De la sexualité et politique, et réciproquement

mercredi 13 juillet 2022
par  Saûl Karsz
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Des femmes, parfois aussi des hommes ainsi que des organes de presse progressistes, dénoncent de plus en plus souvent des comportements sexuels et sexistes de personnages de différents bords. Les cibles les plus visibles sont des ministres (rapidement acquittés), des candidats aux élections législatives (rapidement démissionnés), des enseignants universitaires et des grandes écoles (rapidement amnistiés). Ces dénonciations reçoivent une réprobation générale, des silences gênés ou de simples avis de tempête. Certains responsables (?) qui semblent aimer les subtilités, s’exclament : « Je n’étais pas au courant ! », voulant peut-être confirmer qu’ils n’ont pas participé personnellement aux événements en question…

Incident ou structure ?

Ces situations sont plus et autre chose que des incidents effectivement déplacés, des incursions maladives dans des univers politiques, éducatifs ou autres naturellement étrangers aux questions de sexualité. Car une dimension sexuelle parcourt les affaires, les relations, les enjeux politiques, éducatifs et autres. Bien entendu, rien n’excuse les comportements dénoncés ci-dessus – qui rappellent, à leur manière sauvage, l’ineffaçable présence des affects et des sexualités au cours des enseignements et des apprentissages, dans l’exercice du pouvoir et des pouvoirs. Ils contribuent à ce que l’enseignement et/ou l’apprentissage coulent de source ou connaissent des arrêts ou des emballements apparemment incompréhensibles. Ils indiquent que la politique ne relève pas seulement de la domination ou de la soumission économiques. Le plus-de-jouir (Lacan) et non seulement la plus-value (Marx) jouent des rôles majeurs dans les fonctionnements capitalistes. L’économie qu’on appelle souterraine est celle fiscalement non déclarée et aussi celle moralement non avouée – chacune efficace à sa manière. Bref, analyser le pouvoir, les pouvoirs, l’enseignement et l’apprentissage suppose de tenir compte, aussi, de leurs trames affectives et sexuelles. Le puritanisme consiste ici à isoler des univers là où il s’agit en réalité de dimensions-toujours-déjà-liées.

Affectivités et sexualités n’existent pas en l’air, hors histoire, hors politique.

Elles en sont pénétrées, portées, encouragées ou censurées. Du viol comme arme de guerre à la promotion-canapé comme ressource de paix, de la séduction des collègues aux harcèlements sur les subordonné-e-s, du droit de cuissage aux prédations hiérarchiques, les abus sexuels et sexistes sont commis et sont supportés par des individus et des groupes socialement situés, idéologiquement connotés, politiquement orientés. Qu’il s’agit de femmes et d’hommes est aussi certain que passablement abstrait, paradoxalement désincarné. La violence de genre n’est pas n’importe quel genre de violence. Elle suppose des conditions et non seulement des corps. La sexualité n’existe, ne se déclenche, n’est ni réprimée ni sublimée que si elle s’en trouve surdéterminée par des rapports de pouvoir, de domination et de soumission, des idéologies machistes ou féministes, des envoûtements divers. Fondamentale, incontournable, elle n’est cependant pas auto-explicative.

Evitons, en effet, d’inventer une stupéfiante quoiqu’impossible bataille entre des instincts, passions et désirs qui, sublimés ou féroces, tendres ou écrasants, concernent forcément des hommes et des femmes à tout jamais emmêlés dans les filets de l’histoire sociale. Celle-ci ne constitue pas un contexte aléatoire mais rien de moins qu’une condition sine qua non d’existence. Ces affaires d’abus sexuels et sexistes s’avèrent bel et bien complexes, leur accomplissement et leurs dénonciations déploient des registres multiples – à traiter comme tels. Il ne s’agit ni d’affaires fondamentalement intimes ni non plus de questions exclusivement politiques. Plus on les isole, et moins on en comprend les enjeux théoriques et pratiques.

Texte paru dans le blog Le pas de côté, du Réseau Pratiques Sociales


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