La Nupes, chapitre 3 : ce qu’elle a, ce qu’elle n’a pas… et gare aux égarements
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Nous poursuivons ici nos analyses à propos de l’avenir, ou pas, de la Nupes. Dans les deux numéros précédents, nous avons évoqué quelques soucis d’organisation, et un état des lieus et des positions de chaque composante face aux prochaines échéances électorales. Depuis sa création, il y a deux ans, elle a pu compter quelques acquis, parfois fragiles, mais aussi des faiblesses, certaines inhérentes à son jeune âge Essayons de débroussailler.
Le principal acquis de la Nupes, son « trésor », c’est son programme, élaboré il y a deux ans et validé par toutes ses composantes. Depuis, de nombreuses études d’opinion ont montré qu’une majorité de nos concitoyens adhèrent à nombre de ses propositions : salaires, retraites (sur ce point précis, l’approbation est massive), pouvoir d’achat, imposition des grandes fortunes, santé, logement, enseignement, soit une très large partie des principales préoccupations de la population. Paradoxe : si cette adéquation se vérifie point par point, elle est moins certaine sur son ensemble. Doute sur la faisabilité de l’ensemble ? La droite et l’extrême droite (au passage, on peut se demander où est la frontière entre les deux. De quoi regretter Chirac…). Un programme « communiste », selon un cacique des Républicains (le parti, pas les défenseurs de la république), « trotskiste » même, hulula un autre, qui n’avait probablement jamais lu une ligne de et sur Trotski, mais pensait finement faire allusion au lointain passé de la jeunesse de Jean-Luc Mélenchon. A ce sujet, rappelons l’aphorisme estampillé 100% Gauche Cactus de João Silveirinho : « l’enthousiasme et les erreurs sont constitutifs de la jeunesse ». « De quoi ruiner la France », s’étrangla le fan-club de Bruno Le Maire qui, lui, se contente de ruiner consciencieusement les français (mais pas tous, hein, pas vrai Arnault, Bettencourt, Bolloré, Pinault, Pouyade and co ?). Tout cela pour tenter de masquer que le programme Nupes était chiffré (ceux des concurrents pas vraiment) et équilibré. Ce programme constitue une base solide, non seulement pour les prochaines échéances mais aussi pour l’animation politique des débats à venir tant à l’Assemblée que dans le pays. A ce sujet, nos députés seraient bien inspirés de s’y référer publiquement le plus souvent possible plutôt que le repeindre, par ordre alphabétique, en communiste, écolo, insoumis ou socialiste, ce qui n’empêche en rien chaque groupe de faire ses propres propositions lorsque le programme qui leur est commun est muet ou incomplet. Cela contribuerait à faire exister la Nupes.
Car sur le terrain, dans nos villes et nos campagnes, la Nupes n’existe pas, hors de rares initiatives locales qui plus rarement encore s’inscrivent dans la durée. Et la présence sur le territoire de ses composantes est loin de compenser cette faiblesse. Deux de ses composantes ont une histoire plus que séculaire et sont présentes, en bien ou en mal, dans la mémoire et l’imaginaire collectif : le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Le premier, dont l’histoire fut marquée par deux grandes figures, Léon Blum et François Mitterrand quelles que soient les critiques, souvent justifiées, à son sujet), mais parfois abîmées, notamment au moment de la guerre d’Algérie, a du mal à se remettre de la catastrophe du mandat de François Hollande : arrivé au pouvoir avec la gauche majoritaire à l’Assemblée et même (pour la première fois !) au Sénat, contrôlant la quasi-totalité des exécutifs régionaux et près des trois-quarts des départementaux, domination dont il ne restera, cinq ans plus tard, que lambeaux. Le Parti Communiste, extrêmement puissant après la seconde guerre mondiale, implanté dans les villes mais aussi dans une bonne partie, au centre et dans le sud, de la « France agricole », a connu aussi quelques grandes figures, tels Maurice Thorez, qui le dirigea pendant trente ans, mais défenseur de Staline, ayant même tenté d’installer en France un culte de la personnalité à son profit, copié sur celui du « petit père des peuples (Thorez était, lui. « fils du peuple », titre d’un livre qui fut diffusé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, un tirage à faire rêver Bruno Le Maire et Marlène Schiappa, les fringants écrivains vedette de la macronie). Après la publication du rapport Khrouchtchev qui révélait les crimes staliniens (et dont Thorez tenta malheureusement de retarder la diffusion en France), le PCF a longtemps porté comme un boulet son long alignement sur l’URSS de Staline, aggravée par le rétrécissement quantitatif de sa base ouvrière et connu une lente mais continue descente tant au niveau électoral qu’au niveau de la force militante. Si le PS conserve encore un réseau d’élus locaux non négligeable quoique plus clairsemé, le PCF, à chaque élection, perd plus de fiefs qu’il n’en conserve. Notamment, son hégémonie sur la « banlieue rouge » francilienne est maintenant un souvenir (reconnaissons ici que les manœuvres parfois tortueuses du PS dans ces départements n’ont pas aidé). Tant le PS que le PCF ne rassemblent plus que quelques dizaines de milliers d’adhérents, dont évidemment moins d’actifs.
Les Ecologistes (nouveau nom d’EELV-les Verts) commencent à avoir une histoire dans le champs politique, Elle a commencé en 1974 avec la candidature à l’élection présidentielle de René Dumont, militant et universitaire respecté. Une candidature issue du rapprochement associatifs et non de partis politiques. Le monde associatif a toujours été méfiant envers les partis politiques, non sans raison, et il a fallu presque une dizaine d’années pour qu’une organisation politique émerge, dont le premier dirigeant, Antoine Waechter, défendra une ligne « ni ni » (ni de droite, ni de gauche), et une dizaine d’années encore pour qu’en 1994 les Verts se tournent vers la gauche sous l’impulsion notamment, de Dominique Voynet, Noël Mamère, Cécile Duflot, et Daniel Cohn-Bendit (qui quittera les Verts en 2012 et rejoindra Macron en 2916, comme quoi la vieillesse peut parfois à la sagesse, mais aussi au naufrage). Parsemée de multiples conflits internes qui ont pu parfois mettre en doute sa crédibilité, le parti écologique a cela dit contribué à la popularisation des enjeux environnements, devenus décisifs pour encore bien des années, et leur a permis de construire un réseau, encore limité mais conforté par la conquête, avec des listes d’union, de villes importantes. C’est positif, mais au niveau du terrain militant, leur vingtaine de milliers d’adhérents limitent leurs capacité d’action.
Les deux autres organisations constituant la Nupes, Génération, s et La France Insoumise, dont l’histoire est courte, puisqu’issues toutes les deux de la faillite du « socialisme » sauce Hollande, Organisations jeunes ayant une filiation ancienne donc. Créée autour de Benoît Hamon, qui s’est depuis (momentanément ?) éloigné, Génération.s se veut un pont entre l’écologie et le socialisme, un créneau difficile à défendre car très fréquenté, Utile en tant que laboratoire d’idées, vierge, privilège du jeune âge, des vicissitudes qu’entraîne le fil du temps, Génération.s n’a pas d’implantation significative sur terrain et ne dispose que d’une portion congrue de l’espace médiatique, où la concurrence est féroce, Pour LFI , principale force parlementaire de la gauche, les problèmes sont différents ; on verra ça dans le prochain numéro ?
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