https://www.traditionrolex.com/18 LA LAICITE, PREALABLE A LA DEMOCRATIE ? - La Gauche Cactus

LA LAICITE, PREALABLE A LA DEMOCRATIE ?

mercredi 15 février 2006
par  Tarik Mira
popularité : 1%

La laïcité comme préalable à la démocratie est un thème ambitieux et un défi au moment où, dans le monde, la résurgence du religieux politique devient une réalité. Dans le sud méditerranéen, la problématique relève d’un pari difficile mais exaltant. L’Algérie a échappé de peu à un Etat théocratique, sans pouvoir régler la question démocratique. Le replâtrage du régime qui a mené à sa reconduction relève de plusieurs causes. Cependant, il est intéressant de voir les liens d’instrumentalisation et de connivence entre le pouvoir et l’islamisme pour rejeter la démocratie et prévenir la laïcité. Comment en est-on arrivé là ? Les causes sont à la fois anciennes et récentes, liées au colonialisme, à la construction et à la nature de l’Etat national.

La Grande Révolution a incontestablement exercé sur l’ensemble du personnel politique algérien une influence considérable, à l’image de Messali Hadj (leader radical) et de Ferhat Abbas (leader modéré). Ces deux personnalités dominantes du nationalisme algérien durant un quart de siècle ont été fascinées par les idéaux de 1789. Ils le disent tous les deux dans leurs mémoires. Ils mènent leur combat au nom de ses valeurs pour atteindre une émancipation collective en faveur des colonisés. Cependant, le naufrage de la République avec ses discriminations juridique et politique et la prégnance du religieux dans la société indigène jouant le rôle de référent identitaire n’ont pas amené ces deux leaders à adhérer à la laïcité. Si l’on peut résumer cette situation, on peut dire que la République est le vecteur du combat tandis que l’islam demeure la « patrie spirituelle ».

Cette posture va ainsi dominer le Mouvement national depuis sa naissance jusqu’à une tentative audacieuse soit formulée au Congrès de la Soummam, en Août 1956 (1ère charte du FLN) pour définir la nature du futur Etat national. Il est explicitement écrit que « il ne s’agit pas de restaurer une monarchie ou une théocratie désormais révolues. L’Etat sera démocratique et social ». Cette postulation franchement laïque, portée par la tête pensante du Congrès, Abane Ramdane, personnalité socialisée par l’école de la IIIème République, sera peu à peu ébranlée au lendemain de l’indépendance.

Débutée en 1962, l’ère de la construction nationale est inaugurée par un coup d’Etat pour la prise de pouvoir, opéré par l’armée des frontières contre l’autorité légale, le GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne). La légitimation du pouvoir jusqu’à l’avènement du multipartisme en février 1989 se fera à coups de chartes octroyées et de référendums plébiscitaires sur base de négation des libertés publiques et de répression ouverte. Au plan idéologique, si des options sécularisées - arabisme et socialisme - sont mies en œuvre, toutes les constitutions de cette époque - trois au total - proclament dans leurs articles 2 : « L’islam est religion d’Etat ».

