NOTE DE LECTURE : « ENSEIGNER LA NATION - GEOPOLITIQUE DES MANUELS »
par
popularité : 3%
Les réactions suscitées il y a peu en Chine par la sortie d’un nouveau manuel scolaire japonais et la façon dont y était présenté un passé douloureux, a mis en exergue l’importance de la représentation scolaire des histoires nationales. Plus encore, au delà d’une simple étude de l’histoire de leur pays telle qu’elle est racontée aux enfants, futurs citoyens, c’est la question d’une véritable « géopolitique des manuels » qui apparaît nécessaire.
Le nouveau numéro d’Outre-terre, la Revue française de géopolitique vient à point nommé. S’inscrivant dans le sillage des travaux de Marc Ferro, plus de 400 pages viennent éclairer le lecteur sur la façon dont on enseigne la nation aux jeunes écoliers. Les articles portant sur une trentaine de pays sont regroupés au sein de cinq grands volets.
Les « nations imparfaites », d’abord, où l’on constate les difficultés à offrir une représentation de la nation aux futurs citoyens italiens, espagnols, argentins, mais aussi philippins ou indonésiens, et ce pour des raisons, on s’en doute, différentes.
« L’invention décolonisatrice » ensuite, avec de passionnantes études sur les Etats nés de la décolonisation et qui tentent de renouer avec leur passé pré colonial que cela participe de l’affirmation de l’Etat (Algérie) ou d’une politique de « réconciliation nationale » (Australie). On notera le court mais très intéressant article sur l’Ethiopie où « le passé a été réécrit pour la troisième fois dans une période relativement brève ».
C’est également un véritable « séisme pédagogique » qu’ont connu la Serbie, la Roumanie, la Russie, bien sûr, et les Ukrainiens qui affirment leur identité nationale dans de nouveaux manuels où apparaît un véritable besoin de « retour aux origines » comme le souligne l’auteur de l’article sur le Kazakhstan.
Quatrième volet : « Les plus-que-nations et leurs citoyens » où l’on trouve les exemples bien connus des Etats-Unis, d’Israël ou de Cuba mais aussi l’Inde et les deux cas passionnants de l’Arabie Saoudite et l’Iran, où l’image de la Perse berceau de l’humanité des manuels de l’époque du Shah a cédé la place, à l’enseignement d’un pays, terreau du « véritable Islam ».
Cinquième volet, enfin, « Enseignement pacifié » qui forme un ensemble moins homogène que les précédents On notera cependant les articles sur la Bosnie Herzegovine, Chypre et le Japon. Le cas français est étudié là. C’est dommage. Comme si les auteurs s’étaient prudemment gardés de le ranger ailleurs...
Outre-Terre, Revue Française de Géopolitique, n°12 « Enseigner la nation - Géopolitique des manuels », éditions ERES, juin 2005, 424 pages, 23 euros.
Commentaires