TOUT SAVOIR (ou presque) SUR LA GAUCHE ALTERNATIVE AU LIBERALISME
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A gauche de la direction du Parti socialiste et de ses satellites, la campagne référendaire de 2005 a permis une convergence de plusieurs organisations politiques et de citoyens jusque là non engagés. Cette convergence a perduré et, suite à un appel à des candidatures unitaires antilibérales aux élections présidentielle et législative signé par des individus et des organisations, des collectifs locaux et une coordination nationale se sont mis en place. Dans beaucoup de cas, ces collectifs ont poursuivi l’action des « collectifs 29 mai » nés de la campagne référendaire. Cet ensemble avance, mais connaît aussi des difficultés. D’où l’utilité de faire le point.
Qui « converge » ?
Par rapport aux « collectifs 29 mai », certaines organisations ne se sont pas engagées en tant que telles, même si leurs militants demeurent en partie présents. C’est le cas des organisations syndicales, et notamment de SUD, très impliqué dans les collectifs 29 mai, et d’associations (ATTAC par exemple) qui n’ont pas pour objet des campagnes politiques.
D’autres ne sont représentées que par leurs « minorités » : c’est le cas de militants verts et de la LCR (qui est toutefois « observatrice » au niveau du collectif national). L’association Pour la République Sociale (PRS) animée notamment par le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, n’a pas signé l’appel en tant que telle, mais nombre de ses militants se retrouvent aux niveaux local et national.
Les organisations politiques « officiellement » signataires sont donc le Parti Communiste, les Alternatifs, le réseau Convergence Citoyenne, et la CNGR et le Mars, issus de la gauche républicaine. D’autres associations (le Cactus/La Gauche !, le collectif Ruptures...) participent à la coordination nationale, mais ne se revendiquent pas partis politiques. S’ajoutent à ces organisations les « minoritaires » cités précédemment et des « personnalités indépendantes », parmi lesquels José Bové, Claude Debons, Yves Salesse. S’ajoutent aussi, au niveau des collectifs locaux, de nombreux citoyens « non-encartés ». Au total, un peu plus de 300 collectifs locaux (le nombre augmente régulièrement).
Ce rapide état des lieux fait apparaître un premier fait : aux côtés du PCF et de ses 130 000 adhérents, les autres organisations pèsent peu, chacune ne rassemblant que quelques centaines, voire quelques dizaines de militants. L’entrée éventuelle dans la convergence de la LCR ne modifiera guère ce déséquilibre. En gros, le total des « autres » représente moins que le PCF de l’Ile de France ou du Nord-Pas de Calais. Il ne faut certes pas juger une organisation à la seule aune du nombre : la LCR, par exemple, exerce une influence politique nettement supérieure à ses bataillons militants. C’est aussi le cas, à un moindre degré, de PRS. C’est plus problématique pour les autres composantes, sauf leur respect. Atténuons aussi cette première inquiétude en considérant que le convergence de ces « forces » (parfois minimes, on l’a vu) est l’expression d’une diversité d’origines politiques qui enrichit les débats et les propositions.
Converger pour quoi faire ?
L’objectif à court terme est clair : élaborer ensemble un programme électoral défendu par un candidat commun à l’élection présidentielle et des candidatures communes aux élections législatives de 2007. Plus si affinités, élections municipales de 2008 par exemple ? Le sujet n’est à ce jour pas traité.
Si l’objectif est clair, il est néanmoins difficile à réaliser. Pour ce qui concerne le programme, la convergence dispose d’une base commune, validée y compris par la LCR et PRS, voire ATTAC et SUD : la Charte pour une alternative au libéralisme (c’est l’Cactus qu’a trouvé le nom) adoptée par les Collectifs du 29 mai. Un bon document, dont une version améliorée est en train d’être finalisée et qu’on trouvera prochainement sur notre site.