La confusion est telle entre l’option arabo-socialiste et l’islam qu’on parlait de « socialisme spécifique » pour mieux souligner que la laïcité n’a pas droit de cité. Durant le règne de Ben Bella (1962-65), la seule association autorisée en dehors des organisations de masse liées au parti unique était d’inspiration islamiste : « El-qiyam » ou les « Valeurs ». Après l’éviction du 1er président par un putsh, la clarification n’est pas nette. Houari Boumediene (1965 /78) dissous l’association « El-qiyam » mais opère un rapprochement avec les Ulémas (docteurs de la loi) qu’il intègre dans ses divers gouvernements et procède à une arabisation accélérée à partir de 1968. Des pans entiers dans les secteurs idéologiques - l’Enseignement et la Justice - sont confiés à des arabisants qui ne sont pas loin de l’islamisme. La frilosité en matière de laïcité, même si le discours est progressiste, se vérifie par l’incapacité des dirigeants de cette époque à doter le pays d’un code de la famille. La réforme du statut personnel opéré par Bourguiba en Tunisie ne verra pas naissance en Algérie. Cette question sera réglée en 1984 de manière réactionnaire lorsque l’APN (Assemblée populaire nationale) du parti unique va voter un code de la famille le plus régressif de l’aire arabo-islamique après le saoudien. Le règne de Chadli Bendjedid (1979) jusqu’à l’irruption du pluralisme est marqué pendant dix ans à la fois par un léger dégel politique et d’un coup de barre vers la conservation sur le plan sociétal. La génération de l’arabisation commence à arriver sur les champs politique et économique. Elle réclame une autre orientation pour sortir de la « laïcité islamique » si je reprends le titre d’un ouvrage écrit par Henri Sanson qui a analysé cette période de façon pertinente sur ce plan. Les agissements des islamistes apparaissent publiquement. Leur influence se caractérise symboliquement par le début du revoilement de la femme algérienne à partir des années 80. Pour la première fois depuis l’indépendance, la convergence entre l’autorité étatique et l’islamisme « non institutionnel » est établie concrètement durant cette période. Au plan politique, les Islamistes ne se satisfont pas de cette plus nette inflexion. Ils visent le pouvoir. Ils veulent l’entièreté du pouvoir.

Que dire de cette première tranche historique post-indépendance ? On est tenté de dire abruptement que le constat est sans appel : l’absence de laïcité se conjugue avec l’autoritarisme et la dictature. Y a-t-il un lien de cause à effet ? La réalité est autrement plus complexe dans son vécu et même dans sa compréhension. Une chose est sûre : une grande partie du personnel politique a été formé dans et pour la modernité qui se confond avec l’autonomie de l’individu. Il aurait pu, par volontarisme, aller dans le sens d’une franche sécularisation. Par ailleurs, n’oublions pas que le concept de laïcité est quasiment propre à la France et qu’eu égard aux circonstances historiques, les adversaires de cette option se donnent à bas prix des brevets de patriotisme. La défaite du Groupe de Tizi-Ouzou, regroupement d’une partie des maquis de l’intérieur et de la Fédération de France du FLN, alignés derrière le GPRA, a compromis sérieusement les chances de cette philosophie. Sans faire dans la fiction, les virtualités d’un kémalisme à l’algérienne étaient réunies à l’indépendance mieux que celle de son promoteur historique, en son époque et dans son pays : la Turquie. Au final, j’oserai une première conclusion qui se situe à revers de la question posée : l’absence de démocratie en cette période a jugulé les potentialités laïques portées par le projet de libération nationale.

La deuxième partie historique s’ouvre avec le multipartisme en février 1989. La démocratie est entrée par effraction. Il est vrai que l’hégémonie du parti unique est ouvertement contestée depuis 1980 par les berbéristes se réclamant de la démocratie et de la laïcité et des islamistes qui revendiquent un Etat théocratique. La baisse brutale des prix du pétrole, l’année 1986, a fini par avoir raison du monopole politique du FLN en octobre 1988.

De ces deux groupes les plus actifs dans la contestation, ce sont les démocrates qui pâtissent le plus de l’absence de libertés publiques. A la différence des islamistes qui ont des mosquées pour sanctuaires propagandistes, les démocrates sont partout pourchassés. Les confusions idéologiques et constitutionnelles avaient créé une série de fictions politiques qui vont finir par renforcer les pires ennemis de la démocratie : les islamistes. Dés les premières élections, le FIS (Front islamique du salut)- municipales en juin 90 et législatives en décembre 91- sort majoritaire dans l’ensemble du pays, à l’exception notable de la Kabylie. S’ouvre alors une période extrêmement dangereuse, dont le prix payé en vies humaines est élevé : prés de 100.000 morts en une décennie. L’irruption brutale de l’armée pour arrêter le processus électoral entre les deux tours des législatives n’a pas clôturé le débat sur les bienfaits et les méfaits de cette action. Dans l’immédiat, cette dernière a accentué les divergences entre les deux principales formations politiques démocratiques : le FFS et le RCD. Se réclamant du message originel de novembre 1954, ces deux partis revendiquent la laïcité : le FFS essaye de forger un nouveau concept en parlant de « l’Etat civil » et de séparation des champs politique et religieux, tandis que le RCD fait ouvertement acclamer la laïcité avec séparation de l’Etat et du culte. Pour cette dernière formation, la laïcité n’est pas étrangère à l’Algérie si l’on puise dans nos référents traditionnels. En effet, dans les assemblées villageoises qui dominaient le monde rural, particulièrement en Kabylie, la séparation est nette entre les pouvoirs spirituel et politique. C’est cette expérience qu’il va falloir remettre au goût du jour et moderniser. Et si elle recoupe la notion française, c’est l’accès à l’universalité qu’il faudra non seulement accepter mais encourager. Pour la première fois en Algérie, le mot laïcité est explicitement revendiqué.

