Les chroniques du règne de Manu le Petit

dimanche 3 avril 2022
par  Julie d’Aiglemont
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Chronique du troisième jour du mois d’avril, en l’an de très très grande décrépitude vingt-deux. Où il est question d’artifices.

Le Grand Divertissement Royal eut lieu. Tout le Gotha de la Startupenéchionne s’y retrouva. On put ainsi admirer côte à côte le baron de l’Enfarinade et l’ancien duc d’Evry, le sieur Manolo de la Valse. Ces deux éminents courtisans avaient naguère été dans des camps opposés. Mais l’amour qu’ils portaient à Notre Loghorrhéique Manipulateur les avait rapprochés et ils communièrent tous deux avec ferveur quand apparut Sa Sublime Altitude, portée par les grêles vivats de la jeune Garde, qu’on appelait aussi les James. Des feux d’artifice et une musique des plus pompières accompagnèrent la royale arrivée.

Les Gazetières officielles de la Startupenéchionne, madame de l’Aile-Griffe et sa commère - dont le nom ne passa pas à la postérité -, durent se contenter de se pâmer à distance, en poussant moult soupirs fort suggestifs, en la maigre compagnie de Monsieur de l’Antipathie, coincées dans le salon de leur Gazette, l’Ellecéy. Elles eussent tant voulu se trouver au milieu de la Cour, au lieu que de commenter le spectacle par le truchement de la lucarne magique, laquelle ne montrait que ce qu’il fallait montrer : la cour confite de dévotion et d’admiration, et la foule des partisans. Las ! On eut aussi d’autres visions : des gradins vides, désespérément vides – le Roy avait piaffé d’impatience de longs instants dans sa Loge, pendant que l’arène eût du se remplir à craquer-, des banderoles - déployées par quelques importuns qu’on ne s’était point résolu à ne pas laisser entrer, car alors comment eût-on fait accroire qu’il y avait là trente mille âmes -, sur lesquelles s’étalaient en grandes lettres des qualificatifs peu amènes pour le Roy. On mit tout de même dehors un fouineur, qui n’avait point reçu son accréditation. Tous les gazetiers admis à venir assister à ce Grand Divertissement se devaient de ne point médire, mais au contraire d’enjoliver et d’encenser le Verbe Royal et la Pensée Complexe, les deux piliers de la Glorieuse Startupenéchionne.

Madame la marquise de la Courge manqua elle aussi de se faire expulser de l’arène. On la confondit brièvement avec une harengère des Halles, tant elle en avait les contours et l’allure peu engageante. C’était pour mieux faire rempart de son corps afin de sauver le Roy d’une balle de mousqueton. Elle trouva place près de monseigneur le duc de la Blanche-Equerre, lequel ne cessait de rêver des plages d’Ibiza et ce qu’il eût pu y faire avec madame de la Bicoque. La Reine-Qu-On-Sort, Dame Bireguitte, était naturellement présente. Elle exhiba sa famille, tous si blonds et si rutilants. C’était là le produit d’ un miracle. Notre Virginal Bibelot avait engendré - tel l’Esprit Saint- une lignée parfaite. Le duc du Béarn en écrasa une larme, tandis que le cacochyme et fort chenu monsieur de l’Achèvement, qui avait été en des temps fort lointains un partisan du vieux roy Françoué 1er, était aux anges. Il branla tant du chef qu’on craignît un moment qu’il ne le perdît tout à fait.

Sa Verbeuse Bonimenterie, montant enfin sur la scène, fut acclamée comme il se devait. Tout avait été soigneusement répété. Les Dévôts écoutèrent pieusement, tels les fidèles qu’ils étaient. Ils furent quelque peu déconcertés. Voilà que le Roy, qui la veille avait parlé de rétablir le travail des enfants, pour la plus grande joie des patrons des gargotes, parlait de fraternité et de venir en aide aux démunis. La chose ne laissa pas que d’étonner. Notre Fallacieux Discoureur s’était laissé persuader par ceux de Ses Conseillers qu’on appelait les « Polytiques » et qui s’opposaient, disait-on, aux gens du baron du KhôlAir - l’éminence très grise du Roy - qu’on appelait les Téquenots. « Sire, il vous faut vous tenir sur le mollet gauche, celui que vous avez quelque peu atrophié par rapport au droit, lequel est si vigoureux qu’il a écrasé madame de la Patronnesse. Cambrez le mollet senestre, Votre Majesté, le peuple à qui l’on fera écouter vos propos, n’y verra que du feu ». Ainsi fut dit, ainsi fut fait.

Le Roy emprunta le fond du discours à Gracchus Melenchonus, ou encore à monsieur Besancenus, un tribun de l’Extrême Sénestre, tandis que la forme était copiée sur celle de madame de la Patronnesse. Sa Zézayante Logorrhée ménagea de longues pauses dans le flot de ses paroles – les Dévôts devaient alors applaudir en cadence. La gestuelle fut à l’envi. Quels que soient les subterfuges qu’il utilise, un médiocre cabotin ne peut faire accroire qu’il est un grand tribun. Tout sonnait faux. Tout était faux, de ce qui se trouvait sur la tête jusqu’au mollet qu’on avait si odieusement exhibé. L’Enmêmetantisme avait montré ses limites.

Les gazetiers encensèrent comme de bien entendu, ils en recevaient des émoluments et quelques croquettes dont ils ne pouvaient plus se passer. Monsieur Poutus, qui avait succédé à monsieur Besancenus à la tête de la Faction de l’Extrême Senestre, envisagea de réclamer des droits. « Leurs vies valent plus que leurs profits » leur appartenait en propre et cette assertion ne souffrait point qu’on l’inversât, ce qui avait été fait à coup sûr. Les profits des Riches passaient avant les vies des pauvres. Le Roy avait endossé l’habit de l’Impétrant Hypocrite, faisant mine d’oublier qu’il était aux affaires du pays depuis cinq longues et si dures années, désirant que le peuple, qu’il abhorrait, en fît de même. Au lendemain de cette Grande Supercherie Royale, Gracchus Mélenchonus tenait un grand raout dans la bonne ville rose. Une chose était certaine : le tribun n’avait point besoin de piller le discours de ses adversaires. Un autre monde était possible.


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