ECHOS DE CAMPAGNE D’UN IGNARE DU NON
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Pendant la campagne, pour les Oui de gauche, nous étions des menteurs, après le vote des ignares, et maintenant ils vont essayer de nous demander de voter pour eux ? Cette fois, ils nous prennent pour des cons.
Si on en croit les médias, ceux qui ont voté Non sont des ignares bouseux, peut être du fin fond de la Corrèze, Chirac et Hollande sont “pays” mais, heureusement, il y a déjà pas mal de temps qu’on ne s’intéresse plus à ce qu’ils disent. D’ailleurs, quelqu’un a-t-il regardé la campagne officielle pour le référendum ? Si vous discutez avec vos voisins, et la campagne de proximité a été une occasion fantastique de discussion, vous vous apercevez, qu’ils votent Non ou Oui, que personne ne l’avait regardée. Donc nous n’avons rien compris, nous n’avons pas lu le texte. Nous avons pourtant eu, tous les jours et parfois plusieurs fois par jour, des émissions, « à caractère pédagogique » nous expliquant, en les tronquant astucieusement, les articles de cette merveille de Constitution qui allait nous apporter le bonheur. Et même, après ça, nous n’avions toujours pas compris. A ce point là, on aurait tendance à dire que soit les pédagogues étaient très mauvais, soit ils ne croyaient pas à ce qu’ils disaient, soit ils pensaient déjà aux prochaines vacances, ou, pour certains et non des moindres, à leur prochain retour en retraite ou à leur reconversion. Comme ça ne suffisait pas, on a vidé les maisons de retraite des politiques, puis on a essayé de faire parler les morts... sans plus de succès.
Enfin bref, nous avions choisi, à deux, pendant la campagne, de « faire » systématiquement le plus de meetings du Oui possibles, puisque la plupart des débats contradictoires étaient annulés, ou bien le partisan du Oui, à la dernière minute, avait une gastro qui le rendait subitement indisponible. Et là, ô surprise, ceux qui étaient censés défendre le texte nous récitaient le tract du PS, ou le tract des Verts, tout ça était de « très haut niveau » et montrait une ignorance quasi totale du texte soumis à referendum. On en a conclu assez rapidement que ceux qui votaient Oui, « les élites » nous dit-on, avaient un profond respect pour leurs chefs de partis, ce qui leur enlevait toute possibilité de penser par eux mêmes, ou bien pensaient tellement que la cervelle, leur tombant sur les yeux, avait sérieusement handicapé leur capacité d’analyse.
On avait pourtant une batterie de questions simples et faciles, par exemple comment fait-on une concurrence libre et non faussée sans harmonisation sociale et fiscale.? La réponse invariable était « mais ça date de 1957 ». Hé oui.. Ils ne s’étaient pas aperçus que les choses avaient changé depuis 1957 et que de 6 pays économiquement semblables, on était passés à 25 avec des économies déséquilibrées. Quand on expliquait bêtement que la politique économique contenue dans la partie III, était la même politique orthodoxe libérale déflationniste (baisse des dépenses de l’Etat, blocage des salaires, etc) que celles définies dans les années 1930/1933 par les décrets lois de Laval en France et de Brünning en Allemagne, qui avaient, avec le succès qu’on connaît, amené le front populaire en France, mais aussi, malheureusement, les nazis au pouvoir en Allemagne, ce que n’importe quelle « élite » peut vérifier dans un bon livre d’histoire du XXème siècle ; quand on expliquait aussi, aux UMP, que Sarkozy avait bien promis de réduire la dette de la France en vendant une partie de l’or de la Banque de France, mais que la Banque de France comme la Banque centrale était indépendante et que donc tout ça n’était pas possible, ils ressemblaient vaguement à des poissons dans une rivière par forte chaleur.
Et puis on n’était pas très sympa, parce qu’on manquait d’enthousiasme pour la fameuse Charte des droits fondamentaux Les 6 pages de la Charte nous plaisaient bien, mais les 21 pages d’explications laissaient à desirer. En effet, on demandait souvent une explication de l’article 81 sur la non discrimination Comme l’Union décidait de ne rien faire (voir page 176), on se référait à l’article 124 (partie III, donc hors Charte), qui dit que les lois contre les discriminations basées sur le sexe, les caractères ethniques seront prises à l’unanimité des Etats members. Alors l’égalité homme/femme à Malte ou ailleurs, il ne faut pas trop y compter. La conclusion évidente était donc :ceux qui ont gardent, (au moins pour l’instant, jusqu’à ce qu’une jurisprudence, ou une loi en décide autrement) ceux qui n’ont pas n’auront rien à attendre de la Charte et doivent se préparer à lutter. Grand succès et magnifique compromis de la diplomatie (semble t-il française, au moins les partisans du Oui s’en vantaient). Donc la Charte, telle qu’incluse dans le projet, c’était du pipeau, et ils avaient l’air déçu.
