La gauche en miettes ? Non, en morceaux
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La presse est unanime : la gauche est en miettes. Un constat alimenté par des sondages, qui ne sont que des sondages, annonçant des scores faméliques pour les candidats s’en revendiquant, le « renfort » éventuel de la candidature de Christiane Taubira paraissant à ce jour amplifier la panade. Des miettes, il y en a, certes : les candidatures de l’« extrême gauche » traditionnelle, maintenant lointains, car le temps passe, de mai 68, celles donc de Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO) semblent avoir disparu des radars. Il est loin, le temps où Arlette Laguiller (tu nous manques, Arlette, rappelons-nous : « travailleuses, travailleurs »,,, « on vous ment !) ou Olivier Besancenot obtenaient des scores, autour de 4%, du niveau de ceux qui sont à ce jour attribués à Anne Hidalgo ou à Christiane Taubira, sans même parler de Fabien Roussel, et apportaient un matelas de voix, certes modeste au candidat de gauche qui accédait au second tour. Ce matelas est devenu une serpillère.
Mais il n’y a pas que des miettes, il y a aussi des morceaux. La différence ? Comme le disait tante Leocadia, qui avait la tête près du bonnet, les miettes, tu les mets dans la soupe et elles disparaissent, les morceaux, ils flottent et tu peux même les recoller. Les morceaux, c’est, en politique, d’abord un réseau d’élus locaux. Qui, à gauche, en dispose ? Le PS, qui, vaille que vaille, parvient à préserver le sien, malgré l’extravagante performance de François Hollande, dont le parti, quand il accéda à la présidence, détenait la majorité des voix à l’Assemblée nationale et au Sénat, la quasi-totalité des présidences régionales, la majorité des conseils départementaux et le contrôle de la majorité des grandes villes, et qui dilapida la plus grosse part de cette confortable dot. Bravo l’artiste ! Le PCF, qui perd à chaque élection locale un peu (et parfois plus) de son implantation locale. Et plus récemment donc plus fragile, les Verts. Ces morceaux flottent, mais les recoller est une autre paire de manche, comme disait aussi la regrettée tante Leocadia, qui en connaissait un rayon.
Un autre morceau est important dans une élection : la notoriété, qui peut être positive et/ou négative, qui généralement se construit dans le temps, mais que certains facteurs (situations de crise notamment, par exemple pour De Gaulle, ou appui puissant de médias dominants, pour Macron) peuvent faire émerger rapidement. Le manque de notoriété est un handicap pour un candidat. Pour cette élection, elle constitue une faiblesse pour Fabien Roussel et à un degré moindre pour Yannick Jadot. Pour Jean-Luc Mélenchon, sa forte notoriété est une arme à double tranchant, son tempérament clivant lui attirant sympathie chez les uns, antipathie chez d’autres. Ajoutons un ingrédient dans notre marmite : la qualité du discours, cocktail comportant la clarté pour faciliter la compréhension de l’électeur, la prise en compte des sujets qui le préoccupent, la cohérence des propositions. Le brio du porteur du discours est un plus. A ce jour, les discours de Jean-Luc Mélenchon et à degré moindre de Fabien Roussel ont pour eux une cohérence fondée sur un corpus historique riche. C’est moins le cas pour les autres candidats se réclamant de la gauche.
Enfin, il apparait que les objectifs des candidats ne sont pas les mêmes. Si chacun.e espère obtenir le meilleur score possible, ils ont conscience qu’une victoire finale relèverait d’un alignement favorable des planètes hautement improbable. Pour le PCF, cette campagne est avant tout moyen d’essayer un effacement fatal du paysage politique. Pour le PS, il s’agit d’un mauvais moment à passer en espérant des jours meilleurs. Pour les Verts, il s’agit de consolider la dynamique positive des élections locales et de prendre le meilleur sur ses concurrents, dans une vision hégémoniste à gauche. Yannick Jadot a beau répondre à un journaliste qui l’interrogeait sur son avenir que cet avenir était d’être installé dans quelques mois à l’Elysée, il ne s’agit que d’une tartarinade. Pour la France insoumise, son candidat est le seul à gauche atteindre à peu près 10% des voix et peut espérer se renforcer grâce à un « vote de gauche » utile, voire à atteindre le second tour si les candidats de droite dérapent. Scénario peu probable, mais l’espoir, dit-on, fait vivre. Et quel que soit le résultat de cette élection, après, la gauche devra essayer de recoller les morceaux. Et elle ne peut plus compter sur l’expérience de tante Leocadia.
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