Mélenchon, parce que
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Campagnes électorales ou pas, nous accueillons dans nos colonnes ou reprenons toutes les nuances de ce qu’on appelle la gauche. Il est donc rare que tous nos adhérents et/ou contributeurs réguliers soutiennent, lors d’une échéance électorale, le même parti ou la même candidature. C’est pourquoi la Gauche Cactus, en tante que (modeste) institution, ne se prononce pas. Ce qui n’empêche pas chacun.e d’exprimer les raisons de son choix, ce que je vais faire, à titre, j’insiste, personnel.
L’élection présidentielle se présente mal pour la gauche. La multiplicité des candidatures suscite la risée de la droite, plus ou moins extrême, mais ça, on a l’habitude, une incompréhension de moult électeurs de gauche, et ne donne guère envie à la large partie de nos concitoyens qui se détache des enjeux politiques et se réfugie dans l’abstention. Sept candidatures de gauche, ça fait beaucoup, surtout à un moment où elle n’est pas en grande forme. Pourquoi ? Question de « visibilité » pour certains, pour lesquels l’élection présidentielle est le seul moment où ils peuvent exprimer leurs convictions, du fait de leur absence au Parlement et à leur faible nombre de militants, fussent-ils actifs, limitant leur implantation locale. C’est le cas des frères (souvent ennemis), de LO et du NPA. Sans nier les qualités de leurs candidats, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, et saluant notamment la performance de LO de franchir à tous les coups, et les doigts dans le nez, la barrière des 500 signatures d’élus nécessaire pour valider une candidature, que bien des candidats nettement plus notoires peinent à franchir. Il n’empêche : à aucun moment Arthaud ou Poutou n’envisagent de passer le premier tour.
Question d’identité pour le PCF, autrefois puissant sur la scène politique française, dont l’histoire s’inscrit dans l’Histoire nationale dans plusieurs épisodes glorieux pour la gauche (soutien aux avancées sociales du Front populaire, actions dans la résistance lors de la seconde guerre mondiale, forte présence dans les mesures sociales à la Libération…). Faire vivre cette histoire, freiner un lent déclin électoral, constituent des motifs puissants pour la candidature de Fabien Roussel, qui réalise de plus une bonne campagne et disse d’un programme charpenté (en bonne partie issu de celui de Mélenchon en 2017, concocté entre FI et PCF). Il n’empêche : à aucun moment Roussel n’envisage de passer le premier tour.
Question d’identité aussi pour le PS. Anne Hidalgo a elle aussi bien des qualités et le courage de reprendre un flambeau bien vacillant après la Bérézina que fut pour le PS le quinquennat de François Hollande, affaibli par la fuite vers la macronie de nombre de ses cadres et le départ de nombreux adhérents découragés. Parti ultra-dominant de la gauche depuis un peu plus de quarante ans, représentant influent du courant social-démocrate européen, parti « attrape-tout », ce qui fut sa force puis sa faiblesse au fur et à mesure que son « social-démocratisme » virait au social-libéralisme des Strauss-Kahn ou Moscovici, enfantant finalement logiquement Emmanuel Macron, qui n’eut aucune peine à oublier le social (le mot et la chose). Pente difficile à remonter, qui handicape un programme qui ne présente guère de vision d’avenir claire. Anne Hidalgo a peut-être espéré un moment, via un jeu d’alliances, rassembler autour d’elle, disposant de l’appui d’un réseau d’élus encore important à défaut d’être enthousiastes, mais se faiblesse dans les sondages (qui peuvent se tromper, certes, mais pas à ce point). Il n’empêche : Anne Hidalgo ne peut plus envisager de passer le premier tour.
