion des élections Régionales. En même temps que, dans les mêmes Hauts de France, se prépare le « 3eme homme », Xavier Bertrand, homme de droite d’allure raisonnable qui fait figure de présidentiable modéré face à Le Pen et susceptible de se crédibiliser sur l’humus « tout sauf Macron ». En même temps que 10 députés ont attaqué Corine Masiero parce qu’elle s’est mise à poil à la « cérémonie des Césars », avant que leur plainte soit classée comme un simple trace de misère spirituelle. En même temps que Sophia Aram dénonce tout le beau monde vindicatif qui bouffe chez Bolloré, le bien aimé Bolloré. En même temps que beaucoup demandent le retour à la vie pas normale d’avant. En même temps que Zemmour se présidentialise à son tour. En même temps que les manifestants birmans se font massacrer mais résistent avec un courage inouï. En même temps que les services secrets continuent de rendre des services secrets. En même temps qu’on a appris à vivre avec eux, à en faire des séries à la télé et à nous exciter sur la fabrique des « légendes ». En même temps que l’on semble s’être habitués à ce que des informations décisives soient dissimulées par l’Etat, que des mensonges soient soigneusement construits, que des recherches d’armes bactériologiques puissent exister depuis des lustres, mais qu’il paraît farfelu de remettre en cause les versions officielles servies par les « autorités ». En même temps qu’on désigne les « complotistes » à la vindicte tout en n’ayant vraisemblablement jamais laissé passer autant de mensonges dans la bouche de responsables publics sans qu’ils démissionnent sur le champ. En même temps qu’à ce jeu du mensonge public, certains font passer Richard Nixon et son Watergate pour une équipe d’amateurs de 6ème division.

En même temps que le show must go on. En même temps que le ministre de l’intérieur est accusé de viol et qu’il est avéré qu’il s’est comporté a minima comme un goret abusif monnayant des interventions d’élu contre des faveurs sexuelles. En même temps que mais non le problème, c’est Masiero à poil aux Césars. En même temps que le journaliste Denis Robert est sommé de prouver sa probité dans un mauvais feuilleton d’espionnage avec un ancien informateur de la DGSE. En même temps que l’ex président de la république Sarkozy est condamné à de la prison ferme. En même temps que tout le monde est gentil avec lui parce qu’il y a plein de gens qu’il va influencer quand même quand il va dire : je soutiens celui-là. En même temps que l’hypocrisie est devenue la deuxième idéologie dominante après la confusion. En même temps que la sécurité globale progresse sur les ailes des drones. En même temps qu’on hésite à retirer du marché un vaccin mais qu’on n’hésite pas à promouvoir des vaccinodromes. En même temps que le mot convivialité a été effacé du dictionnaire et que les saltimbanques sont mentionnés comme des « rebelles » parce qu’ils (s’)occupent des théâtres. En même temps que le printemps est là. En même temps que les hôpitaux sont saturés et qu’on déprogramme des opérations « non essentielles » pour libérer des lits. En même temps que le méli melo de l’info-marchandise continue d’embrouiller à grande vitesse et gigadébit et que tout le monde ou presque trouve ça normal. En même temps que la peur a contaminé les peuples en profondeur et partout jusqu’à renforcer comme jamais les discours appelant à ce qu’il y ait plus d’ordre, plus d’ordre, et encore plus d’ordre. En même temps que les prisons sont saturées. En même temps, quand même aussi, qu’Edwy Plenel ose dire qu’il n’y pas de réalités islamo-gauchistes mais qu’il y a bien un islamo-capitalisme incarné par les pétromonarchies, Arabie saoudite en tête. En même temps que Cédric Herrou, relaxé définitivement après 11 gardes à vue, apporte la preuve que la solidarité vis à vis des migrants n’est pas un délit, et que sa colère rappelle à quel point s’étaient banalisées les opinions qui promeuvent le contraire. En même temps qu’on a le temps de pleurer, mais aussi de regarder mieux ce qui compte pour de vrai dans nos vies de mortels et pourtant si incroyables humains.En même temps que les « réseaux sociaux » résooooonnent dans les grandes oreilles bienveillantes des « GAFAM ».

En même temps que je n’ai pas envie d’en rester là. Alors dans ce même temps, je nous souhaite d’oser rompre, d’oser vaincre, d’oser changer de rythme et d’objectifs humains prioritaires. Dans ce même temps là, je nous souhaite un 1789 sans guillotine, un 1789 joyeux, pacifique, radical mais traquant comme autant de pestes émotionnelles l’hystérie collective et la cruauté des tondeurs après l’occupation. Dans ce même temps, je nous souhaite de comprendre qu’il faut soigner, soigner et encore soigner, accepter que nous sommes tous un peu névrosés, que ça n’est pas nécessairement grave, que dans la plupart des cas ça se traite et qu’on peut souvent en guérir. Dans ce même temps, je nous souhaite non pas de « psychologiser les luttes » mais de voir partout où il est possible de cesser, ici et tout de suite, d’alimenter l’extension du domaine des hypermarchés, de stopper la déshumanisation par les machines, d’arrêter de produire quand cela n’a pas de sens. Je nous souhaite de ré-œuvrer par dessus tous les désœuvrements. Je nous souhaite de faire renaître la liberté elle-même en la reprenant au « libéralisme ». Je nous souhaite de poursuivre tout ce qui fait le meilleur de l’humain, sa dignité, son goût pour le juste, le vrai, le beau, sans jamais perdre de vue que les humiliations sont à la source des plus grandes saloperies commises par « homo sapiens ». Dans ce même temps, lorsque la peur aura terminé d’exhiber ses conquêtes, nous nous retrouverons et nous serrerons dans les bras les uns des autres. Dans ce même temps nous aurons compris l’évidente nécessité d’un plan Marshall en faveur des services publics, d’un investissement massif de l’Etat dans la reconfiguration de nos sociétés et de l’économie, au lieu de dépenser maladivement pour réparer les méfaits diaboliques de la cupidité d’hier et d’avant-hier. Dans ce même temps, nous nous apaiserons, conscients d’avoir traversé une folie collective de très grande échelle et pas une des grandes tueries épidémiques de l’histoire.

