TRIBUNE LIBRE* : UN SIECLE DE LUTTE CONTRE LE LIBERALISME
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La tentative d’imposer la mondialisation capitaliste libérale ne date en définitive pas des années 1990 mais remonte en réalité à la fin du 19ème siècle ou les exportations mondiales sont multipliées par 4 de 1870 à 1913, veille du premier conflit mondial. La première tentative de mondialisation se traduit par une forte baisse du coût des transports et des communications (en 1914, le télégraphe et le téléphone relient les principales places mondiales presque aussi instantanément qu’internet aujourd’hui), provoquant une explosion des échanges commerciaux accompagnée d’une phénoménale croissance des flux financiers et migratoires.
Le Républicain Jules Méline fit voter en 1892 le tarif destiné à protéger les paysans de la concurrence internationale. En 1906, celui-ci écrit : « La prospérité publique est semblable à un arbre : l’agriculture en est la racine, l’industrie et le commerce en sont les branches et les feuilles. Si la racine vient à souffrir, les feuilles tombent, les branches se détachent et l’arbre meurt. » José Bové pourrait tout à fait écrire la même chose un siècle plus tard.
Le krach financier de 1929 qui a fait vaciller les Etats - Unis fait dire à Paul Claudel, alors ambassadeur de France à Washington : « Il semble que nous nous rapprochons d’une époque où d’une manière absolue la machine tend à éliminer le travailleur. Que deviendront les foules ainsi déversées sur le marché ? Et qui consommera ces produits pour lesquels on a plus besoins de producteurs ? Que de problèmes angoissants nous réservent l’avenir et la manipulation de ces foules à verser et reverser sans cesse d’un rayon économique à l’autre. » A cette date, sous la troisième république, la France est une société d’équilibre et de stabilité dans un monde bouleversé par l’industrialisation et l’urbanisation. La structure de la population active au recensement de 1936 en est la plus parfaite démonstration : 32 % des Françaises et Français travaillent dans l’agriculture, 34% dans l’industrie, 34% dans les services. Sur une population totale de 41,5 millions d’habitants, 52% vivent dans les villes 48% à la campagne et le revenu moyen par habitant est l’équivalent de 3420 euros d’aujourd’hui et supérieur de 22% à celui de 1913. Les choix politiques des dirigeants de la troisième République, qui étaient à contre courant des politiques des Etats-Unis et du Royaume Uni, ont porté leurs fruits avec à son apogée l’instauration des 40 heures de travail hebdomadaire, les congés payés et l’assurance sociale.
La deuxième guerre mondiale mit une fin brutale non seulement à la troisième République mais à toutes ces avancées sociales et humaines et pendant 5 longues années l’obscurantisme religieux et le capitalisme libéral prirent une formidable revanche sur le peuple. En 1945 le Conseil National de la Résistance (C.N.R.), qui regroupait derrière le général de Gaulle tout ceux qui avait pris part à la lutte contre la barbarie fasciste, restaura les idéaux républicains de liberté d’égalité et de fraternité qu’on appelle aujourd’hui « le modèle social français ». Ce modèle tant décrié aujourd’hui par les libéraux de tous poils c’est quoi en définitive : l’Etat garant de l’intérêt général. Et le 25 juillet 1944, devant les membres de l’assemblée consultative, De Gaulle déclarait vouloir « mettre à la disposition de la Nation la direction et l’exploitation des grandes richesses communes et suspendre le jeu de ces vastes conjonctions et combinaisons d’intérêts qui n’ont que trop pesé sur l’Etat et les citoyens ». A ma connaissance, De Gaulle n’est pas marxiste et pourtant il prône l’idée d’un Etat fort qui garde la main mise sur le marché pour une juste répartition des richesses du pays. Il s’en suivra les nationalisations des fleurons que sont EDF, GDF, la SNCF, le secteur bancaire l’instauration de la sécurité sociale et des caisses de retraites par répartitions, etc.. C’est ce qu’on appelle les « trente glorieuses », qui permettront à la France de se hisser au 4ème rang des puissances économiques mondiales. La SNCF est capable de produire cette merveille technique qu’est le TGV, la coopération entre Etats permet de mettre en place la société nationale Aérospatiale pour construire cette autre merveille qu’est le Concorde, les chantiers de ST Nazaire, alors nationalisés, construisent le paquebot France, EDF modernise sur tout le territoire de la République la distribution de l’électricité, développe et construit les premières centrales nucléaires. Les PTT construisent un réseau téléphonique et contribuent à apporter le téléphone dans tous les foyers. Des sociétés nationales d’autoroutes sont créées afin de réaliser un maillage autoroutier qui desservira presque toutes les régions de France. C’est cela le modèle Français que cette droite ultra libérale au pouvoir aujourd’hui est en train de détruire en bradant tous ces fleurons qui ont permis à la France de compter dans le monde . Sous couvert de modernité, le monde qu’ils contribuent à mettre en place est aussi cruel que celui ou vivaient les hommes préhistoriques, la seule devise est : les plus forts et les plus malins s’en sortent et les autres, ils sont exploités ou ils crèvent.