L’emballement des évènements depuis l’arrêt du processus électoral n’a pas permis d’aborder sereinement cette question si chargée émotionnellement et symboliquement. Dans ce désordre qui a failli emporter les fondations de l’Etat national, les intellectuels laïcs sont pris pour cibles par les terroristes. Quant aux femmes enlevées, elles servent de butin aux émirs. Du côté du pouvoir, le même cycle d’erreurs a recommencé. Le nouveau processus de légitimation commencé l’année 1995 par la première élection présidentielle pluraliste est entaché de fraude électorale alors que la participation populaire est importante malgré les menaces islamistes. Tout le processus qui s’ensuivra connaît un sort identique.

Les pesanteurs anciennes, combinées à la préservation du pouvoir quoi qu’il en coûte, vont donner naissance à cet immense paradoxe : l’islamisme est vaincu militairement grâce à la mobilisation de la société tandis qu’il n’a pas dit son dernier mot politiquement à cause des orientations du pouvoir. Le dernier référendum portant sur « la charte pour la paix et la réconciliation nationale », qui garantit l’impunité aux terroristes et l’amnistie aux militaires dans par une subtile simulation, est un indicateur supplémentaire de cette compromission entre le conservatisme et l’intégrisme qui, finalement, fait progresser l’islam social. Malheureusement, cette immense supercherie d’un triple point de vue - éthique, politique, idéologique et même électoral - est saluée par le Quai d’Orsay comme une « consultation démocratique ».

Pour conclure, je dirais que, malgré les apparences, la société algérienne recèle en son sein un immense potentiel démocratique et laïc qui ne demande qu’à émerger davantage. L’idée de laïcité est toujours neuve. Elle n’est pas épuisée. Si l’idée est manipulée ici et là pour instaurer des régimes autoritaires, elle reste la garantie d’une démocratie épanouie. Le chemin est long et difficile. Il commence par l’école qui forme le citoyen. Aussi avons-nous choisi cet acronyme symbolique : RCD avec culture au centre. Nous sommes persuadés que les Lumières passent par l’éducation et la formation, mais aussi par une rénovation de l’islam qui relève de la société entière et des théologiens en particulier. Le courage ne nous manque pas dans le sud, c’est l’absence d’intérêt du nord qui nous fait défaut. Ne soyez pas frileux face à l’intégrisme, à tous les intégrismes, où qu’ils soient. C’est au final l’idée de laïcité qui garantit l’équilibre entre vie publique et vie privée, une séparation salutaire pour l’harmonie sociale et politique. L’Algérie en a grandement besoin pour entrer de plain-pied et définitivement dans la modernité.

