Macron Circus
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Passent les semaines dans un pays chloroformé, balloté entre menaces nouvelles, lueurs d’espoir de lendemains chantants dont on se garde bien de fixer les dates, couacs vaccinaux, interventions ministérielles chaotiques. Parmi celles-ci, la plus belle, due au ministre de l’éducation nationale, M. Blanquer : « Le président a acquis une vraie expertise sur les sujets sanitaires. Ce n’est pas un sujet inaccessible pour une intelligence comme la sienne et au regard du temps important qu’il y consacre depuis plusieurs mois. ». Dans le genre cire-pompes-lèche-bottes, bat des records. On se souvient des discours énamourés de Jack Lang quand il évoquait Mitterrand, Mais Blanquer le surpasse, et de loin. Qu’en pense son collègue Véran ministre de la santé, lui qui rétorque que former des infirmières en réanimation de mande des mois, ce qui semble une excuse pour n’en point former alors que le manque est patent ? Qu’il fasse appel à Macron pour les former : avec une intelligence et une expertise sanitaire comme les siennes, ça ne prendrait que quelques jours. Rendons au passage justice à Jack Lang, courtisan d’élite, certes, mais qui fut un bon ministre de la culture et un honnête ministre de l’éducation, ce que Blanquer n’est pas.
Pendant ce temps, le cha-cha-cha des pourvoyeurs de vaccins se poursuit, retards de livraisons, changements, à la hausse ou à la baisse des quantités livrées, annonce par Pfizer d’un probable nécessité d’une troisième injection (bingo, jackpot !) et l’ensemble des labos envisage, la main sur le cœur, la nécessité d’une vaccination annuelle (bingo, jackpot !). Vaccinations orchestrées non par les services de l’état mais par un cabinet de consultants américain qui a consenti moyennant quelques misérables centaines de millions d’euros à aider l’administration française de la mélasse.
Pendant ce temps, le monde bouge. Depuis des années, le scandale des impôts ridicules payés par les géants du net (et plus généralement par les multinationales) était dénoncé sur la place publique. La plupart des gouvernements européens admettaient qu’il y avait en effet quelque chose qui clochait, et qu’il fallait agir avec précaution et diplomatie (traduction : ne rien faire). Et voilà que Joe Biden annonce qu’il va installer un impôt minimum partout où ces entreprises ont des activités. Belle idée, un progrès enfin. Nous pensions naïvement que notre gouvernement, toujours prêt à suivre les Etats-Unis, et cette fois pour une cause juste, allait se précipiter pour faire de même. Tut, tut, on passera par l’Europe, donc les règles d’unanimité, et aller donc convaincre l’Irlande, le Luxembourg, voire la Belgique et les Pays-Bas de renoncer à leurs taux d’imposition bas. Bref, nous voilà encore partis pour des discussions marathons comme Bruxelles les adore. Pas morts, les GAFAM.
Si le monde bouge, il est un domaine en France où rien ne bouge : la culture. Les librairies sont rouvertes, le gouvernement ayant fini par admettre, parfois à contrecœur, que le livre pouvait, peut-être, qui sait, être essentiel, et que les pires dictatures n’ayant eu de cesse d’en entraver la circulation, cela finissait par faire mauvais genre. Les couvertures sociales des intermittents du spectacle ont été maintenues, équivalent en quelque sorte du chômage partiel dont ont pu « bénéficier » les autres catégories de travailleurs. Mais il convient ici de rappeler que seule une minorité de travailleurs culturels est couverte par le statut d’intermittent. Pour les autres, nib. Que la culture soit le cadet de soucis que gouvernement, on s’en doutait un peu, d’autant que cela ne date pas d’hier.
La crise du covid a mis en lumière deux béances dans la capacité de l’état à se prémunir contre une telle catastrophe. La première concerne notre santé publique, dont le système n’a pu résister que grâce à mobilisation des personnels. Nos hôpitaux, on le savait, étaient en crise, minés par des systèmes de management fondés sur les économies budgétaires à réaliser, par un système de tarification inadapté (dont l’un des créateurs fut naguère Jean Castex, bravo l’expert !). Seconde béance, le retard à l’allumage de nos services de recherche. Il y aurait là une analyse à conduire qui pourrait être explosive. Rappelons que François Hollande, le fameux « ennemi de la finance », avait, via, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), offert une manne de l’ordre de 20 milliards d’euros annuels aux entreprises pour doper leur « compétitivité », mais sans exiger d’icelle de contrepartie tangible. De là à soupçonner que le CICE servit surtout à doper les dividendes des actionnaires ‘plusieurs cas sont d’ailleurs avérés)… Thomas Piketty, commentant cet épisode, fit montre de son incompréhension ; comment de tells masses n’ont-elles pas stimulé la recherche, point clé de la compétitivité ?
Face à ces béances, peut-on apercevoir une réaction du gouvernement ? Pas même. Dans le « Ségur de la santé », quelque mesurettes pour tenter de calmer le mécontentement du personnel, mais rien sur l’avenir de l’hôpital public. Au contraire, les fermetures de lits se poursuivent.
Comme l’écrit joliment Julie d’Aiglemont « Ainsi en allait-il au Royaume du Grand Cul-par-dessus-Tête. Le Roy était nu mais ne le savait point ».
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