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Drames, inquiétudes et blagounettes

vendredi 7 octobre 2022
par  Jean-Luc Gonneau
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Dans l’édito de notre numéro du mois d’aout, nous écrivions : « Prévoyez d’acheter des pulls pour contribuer à l’effort national d’économie d’énergie. Et puis ça nous donnera l’occasion de rigoler un bon coup en voyant à la télé madame Borne en parka et monsieur Macron en doudoune, tous deux avec des moufles, prêcher depuis leurs bureaux à Matignon et à l’Elysée la sobriété énergétique ». A quelques détails près (la doudoune, c’est pour Borne, le col roulé pour Macron, le pull pour Le Maire, en attendant les autres). « Y sont cons, non ? » ai-je entendu proférer mes voisins de comptoir de mon bistro habituel, ajoutant un vibrant « en tout cas, ils nous prennent pour des cons ». Nous aurions presque une pensée émue pour le regretté philosophe Michel Audiard (« les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait »). La terre brûle, le gel nous menace mais un peu de cachemire et tout est résolu. Blagounette. Dans un autre genre dont notre presse raffole, les turpitudes, réelles ou supposées, conjugales, sexuées, morales ou affairistes prennent une importance démesurée par rapport aux drames qui menacent le monde, climat, guerres, montées de l’extrême droite et des intolérances.

Attention, hein, les affaires qui ont mobilisé la presse n’ont pour seul point commun que de concerner des personnalités notoirement connues. Leurs motifs sont différents. Dans le cas de MM. Dupont-Moretti et Kohler, les soupçons concernent des conflits d’intérêt, ce qui est très vilain et puni par la loi. Les procédures judiciaires sont en cours et rendront leurs verdicts, ce qui prendra du temps, d’autant que Dupont-Moretti est expert en procédures, et Kohler a les moyens d’en disposer. Doivent-il démissionner en attendant ? C’est eux qui voient. Peuvent-ils être démissionnés ? C’est le Président qui voit. La presse suit les dossiers, c’est logique. Les autres ont le droit d’avoir leurs idées sur la question. Nous pencherions plutôt pour une démission, mais par rapport aux enjeux mondiaux, c’est blagounette. Que la justice passe et on verra bien : si coupables, ils devront passer à autre chose, ce qui ne devait pas leur poser trop de difficultés. Mais si coupables ils sont, le président qui les a nommés et n’aurait rien fait avant le jugement pourrait devoir numéroter ses abattis. A moins que, lenteur de la justice oblige, il ne soit déjà plus président au moment du verdict.

Les autres affaires en vogue touchent à l’intime, et ça, c’a titillé la plume du journaleux lambda, voire lambda plus. Après les déjà lointaines fredaines de D. Strauss-Kahn, condamné sans l’être vraiment aux USA, où ses exploits ancillaires lui ont coûté bonbon, mais pas pénalement, et pas en France, ou ses commentaires sur la qualité du « matériel » (en langage DSK : femmes mises à sa disposition) n’eurent aucune suite judiciaire, les plus récentes concernant G. Darmanin, conclues, pour une affaire de viol, par un non-lieu, dont il convient de rappeler que cela ne vaut pas acquittement, ne veut pas dire que le viol n’a pas eu lieu mais que les preuves ne suffisent pas à établir les faits, ou encore l’influent Olivier Duhamel, qui mobilisa ses relations politiques et dans la haute administration française pour tenter d’étouffer une dénonciation d’inceste, qu’il finit, bien à contrecœur, d’avouer, certain d’échapper à toute poursuite, les faits étant prescrits. Epilogue qui semble promis à P. Poivre d’Arvor, collectionneur hors-pairs de témoignages de tentatives de viols, de gestes déplacés, de pressions diverses, ce que ce dernier nie, et nous respectons la présomption d’innocence. Seul « politique » condamné en justice dans cette période : Georges Tron, ex ministre, député et maire, condamné à de la prison et à l’inégibilité. après, donc, ces spectaculaires affaires (la dernière dure encore, mais la presse la trouve un peu répétitive : on en est à une trentaine de témoignages et il ne faut pas lasser le lecteur-auditeur-téléspectateur), du neuf eût été bienvenu.

Et le neuf vint, avec des actes dénoncés de moindre gravité, certes, que les précédents évoqués, mais susceptibles d’être juridiquement répréhensibles, et moralement inacceptables : on y parle de comportements déplacés d’élus envers des femmes (Baupin, Abad, Coquerel…), de violences physiques ou morales, conjugales ou envers une compagne (Quattenens, Bayou). Certaines formations politiques (LFI, EELV, et même Renaissance, le parti du président créent des cellules de prévention des comportements sexistes, ce qui part d’un bon sentiment. Celles-ci peuvent proposer des sanctions internes concernant les fonctions des personnes visées à l’intérieur de leur organisation, celles-ci (Quattenens, Bayou) pouvant aussi décider d’abandonner ces fonctions, provisoirement ou non, mais n’ont pas le pouvoir de mettre fin à leur mandat électif. Seule une décision de justice le permet, à condition d’être validée par le Conseil constitutionnel. Certaines associations féministes, légitimement émues des faits reprochés, mais parfois non avérés, à ces messieurs, ont pu demander de démissionner de leur mandat parlementaire, mais cette décision est de leur seul ressort. Parmi les cas cités, seuls Denis Baupin, qui renonça à se représenter au terme de son mandat, et Damien Abad, prudemment exfiltré du gouvernement lors d’un récent remaniement, ont subi une sorte de sanction. Au final, le dernier, le dernier mot reviendra à la justice et éventuellement aux électeurs, et ce n’est plus mal comme ça.

Pendant ce temps, la guerre en Ukraine se poursuit tandis que les voies diplomatiques, déjà initialement étroites, se ferment une à une. Un agresseur, la Russie, un boutefeu, l’Otan (marionnette des Etats-Unis et machine à cash pour les usines d’armement américaines), une Onu impuissante, les candidats médiateurs, dont Macron plus ou moins gentiment débranchés, sauf Erdogan que Poutine fait semblant d’écouter, mais qui ne pèse sur rien. Outre les horreurs de la guerre sur le terrain, ce conflit alimente d’innombrables spéculations éhontées dont les consommateurs, notamment européens, commencent à payer le prix. Mais Bruno Le Maire, les superprofits il « ne sait pas ce que c’est ». Pendant ce temps, notre gouvernement continue son travail de sape de notre édifice social, cherchant à culpabiliser et à précariser encore plus les chômeurs, et surtout, le Graal pour Emmanuel Macron, la réforme des retraites. La crise climatique a beau menacer la survie de la planète, la guerre, peut-être nucléaire, celle de notre continent, la misère grandissante de nombre de nos services publics (l’éducation nationale réduite à recruter des enseignants au petit bonheur, services de santé laissés en jachère, covid ou pas), justice manquant de tout, politique culturelle en sommeil profond…) fragmentant chaque jour davantage notre société, tout cela est secondaire : la priorité des priorités, c’est l’âge de la retraite, un truc que ni les travailleurs, ni même le patronat ne demandent. Voulez que j’vous dise, ma p’tite dame ? C’est confondant de bêtise, comme peut l’être un caprice d’enfant.


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