Question d’affirmation pour EELV. Après des élections locales réussies, leur permettant de conquérir plusieurs mairies de très grandes villes, leur permettant aussi de montrer à cette occasion une certaine capacité à rassembler, à géométrie variable, d’autres partis de gauche, l’élection présidentielle a toutes les apparences d’une douche froide. Yannick Jadot répondait voici quelques semaines à un journaliste qui lui demandait comment il voyait son avenir : « Dans quelques mois, je serai à l’Elysée ». Fier comme bar-tabac, eut dit Coluche. A cette heure, selon les sondages (mais qui peuvent…), il bataille avec Fabien Roussel aux environs de 5%. S’il est exact que les idées écologiques ont progressé dans l’opinion, notamment des citadins, elles ne sont pas suffisantes pour répondre à des préoccupations plus triviales des électeurs (pouvoir d’achat, emploi, éducation, services publics, santé, logement) peu mises en lumière dans la campagne de Jadot, qui paye aussi une notoriété encore faible. En l’état actuel des choses, Yannick Jadot n’est pas en position de passer le premier tour.
Un petit groupe a lancé une initiative a priori louable de « primaire populaire » qui s’avéra pour le moins baroque dans ses modalités puisqu’il s’agissait de proposer une candidature d’union de toute la gauche, mais dont les candidats « sélectionnés » excluaient Fabien Roussel, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, et incluaient des candidats qui refusaient d’y participer (Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et in extremis Anne Hidalgo). Résultat : pas de candidat unique, mais une candidate de plus, Christiane Taubira, femme au demeurant de grande culture, espèce rare dans notre personnel politique. Ce petit groupe voulait peut-être bien faire, l’instar de Chat-Mou, un personnage de l’un des romans du grand écrivain anglais P.G. Wodehouse, prince de l’humour british, qui écrivait : « On croise souvent, dans les rues de Londres, des individus qui errent, hagards. Ce sont des victimes d’une initiative de Chat-Mou, qui voulait bien faire ». Peut-être en rencontre-t-on dans les rues de nos villes, participants de la « primaire populaire » qui laissent la malheureuse Christiane Taubira avec un programme qui tient en un recto-verso et aura bien du mal à recueillir les signatures nécessaires après le lâchage du PRG, seul parti qui la soutenait, et donc d’une bonne partie de ses environ 300 élus.
Reste Jean-Luc Mélenchon, qui a résolu depuis longtemps le problème de la notoriété (y compris les mauvais côtés qu’elle implique, impulsif, colérique parfois, un brin sectaire à l’occasion, pas très enclin au compromis…), dispose d’un programme solide et très complet, prenant en compte aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes du quotidien, de militants actifs et dévoués qui tentent de compenser la faiblesse de son réseau d’élus locaux loin du PS, du PCF voire d’EELV, d’une bonne maîtrise des réseaux sociaux, qui jouent un rôle de plus en plus important dans une campagne, d’un talent d’orateur unanimement reconnu, même par ses ennemis, et surtout, aujourd’hui, d’une avance confortable sur ses concurrents de gauche dans les sondages (mais qui peuvent…) susceptible de faire pencher en sa faveur un réflexe de « vote utile » d’une partie des électeurs fidèles à la gauche. Cela peut-il suffire pour accéder au deuxième tour de l’élection ? Pas sûr, mais pas tout à fait impossible : les divisions de la droite plus ou moins extrême placeraient aujourd’hui (mais les sondages…) cette accession aux alentours de 16% des suffrages. Mélenchon, en hausse (mais les sondages…) en est à 11. Quelques ralliements, et on y est presque.
Autre paire de manche serait de gagner la finale. On ne sait jamais : bizarrement, nos sondeurs, pour le moment, ne mesurent pas un second tour entre Macron et un candidat de gauche. Un tel candidat, Mélenchon ou un.e autre, ne partirait certes pas favori, mais cette présence pourrait redonner espoir, et notamment lors des élections législatives. Alors là, il ne faudra pas mégoter, camarades, d’abord soutenir collectivement la réélection des députés sortants de tout ce petit monde. Ce ne devrait pas, sur le papier, être trop difficile, ils ne sont pas très nombreux. Ensuite, se répartir les candidatures, on l’espère unitaires, sur les autres circonscriptions. Là, plus compliqué, car les appétits partidaires sont féroces. C’est qu’ils sont gourmands ces petits, y compris EElV en dépit de ses beaux discours sur la sobriété. Ainsi vit-on la gauche perdre une grosse vingtaine de circonscriptions promises à FI ou au PCF, pourtant unis pour la présidentielle, par le maintien d’une double candidature au second tour. Bref, des moments chauds à venir ? Ce serait le sel de la vie
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