https://www.traditionrolex.com/18 LA LANGUE DU MARCHE DU PROFESSEUR MONTI - La Gauche Cactus

LA LANGUE DU MARCHE DU PROFESSEUR MONTI

Par Gabriel Galice
lundi 19 juin 2006
popularité : 1%

Le Figaro ouvre ses colonnes à de « grandes signatures internationales ». En date du 12 mai 2006, Mario Monti apporte sa contribution dans un article au titre cinglant : « Oui, la France peut guérir de sa phobie antilibérale »

D’emblée, le diagnostic est clair : le marché, c’est la santé, sa critique une maladie. Devenu président dent de l’Université Bocconi, la grande école privée de commerce milanaise, l’ancien commissaire européen poursuit opiniâtrement sa croisade marchande. Sondage aidant, il nous explique que l’opinion publique française est la plus hostile à l’idée que « le système de libre entreprise et d’économie de marché est le meilleur pour l’avenir. » Seuls 36% de nos compatriotes souscrivent à cette assertion, contre 43% de Russes, 59% d’Italiens, 71% d’Etatsuniens et 74% de Chinois. Le fait appelle plusieurs questions de méthode. Les travaux de Noam Chomsky et de quelques autres nous en apprennent long sur la fabrication de l’opinion publique, dont Bourdieu considérait qu’elle n’existait pas, à parler rigoureusement. A supposer que quelque chose émane en réponse à cette question posée en des langues différentes, il est permis de faire l’hypothèse que les Chinois et les Français entendent la question différemment, au vu de leur histoire respective. Mais, en tentant de se placer dans une perspective scientifique s’affranchissant de toute « opinion », il convient de dire que cette question est idéologiquement utile mais proprement stupide. Il existe autant de marchés que de pays, de produits et de services. Le marché des armes n’est ni celui des matières premières, ni celui des capitaux, ni celui des primeurs. La « libre entreprise » n’est pas la même en Chine, aux Etats-Unis, au Nigéria ou au Japon. Quiconque a une légère idée de l’histoire de la pensée et des faits économiques sait que l’économie de marché est irréductible à l’économie marchande simple autant qu’au capitalisme de marché (expression utilisée à bon escient par Henry Kissinger et Pascal Lamy) Au surplus, comme ses compères, Monti confond libéralisme politique et libéralisme économique (Denis Collin (1) parle, à l’italienne, de « libérisme » pour désigner ce dernier )

En appeler aux mânes de Ludwig Erhard (l’expression « Soziale Marktwirtschaft » est de son collaborateur Alfred Müller-Armack) revient à sortir la notion de son contexte historique et social pour en faire un slogan, quoi que l’on pense, par ailleurs, de la notion. L’ordo-libéralisme a une longue histoire et le néo-libéralisme actuel n’est que l’un de ses avatars. L’économie sociale de marché allemande des années cinquante composait avec l’adversaire communiste et avec de puissants syndicats. Le modèle anglo-saxon n’est certes pas celui des années Wilson au Royaume-Uni. C’est le modèle Reagan-Thatcher expérimenté par Pinochet, grandeur nature, au Chili, dans le sang. La même année, en 1973, le remplacement du système monétaire de parités monétaires fixes par le système des changes flottants a alimenté les spéculations sur les marchés monétaires et financiers. Le Traité de Rome en appelait à un contexte d’inégalités restreintes, de banques centrales nationales, de mobilité sociale relative mais réelle. Le professeur Monti nous offre pour références Angela Merkel et Laurence Parisot, la patronne du MEDEF qui proteste contre la création de postes d’inspecteurs du travail, tant il est vrai que le marché du travail doit être géré par les seuls détenteurs de capitaux à rentabiliser au mieux, selon « la libre entreprise et l’économie de marché ».

N’allons pas reprocher à Mario Monti de ne pas avoir lu Fernand Braudel distinguant le marché du capitalisme : il a mieux à faire. Celles et ceux qui veulent éviter de prendre les vessies du capitalisme pour les lanternes du marché peuvent lire avec profit le livre de Keith Dixon (2) . Quant à moi, tout disposé à écouter des voix transalpines, je préfère à tout prendre au slogan de Monti le mot de Cavour : « L’économie politique est la science de l’amour de la patrie. ».

(1)Denis Collin, Revive la République !, Paris, Armand Colin, 2005, p.74.

(2)Keith Dixon, Les évangélistes du marché, raisons d’agir, 1998

Ancien Conseiller Régional Rhône-Alpes, Gabriel Galice est auteur du livre DU PEUPLE-NATION - essai sur le milieu national de peuples d’Europe, (Lyon, Mario Mella, 2002)


Commentaires

Brèves

22 septembre 2011 - Manifeste contre le dépouillement de l’école

A lire voire signer sur http://ecole.depouillee.free.fr Nous, collectif contre le (...)

20 avril 2010 - NON AUX RETOURS FORCES VERS L’AFGHANISTAN

A la suite du démantèlement du camp principal de Calais, le 22 septembre dernier, où résidaient (...)

31 juillet 2009 - PETITION POUR L’HOPITAL PUBLIC, A SIGNER ET FAIRE SIGNER

la pétition de défense de l’hôpital public, à faire signer au plus grand nombre possible (...)
https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18