C’est à partir de ce document que le programme de la convergence s’élabore. Après des débuts difficiles dus à quelques problèmes de méthode et surtout à quelques chocs d’égos (hé oui, chez les antilibéraux aussi...), la dynamique est lancée. Le programme avance donc. Et les candidatures unitaires ? Là, c’est plus compliqué, et on y reviendra : au-delà même des questions de personnes, c’est une stratégie politique qui est aussi en cause.
Autre problème peu abordé : la convergence ne serait-elle qu’une sorte de cartel électoral, ou bien est-elle le creuset d’une nouvelle force politique ? Le Cactus/La Gauche !, et quelques autres, ont tenté de lancer la discussion en faveur de la seconde hypothèse, avec un succès mitigé : les « orgas » ne semblent guère prêtes à se fondre dans un vaste rassemblement. Et plus elles sont microscopiques, plus elles tiennent à leur survie. Les esprits évolueront peut-être : souhaitons-le car il nous paraît difficile de vouloir apporter un souffle nouveau dans le vie politique française sans se doter d’un outil politique lui aussi nouveau.
Les divergences stratégiques
On commence à bien connaître la principale, qui oppose la LCR au PCF, et qui concerne les alliances à gauche. En gros, quelle attitude avoir envers le PS et ses satellites ? Pour nous, les choses nous paraissent claires, mais nous nous sentons parfois bien seuls dans ce cas. Enumérons donc les hypothèses, qui ne sont pas si nombreuses, concernant les suites politiques des échéances électorales : cinq cas de figure.
Le premier est le plus simple et le moins désirable : la victoire de la droite. Dans ce cas, les élus « convergents » joueront pleinement leur rôle d’opposition. Le second est simple aussi, fortement désirable, mais, convenons-en, fortement improbable, même en cas de victoire à l’élection présidentielle : la gauche antilibérale gagne et obtient la majorité absolue à l’assemblée nationale, elle applique donc son programme. Il se trouvera sans doute dans ce cas quelques barons du PS qui se découvriront soudain une âme de farouche résistant de toujours au libéralisme dans l’espoir d’un portefeuille, mais c’est du folklore. Troisième hypothèse, pas très compliquée, pas follement désirable : le PS et ses amis gagnent avec une majorité absolue à l’Assemblée. Les élus « convergents » pourraient alors appuyer les propositions qui vont dans le sens de leur programme, et s’opposer aux autres.
En fait, comme dans les romans à suspense, c’est à la fin que les choses se compliquent. Si le PS gagne sans majorité absolue et a besoin des voix des élus « convergents », que se passe-t-il ? Pour nous, l’attitude doit être la même que dans le cas précédent : ils appuient les propositions qui vont dans le bon sens et refusent les autres, avec en prime la possibilité de faire pression pour obtenir davantage de « bonnes » décisions. C’est dans ce cas que la LCR pose la question au PCF : participe-t-on au gouvernement ? Non, répond le PCF, et le Cactus avec, si le social-libéralisme est la philosophie de ce gouvernement. Contente, la LCR ? Pas vraiment, c’est qu’il sont méfiants ces gens-là : pourquoi, disent-ils au PCF, imaginer que la politique d’un PS au gouvernement serait autre chose que le social-libéralisme, hein, on les connaît, les soces, on les a vus à l’œuvre depuis vingt ans, et ça ne s’arrange pas avec les Royal, Strauss-Sinclair et tutti quanti. N’injurions pas l’avenir, répond le PCF, sans à vrai dire pousser plus loin le discours. On va le faire pour lui, nous qui n’avons plus de pudeurs de jeunes gens : il est, peut-être, qui sait, possible de créer un rapport de forces dans l’ensemble de la gauche, le PS n’est pas si homogène qu’on le croit. Bon, peut-être, qui sait, mais la gauche du PS, de ce qu’on en connait, n’aura pas beaucoup d’élus, vu que la plupart de ses impétrants à une candidature législative se sont fait bouler dans les procédures internes de désignation. Bref, le PCF n’a pas tort sur le fond, la LCR n’a pas tort sur la forme. On en est là et la discussion continue, lentement. Ajoutons pour être plus complet que la LCR soupçonne aussi le PCF de négocier des accords au moins ponctuels (du genre je vote ta loi vaseuse si tu votes la mienne qui est du nanan). Méfiants, on vous dit.