Tarik Mira est secrétaire national aux relations internationales du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (Algérie)


Commentaires

Logo de FX用語
mardi 23 décembre 2008 à 16h04 - par  FX用語

指値/塩漬け/シカゴ筋/市場金利/ジャスダック/証拠金/スイスフラン/ストックオプション/スプレッド/スワップ金利/スワップ取引/世界銀行/セカンダリーマーケット/設備投資/センチメント/送金小切手/総合口座/想定元本/損切り/サイコロジカルライン/サブプライムローン/ザラ場/債務/サーチャージ/ジェネリック医薬品/時価総額/シナジー効果/証券会社/信託銀行/スクウェアポジション/ストップ安/ストラテジスト/スタグフレーション/ストラクチャードファイナンス/世界恐慌/潜在株式/世界貿易センター/ゼロ金利政策/戦略的同盟/想定為替レート/総資産利益率/ソーシャルマーケティング/総資本/相互会社/タックス・ヘイブン/建玉/建値/単元株/チャートポイント/中央銀行/長期金利/長期投資/追加証拠金/ツー・ウェイ・プライス/通貨インデックス/通貨先物取引/デイトレード/ディーリング/ティック/テクニカルチャート/デフレーション/東京外国為替市場/取引所取引/ドルコスト平均効果/トレンド/脱税/ダウ平均/短期金融市場/ダブルボトム/知的財産/中型株/直接金融/長期プライムレート/地域再生ファンド/通貨の切り上げ/通貨危機/追加型投資信託/積立定期預金/低位株/ディスクロージャー/手付金/敵対的買収/デリバティブ/投機/投資信託/投資家/東証株価指数/東京オフショア市場/ナスダック/ナッシング・ダン/成行/難平/日銀短観/日経225/日本銀行/入札談合/抜く/値洗い/値ざや稼ぎ/ネット専業証券/

Site web : FX用語
Logo de FX用語
mardi 23 décembre 2008 à 16h03 - par  FX用語

年金/ノーオファー(ビッド)/ノーロードファンド/ノンバンク/ナイター取引/永田町/内需/内部金融/ナスダック指数/2:8の法則/日銀総裁/ニューディール政策/日経景気インデックス/ニンジャローン/ネクスト11/ネットバンク/値付率/値幅制限/ノックダウン生産/のれん代/ノミ行為/ハイパー・インフレーション/始値/バブル経済/反対売買/ヒット/ビッド/日計り商い/評価損益/ファンダメンタルズ/フォレックス/プライマリーバランス/ブローカー/ヘッジ/ヘッジファンド/ベンチャー企業/変動為替相場制/ポートフォリオ/ポケット外貨/ポジション/保証金維持率/ベンチャーキャピタル/ボラティリティ/ホワイトナイト/粉飾決算/米ドル建て債券/標的市場/風説の流布/プライマリー・マーケット/法定利率/パックマンディフェンス/貧困ビジネス/ポジショントレード/ヘラクレス市場/ハンセン指数/振決国債/フェアトレード/ほふり/比較広告/配当/排出権取引/バイオガソリン/ベストプラクティス/ベーシスポイント/BDI/マークトゥマーケット/マイン/マクロ経済/ミクロ経済/ミシガン大学消費者景況感指数/ミニ株取引/ムーディーズ/無為替/名目金利/メキシコ通貨危機/メジャーカレンシー/戻り高値/モバイル取引/もみ合い/モラトリアム/民間非営利組織/ミューチュアルファンド/マザーズ/マネーサプライ/マネーフロー/民活プロジェクト/メルコスール/マーチャンダイジング/メガバンク/メディアミックス/メディアリテラシー/マクロマーケティング/緑の革命/約定/安値覚え/やれやれ売り/有価証券/有限責任/有効証拠金/融資/

Site web : FX用語
Logo de インプラント
lundi 22 décembre 2008 à 07h40 - par  インプラント
Site web : インプラント

Brèves

1er mars 2012 - BREF HOMMAGE A MENDES FRANCE, par François LEDRU

Chez les Ledru, bourgeois catho (comment puis-je être si différent d’eux ?), les gosses (...)

17 août 2009 - SIGNEZ LA PETITION ANTI-BONUS !

Les grands dirigeants du monde prétendent ne rien pouvoir faire dans leur pays contre le retour (...)

25 mai 2008 - NOUS SOMMES ELUS DU PEUPLE, PAS DE SARKOZY : POUR LA DEFENSE DU DROIT DE GREVE : DESOBEISSANCE CIVILE DES ELUS !

Le 15 mai 2008, le président de la République en titre a osé remettre en cause le droit de (...)
https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18