Elections législatives au Portugal : Bruno Fialho, ancien élu parisien, est candidat. Un point de vue

dimanche 16 janvier 2022
par  Bruno Fialho, Jean-Luc Gonneau
popularité : 8%

Depuis 2015, le Portugal est gouverné par le Parti socialiste (PS), soutenu, c’était une première depuis le rétablissement des élections législatives, par le Parti communiste (PCP) et le plus récent Bloco de Esquerda (BI), que l’on peut comparer à la France Insoumise. Un soutien sans participation au gouvernement, comme le fit le PCFau moment du Front Populaire. Tout allait à peu près jusqu’au rejet du projet de budget proposé par le gouvernement socialiste à la fin de l’année dernière, provoquant des élections anticipées qui auront lieu à la fin du mois. Voilà planté le décor, mais tout décor a un envers, et pour l’appréhender, nous avons rencontré Bruno Fialho, candidat du BE à l’un des deux postes de députés à l’élire par les portugais vivant en Europe hors Portugal. Un acteur donc de cette élection, et quoi de mieux qu’un acteur pour regarder l’envers du décor.

Nous avons connu Bruno Fialho quand, à l’aube de ce siècle, il était un actif militant du PCF et non moins actif maire-adjoint du 18e arrondissement parisien, aux côtés de Daniel Vaillant (PS, fidèle de Jospin), nettement plus pépère, lui. Nous l’avons vu plus tard se rapprocher de la France insoumise, puis créer au Portugal un restaurant du genre coopératif (l’économie sociale est une de ses passions) qui ne put résister aux conséquences du covid. Et le revoilà candidat du BE. « Je ne suis fâché ni avec le PCF ni avec le PCP, d’ailleurs je m’abstiens de toute critique des candidats de la CDU (alliance PCP-Verts) pendant la campagne. J’ai trouvé simplement davantage de souplesse dans le fonctionnement du BE ».

Concernant le décor, il analyse la décision d’anticiper l’élection comme une manœuvre d’Antonio Costa (PS), premier ministre en titre. « Antonio Costa, au vu des sondages, a dû penser que le PS pouvait obtenir une majorité à lui seul au Parlement. Donc, phase 1, je concocte un projet de budget chiche sur le plan social dont je sais que le PCP et le BE monteront au rideau. Phase 2 : je refuse poliment les propositions du BE et du PCP, dans le genre « vous n’y pensez pas, les amis, vu l’état du pays, le covid, tout ça...). Phase 3 : comme prévu, le BE et le PCP votent contre, avec la droite et je suis en minorité. Phase 4 : hop, élections anticipées et bingo, je gouverne tout seul ». Du classique. Les britanniques sont experts en la matière : les sondages sont bons mais plus tard ça peut se gâter ? Allez, on dissout, toujours ça de pris. Ou pas. On se souvient, en France, de la dissolution voulue par Jacques Chirac : il avait Juppé, il écopa de Jospin. Mais revenons au Portugal.

Au niveau national, il est possible qu’Antonio Costa gagne son pari et dans ce cas pratique une prudente politique dans la lignée très modérée d’une social-démocratie européenne de moins en moins sociale. Soit il n’obtient qu’une majorité relative, auquel cas il sera condamné à choisir entre une « grande coalition » à la Merkel avec son rival du Parti social démocrate (PSD), qui n’a rien de social et ne fut pas toujours démocrate. Rien ne dit que le PSD marche dans la combine, rien ne dit que PCP et BI obtiennent des concessions. Dans ces cas, comme le dit Bruno Fialho, une crise s’ouvre dont il est difficile de prévoir l’issue. Et dans le premier cas, celui d’une « grande coalition », le peuple portugais risque fort d’en baver.

Tout ceci est bien beau, mais l’ami Bruno, lui, a une campagne locale à mener. Et sa circonscription, c’est l’Europe, au sens large, incluant les pays européens non membres de l’union, qui tels la Grande-Bretagne ou la Suisse, sont établis nombre d’électeurs. Une population où le taux d’abstention est abyssal, où les moyens d’information des ambassades et consulats sont restreints. « Je concentre ma campagne sur la France, avec quelques contacts dans les autres pays. Il ne faut pas se faire d’illusion sur l’issue du scrutin ici. Depuis des années, les deux sièges sont partagés entre le PS et le PSD, représentés depuis des années par les mêmes députés, qui ont eu le temps de sillonner les associations portugaises. Beaucoup votent plus pour l’un ou l’autre en fonction de leur nom plus que parce qu’ils sont PS ou PSD. Cette année, le député sortant du PSD n’a pas été renouvelé, ce qui ouvre une petite, bien petite, ouverture pour capter quelques voix. Je ne me fais d’autant moins d’illusion sur mon élection que je ne suis que deuxième de liste, et qu’il faudrait un score hypermajoritaire du BE pour que je sois élu. Pour moi, l’enjeu du scrutin est d’aider à une prise de conscience citoyenne de nos électeurs, d’enraciner une volonté d’agir ensemble, déjà présente dans les actions associatives mais aussi capable d’embrasser les enjeux politiques et sociaux majeurs de notre époque. Ce n’est pas un hasard si notre campagne est fondée sur le triptyque Salaires Santé Climat, dont lr troisième terme touche particulièrement notre pays après des années et des années d’incendies suivies, ou pas, de campagnes de reforestations imbéciles. Je souhaite aussi dans ma campagne, mettre l’accent sur l’idée d’autonomie. Le Portugal, comme la France d’ailleurs, peut produire pour exporter, mais doit avant tout penser à satisfaire lui-même, autant que possible, ses propres besoins, et ces besoins, c’est aux citoyens de les définir »

Nous avions connu un jeune et fringant adjoint au maire parisien, nous avons retrouvé un tout récent quinquagénaire, toujours aussi fringant, davantage lucide mais toujours aussi enthousiaste.


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