L’élection de François Mitterrand en 1981 fut certes porteuse d’espoir après le septennat calamiteux de Giscard d’Estaing, pendant lequel les idées libérales revenaient au galop ; cela avait d’ailleurs déjà bien commencé sous l’aire pompidolienne. Mais après une politique de relance économique de type keynésienne, mais sans aucune perspective ni aucune vision politique à long terme, c’est l’échec sanctionné par plusieurs dévaluations du franc. Deux ans plus tard, en 1983, l’instinct de survie politique de Mitterrand et du Parti Socialiste est bien plus fort que l’avenir de la France. Mitterrand et les socialistes se convertissent donc au marché et le Président de la République fait « don » à la France d’un jeune premier ministre moderne issu de l’ENA. Cet homme jeune, moderne, providentiel se nomme Laurent Fabius : il a en fait pour mission d’assassiné le modèle français.
Depuis cette date, les gouvernements de gauche comme de droite ont tout mis en œuvre pour que le marché gagne en influence, tout en affirmant le contraire. La fuite en avant vers le libéralisme fut accentué par la chute du communisme dans les pays de l’Est : à partir de là, le monde ne fut plus multipolaire mais unipolaire et les vainqueurs, les Etats-Unis, veulent imposer partout dans le monde leur conception de la société et de l’économie. Pour eux rien ne doit entraver le marché. Sous couvert de libre circulation des hommes, des marchandises et des biens, ils imposent la marchandisation de tout, même de l’humain. Le libéralisme est une doctrine qui veut imposer sur toute la planète un « homme nouveau » au service exclusif de l’économie de marché, c’est, en somme, produire pour produire consommer pour consommer sans se préoccuper de comment et dans quelles conditions on produit, et sans se préoccuper si cette production correspond à un besoin réel pour le consommateur et si à terme celui-ci ne va pas être en position de surendettement au risque de finir dans la rue. Les libéraux de tous poils qui condamnent les services publics, le plan et l’Etat et qui clament les vertus de la corbeille et du marché s’enkystent dans une fuite en avant qui conduit l’humanité vers une catastrophe sans précédent.
Les républicains radicaux se doivent de dire Non : il peut en être encore temps si nous avons la volonté de rassemblement du peuple Français au nom de notre idéal républicain qui passe par des hommes d’exceptions qui ont su en leur temps montrer la route. Ces hommes sont :Victor Hugo, Gambetta, Jules Ferry, Jaurès, Clemenceau, Léon Blum, Jean Moulin, De Gaulle, Mendès-France et bien d’autres qui dans l’ombre ont eux aussi œuvrer pour que ce modèle acquis au prix de deux guerres de la sueur et du sang de nos aïeux puisse apporter aux générations futures, une vie meilleure que la génération précédente ce qui est très loin de ce que nous préparent ces bonimenteurs qui gouvernent ou veulent gouverner la France au détriment de son peuple.
« Quand la lutte s’engage entre le peuple et la Bastille, c’est toujours la Bastille qui finit par avoir tort. » (Charles de Gaulle). Cette formule est propre à inquiéter nos prétendus « élites ».
*Les tribunes libres n’engagent pas la rédaction
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