Quand on expliquait ensuite, qu’on n’appréciait pas les références à l’OTAN, qu’on n’aimait pas qu’il n’y ait aucune référence à la laïcité etc, on avait un peu l’impression de gêner, comme si finalement on s’était invités à un banquet sans carton. Tout était tellement bien huilé, tous les grands partis étaient d’accord, même le syndicat unique européen était d’accord. « Vous vous rendez compte, mon pauvre monsieur, les partis socialistes européens dans leur ensemble sont POUR le texte, les syndicats européens sont pour le texte... ». Et alors ? Nous, on était contre, et pour être tout à fait francs, même avec un gouvernement de gauche on aurait été contre, parce que dans les gouvernements dits de gauche, il y a Tony Blair, et que dans les syndicats, il y a la CFDT qui roule pour le PS (pas uniquement, ils font plutôt une belle carrière post secrétariat général..) depuis déjà pas mal d’années. Et puis les 100 plus grands patrons français adoraient aussi le texte, ça rend méfiants.
On espère que le PS et les verts du Oui vont se faire expliquer par les PS et les Verts du Non (les plus nombreux) ce à quoi on a échappé avec ce Non massif. Et qu’ils vont pouvoir reprendre les choses à la base, car, comme indiqué plus haut, ce n’est pas un simple replâtrage qui est nécessaire, on ne pourra pas se contenter, comme on l’a parfois entendu, de la suppression de la Partie III, dont on retrouverait la plupart des défauts dans le traité de Nice, qui pourrait survivre grâce à quelques arrangements institutionnels.
Qu’ils se fassent expliquer ce qu’est un régime tel que celui qu’on nous proposait :
Une constitution contenant une doctrine économique, (seule celle de l’ex- URSS en contenait une),
Un régime, où il n’y a pas de séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif,
Un gouvernement (on devrait plutôt dire un bureau politique en parlant de la Commission) et une banque sans contrôles réels, déficit démocratique évident,
Un parlement qui ne peut proposer de loi,
Un syndicat unique...dont tous les tenants du OUI y compris les plus réactionnaires vantaient les « excellentes positions ».
Et un grand marché aux esclaves, grâce à la « libéralisation » des services.
Si ce n’est pas encore une dictature, ça y ressemble fortement...
Il ne faut pas seulement tuer la partie III, il faut une Charte qui reprenne les valeurs d’origine, sans les « explications », et de fait, un protocole pour la France, incluant la loi Veil et la loi de fin de vie et qu’ensuite, cette partie II soit réellement contraignante Après tout, c’est bien ce que vantait le PS dans sa literature. Et dans la partie I, il faut clarifier l’économie “sociale” de marché (c’est à peu près aussi compatible que « oui de gauche »..), “la concurrence libre et non faussée” dans le contexte de 25 puis 27 pays aussi disparates, demander pour la France un protocole (les Irlandais avaient bien un protocole... pour le titres nobiliaires et la loi anti-avortement), qui reprend la loi de 1905 (on nous a dit que le terme de laïcité n’était pas traduisible, enfin bref, si on réécrivait tout, ça pourrait être très bien.
Donc, que ceux qui ont incité au vote Oui ne se figurent pas qu’il suffirait de représenter le texte sans la partie III, parce qu’il y a des chances qu’on remonte au créneau. Ils ne sont plus crédibles et leur arrogance, leurs regards méprisants ont laissé quelques traces Il vaut mieux dès maintenant reconstruire une autre gauche, car il sera hors de question de voter pour des gens qui auront défendu, de façon aussi malhonête, ce projet de texte On leur a dit, répété pendant la campagne, quand ils nous renvoyaient le 21 avril, on leur a expliqué que ce n’était que leur faute, et qu’ils n’avaient manifestement pas compris le message.
Nous avons vécu pendant la campagne dans une dynamique qui allait de la LCR, au MRC, avec le PC, ATTAC, l’appel des 200, des volontaires qui n’appartenaient à rien et qui un jour diffusaient pour l’un et le lendemain diffusaient pour l’autre, sur simple demande d’aide par Internet. Alors, toutes les combinaisons politiciennes ou les intérêts personnels, il va falloir se les mettre dans la poche avec le mouchoir par dessus, parce que si la dynamique est là, il vaudra mieux ne pas la casser, dans l’intérêt commun, car ce n’était pas un petit coup de colère, comme ça, en passant.
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