LES MERES-COURAGE (Lettre à Madame Halimi)
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Les mères-courage et leur humanité me poseront toujours en témoin admiratif de leur courage et de leur abnégation. Ilan, ta mère et sa douceur, son absence de haine, font qu’elle s’élève au-dessus de toutes nos vanités. A ceux qui ergotent sur un antisémitisme flagrant, qui s’ajoute à une barbarie des plus primaires, certes, elle frappa tous azimuts. Mais là où il fallait être un notable, pour lui être juif a suffit et c’est cela l’antisémitisme. Rien ne saurait servir d’écran et atténuer les conséquences de ce crime. La paupérisation de la France génère une misère bêtifiante et criminelle. Prenons garde à ne pas laisser se développer encore plus cette culture de la violence, luttons ensemble contre le ressac incessant de l’obscure violence de l’homme.
Ne nous croyons pas à l’abri de la résurgence de l’obscurantisme et des comportements bestiaux. La modernité est tout comme Ilan, comme une bougie fragile, ténue, il nous faut la protéger, la veiller pour ne pas qu’elle s’éteigne et ne laisse l’humanité pareille à cette mère lourde de tristesse et en deuil de ce qu’elle avait de plus cher au monde. Madame Halimi, la belle France entière est juive au lendemain de cette éternelle extinction de l’humanité, à chaque martyr que la bêtise et l’avidité torture, c’est toute l’humanité qui souffre, la flamme même de mon humanité a été soufflée par cette onde destructrice. Il m’aura fallu beaucoup de temps pour ne pas renoncer à ce si possible vivre ensemble, quand la France paraît vous tourner le dos et vous prête des pensées et intentions inacceptables.
Bien que je ne représente rien et que je doute que ma lettre vous parvienne, si c’était le cas je souhaite que ces mots vous transmettent bien plus que ma compassion. Sachez que je pense à vous, que je souhaiterais pouvoir vous ouvrir mes bras, être à l’écoute de vos peines et pouvoir vous soutenir dans cette douleur et face à l’absence. Permettez moi de vous inviter à cesser votre lecture : ce qui suit ne ferait que raviver votre douleur. Comment préserver notre jeunesse de la dégradation de leur humanité ? Comment leur donner la force, la volonté et les qualités nécessaires pour ne pas tomber à ce point dans la préhistoire ? Le pouvoir du feu ne peut pas être leur seul moyen de nous parler. Je ne suis plus jeune depuis quelques années mais quand je les vois dans les rues, j’aimerais tellement les arrêter, insuffler en eux tous les éléments qui m’ont permis d’être ce que certain disent, quelqu’un de bien. J’aimerais leur montrer toutes les souffrances que j’ai assumées seul sans vouloir précipiter ce qui m’entourait dans l’horreur et surtout tout l’honneur que je retire de la préservation de mon humanité. Je suis un échec de l’éducation nationale tout comme je n’ai pas de honte à constater l’inanité de ma vie professionnelle, et mon absence de perspective ne m’inquiète aucunement. Je sais que j’aurais l’essentiel dans ma vie, l’ayant baignée d’amour pour tout ce qui m’entoure. Bien sur j’ai haï cette France, bien sur mille fois j’ai voulu secouer celui qui me faisait face. J’ai préféré conserver l’humanité qui me reste et qui fait de tout inconnu pour moi un frère. Rencontrer l’autre est pour moi comme la joie de l’astronome qui met un nom sur une étoile. Le ciel pareil à l’humanité s’illumine et scintille de nos joies et chaque fois qu’un homme est assassiné, ce sont deux étoiles qui disparaissent, celui qui meurt et celui qui assassine, et par voie de conséquence l’intensité de chacun d’entre nous en souffre, la lumière qui nous entoure alors faiblit jusqu’à prendre le risque de disparaître. Coude à coude, maintenons le pacte républicain, cessons l’escalade sécuritaire envers cette jeunesse qui s’avance, pour ceux qui sont déjà gâchés par ce monde stupide : je ne sais pas ce qui peut prendre la forme d’une rédemption ou d’une rémission, tout ces comportements trahissent la schizophrénie dans laquelle on abandonne toute une jeunesse en lui refusant l’accueil de sa dignité dans un monde sans emploi, avec le sida et cet environnement poubelle. Nous faisons tout pour qu’ils se marginalisent, pour qu’ils se réfugient dans des paradis artificiels où qu’ils soient détournés par les fondamentalistes. Ils ne font que nier nos chemins par la démonstration de leur vanité, car nous avons abattu suffisamment d’idéaux, de religions, de politiques pour au final en arriver là et las, malgré tant de prophètes influents. L’homme n’a pas d’autres ambitions que d’occire l’autre en sa faveur. Triste monde. A-t-il jamais été juste ? Que ce soit à Paris ou à Copacabana, les gens heureux le sont dans l’insouciance jusqu’au jour où le prédateur se rappelle à son souvenir près d’un distributeur bancaire. Celui que d’ordinaire il ne voit pas vient lui ôter la vie, soufflant sur sa bougie comme une sanction à toute cette indifférence. La cohorte des inhumains trouve toujours d’autres malheurs pour grossir ses rangs, alors appelons ceux qui le peuvent encore à nous rejoindre, sachons leur faire une place et qu’ils trouvent en nous plus de fraternité que ne pourront leur offrir l’islam de cave ou le grand banditisme.
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