Dans ce même temps, nous comprendrons que l’hygiénisme (qui n’a rien à voir avec l’hygiène) a redoutablement attaqué nos cerveaux et nos us et coutumes, que bactéries et virus font parties de la vie, que ce qui tue de manière infâme est un mélange d’imprévoyance et de cyniques stratégies mercantiles, nous aurons conscience que les vendeurs de sécurité ont été les grands gagnants de ces dernières décennies, et que les pouvoirs astronomiques concédés aux « GAFAM » sont une forme d’auto-asservissement.A ce moment, nous aurons commencé à nous échapper de cet « en même temps » là. Nous dirons, nombreux : instruisons-nous, entraidons-nous les uns les autres. Et dans ce temps là, nous sortirons respirer en arrêtant de couvrir les feux, nous donnerons aux hôpitaux de vrais moyens, grâce à de vrais élu-es à qui nous interdirons strictement de mentir sous peine de destitution immédiate. Dans ce même temps là, nous veillerons pour de vrai sur ceux et celles à qui il faut vraiment faire attention : nos vieux, nos fragiles, nos personnes « à risque ». Dans ce même temps là, nous ne serons pas soupçonnables de vouloir « stigmatiser » quand nous dirons « protéger », et nous n’utiliserons pas non plus ce mot comme synonyme de déviance « protectionniste ». Dans ce même temps là, nous aurons collectivement compris que nous étions plongés dans une société d’inattention, qui ordonnait à chacun de dépenser une énergie considérable à s’occuper de son cul, de ses masques, de ses tests, de ses vaccins, de ses fake news, de ses attestations, de ses amendes, de ses peurs, et inversement, de consacrer très peu de temps et d’attention réelle à ceux qui risquaient pour de vrai de mourir de ce satané virus. Dans ce même temps là, nous lancerons une grande politique de démystification. Nous conviendrons que ce n’est pas tant le « cac 40 » qui est le vrai problème, pas plus que « l’Etat profond » dont le souverainisme radical fait son nid, nous verrons que les principaux verrous étaient tenus par les milliards de petites collaborations quotidiennes conduisant à la pollution et la soumission globale, à l’extension du domaine des « SUV » sur une planète en surchauffe. Alors vous gilets jaunes, occupants des théâtres, spectaculaires de l’intermittence, étudiants, résistants, camarades précaires, je vous remercie de tout cœur d’être là et d’inviter au courage. Je vous confie ici mes intuitions de documentariste au chômage : il est inutile de réinventer l’eau chaude, il suffit d’appliquer l’appel du film l’An 01 : on arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste. Et que dans cet élan révélationnaire, dans les universités, théâtres, cinémas, bibliothèques, bars, places publiques, gares, salles des fêtes, nous nous retrouvions en veillant à ne pas gaver les gens en « bloquant », mais en les habitant pour que ça cause, ça vive, ça cultive, ça expertise, ça guinche, ça aime… Arrêter tout... sauf les solidarités, les gestes qui protègent et les mille et un les passages vers une autre société. J’alerte enfin ceux qui pensent que la violence fait peur aux dominants. Dans le contexte actuel, elle ne fait que justifier plus de matraque, plus de tenues de robocop, plus de drones et de caméras de surveillance. Il est fort compréhensible que les jeunes dotés de ce non-avenir, et pourtant chargés d’une énergie phosphorique, aient envie de tout cramer, de tout faire valser, de fracasser ces « forces de l’ordre » au service de tant de connerie, de mensonge et d’injustice. Raisons de plus pour leur suggérer toutes sortes de pistes pour que cette énergie aille vers de l’utile, de la connaissance, de la création, l’organisation des solidarités, l’édification de maisons des biens communs, partout et dès que possible. Et si nous devons cramer quelque chose, attaquons-nous à l’imaginaire de devenir banquier à 25 ans. Ou plutôt rendons le moins désirable que beaucoup d’autres. En ce sens, nous devrons montrer que l’on peut être à la fois localiste et internationaliste au moins autant que républicains de France ou de Navarre. Et écrire un nouveau chapitre de notre histoire.


Commentaires

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lundi 26 avril 2021 à 10h12 - par  Béatrice Dubois

Merci beaucoup pour le texte. Eh bien, je n’aurais pas dit que ce qui se passe ressemble à un film (même si on retrouve aujourd’hui de nombreux films sur la pandémie). Mais pour ma part, il s’agit d’une théorie de complot.

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