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La Gauche : sondages, programmes, projets, cuisine et tambouilles

lundi 25 octobre 2021
par  Jean-Luc Gonneau
popularité : 4%

Les périodes préélectorales sont, c’est bien connu, pain béni pour les officines de sondages. Comme dans toutes les professions, ces officines offrent des services de qualités variables, plus ou moins sérieuses. Il convient donc, un, de vérifier la validité de leurs méthodologies, exercice souvent compliqué par une certaine opacité, deux, de se souvenir qu’ils ne constituent qu’une photographie, d’une netteté relative, de l’état de l’opinion sur un sujet plus ou moins précis (il s’agit bien d’une opinion, pas forcément du résultat d’une réflexion) à un instant t, trois, en conséquence, que leur valeur prédictive est très faible. Faut-il les négliger ? Quoiqu’ils en disent, nos politiciens y prêtent beaucoup d’attention, et parfois même, comme le montre un procès en cours, particulièrement friands, voire sujets à l’addiction. Et pour nous, bon peuple, ils constituent, consciemment ou non, un élément, parmi d’autres, nous orienter nos sympathies, nos opinions où nos votes : un sondage décrivant un état de l’opinion contribue à forger l’opinion. Comme l’expliquait un professeur des écoles (on ne dit plus instituteur, mais on est toujours - mal – payé) : si je fais un sondage auprès de mes élèves pour savoir combien font 6x8 et que 60% répondent 54, et 40% 48, et que je refais ce sondage quelques instants plus tard, il est probable que la réponse 54 gagne quelques points. Mais bon peuple averti, nous prenons quand même en compte les sondages, avec le maximum de précautions possible.

Un récent sondage destinés aux électeurs se situant « à gauche », sans que l’on sache trop où commence ou finit « la gauche », établit que deux tiers des sondés souhaite, pour l’élection présidentielle, une candidature unique de la gauche : bel élan unitaire. Et à peu près la même proportion estime qu’elle n’aura pas lieu, soit, a priori, le tiers qui ne la souhaite pas plus la moitié de ceux qui la souhaite. Des résultats qui apparaissent cohérents avec les plus récentes déclarations des sept candidats (liste non close) étiquetés à gauche. Le sondage demande aussi quel serait le candidat ou la candidate qu’ils choisiraient pour représenter l’ensemble de la gauche. Jean-Luc Mélenchon (25%) distance de dix points Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, de quinze Arnaud Montebourg, de vingt Fabien Roussel, et de plus encore Philippe Poutou et Nathalie Arthaud. 25% des sondés ne se prononcent pas sur un nom (n’importe lequel, disent-ils). Résultats clairs. Mais Ipsos ajoute un élément : la compatibilité des propositions des candidats entre eux. Et de faire apparaître que Jean-Luc Mélenchon est moins compatible que les autres. Il est vrai que la teneur de ses discours sur l’union de la gauche n’est pas enthousiasmante. Mais la teneur des discours des autres sur leur compatibilité avec Mélenchon ne l’est pas plus. Et Ipsos de suggérer alors que, « par exemple », les scores dans le sondage de Hidalgo et Jadot réunis dépasseraient, de peu, celui de Mélenchon (ce qui néglige le fait que des électeurs socialistes ne voteraient pas Jadot, et des Verts pas Hidalgo). On entre dans la tambouille.

La cuisine est un art. La tambouille son dévoiement. La cuisine politique doit déboucher sur un projet, appuyé sur un programme, la tambouille politique est basée sur des « propositions », souvent adaptées aux préoccupations du moment, sans forcément avoir des liens entre elles, et sans analyse de leurs conséquences à moyen ou long terme. C’est ainsi, par exemple, qu’on empile des lois sur la « sécurité » sans réelle efficacité pratique, mais mutilant nos libertés. Pour l’instant, la plupart des candidats en sont à des « propositions ». Seuls Mélenchon, qui avait déjà un socle solide en 2017, et à un degré moindre Roussel se fondent sur des programmes. Et c’est sur la base de programmes que peut se cuisiner un projet commun et vérifier vraiment les compatibilités ou pas pour construire un tel projet. On n’en est pas là, et le temps presse. L’autre aspect de la tambouille politique est le jeu des appareils, la répartition des places, les calculs des ambitions. Celle-là, c’est comme la grippe, il faut se vacciner souvent ou prendre soin de soi.


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