La cinquième hypothèse est aussi compliquée : quid si les « convergents » gagnent mais sans majorité absolue. Accord avec le PS ou pas ? Non, semble dire la LCR. Va bien falloir, paraît dire le PCF, sinon le gouvernement tombe tout de suite, et tous les espoirs populaires avec. N’injurions donc pas l’avenir. Pour ce coup, en tant qu’arbitre réputé pour son inflexible indépendance, le Cactus donne raison au PCF. N’injurions pas l’avenir, on disait. Naturellement, il faut que l’accord éventuel ne dénature pas le projet. Mais quelque chose nous dit que les dirigeants socialistes seraient dans ce cas de figure étonnamment flexibles. Dans ce sens comme dans d’autres.
La et les candidatures
Une première difficulté pour un-e éventuel-le candidat-e consistera à expliquer aux foules qu’il sera le/la dernier-e président-e à être élu au suffrage universel, puisque le programme en cours d’élaboration prévoit d’en finir avec le système monarchique de la 5e République. Pas si simple mais passons. Pour en rester, momentanément, à l’élection présidentielle, on sait que la gauche antilibérale a pour le moment trois candidats putatifs (on ne compte pas Arlette, qui fait comme d’hab’ cavalière seule) : un candidat désigné par son orga (la LCR) mais rétractable, Olivier Besancenot, un candidat « disponible », José Bové, une candidate « proposée par son orga (le PCF), Marie-George Buffet. C’est moins que les prétendants du PS, c’est quand même deux de trop.
Les enjeux pour les uns et les autres sont de natures différentes. La LCR peut faire le pari que la notoriété, la bonne image, et le réel talent, de son candidat peuvent le conduire à faire un score proche de celui obtenu voici cinq ans. Une candidature Besancenot en solo ne serait alors pas une catastrophe du point de vue boutiquier de la Ligue. José Bové, qui n’est pour l’instant soutenu, au niveau des « forces organisées », que par les Alternatifs et une minorité des Verts et de Convergence Citoyenne, ce qui ne fait pas grand monde, a, lui, un besoin vital d’une candidature unique. Un éparpillement le condamnerait à une éventuelle candidature de témoignage, plutôt négative pour ce qu’il représente dans l’opinion. Le PCF, quant à lui, peut difficilement se permettre une candidature isolée qui pourrait le conduire à un score marginal, comme ce fut le cas en 2002. Il a donc lui aussi besoin d’unité. Pas si étonnant, donc, que la LCR soit en retrait dans les avancées unitaires.
Supposons, optimistes que nous sommes, que tout le monde veuille sincèrement une candidature unitaire. Comment choisir entre ces trois figures respectables, ou une autre le cas échéant ? On proposerait bien une partie de 421, mais on va encore nous accuser d’être légers sur des sujets graves.
Les propositions de procédures de choix ne sont pas abondantes, on peut donc en faire l’inventaire. La Gauche républicaine et le Mars, les deux plus petites organisations signataires, ont proposé de commencer par la désignation des candidats aux législatives. Ces candidats se réuniraient alors pour désigner leur candidat à la présidentielle. Pas bête apparemment, et servant au passage les intérêts des deux organisations, qui ont comme objectif d’obtenir quelques investitures pour leurs animateurs, objectif bien compréhensible au demeurant. Deux petits problèmes cependant : un, les collectifs locaux sont loin de couvrir toutes les circonscriptions, même si on peut penser que cela viendra (mais quand ?). Deux, la prépondérance numérique du PCF sera telle dans les comités que même si le PCF a l’intelligence (et gageons qu’il l’aura) ne pas truster les investitures, cela donnera a priori une majorité assez confortable à Marie-George. Pourquoi pas, mais on ne sait pas si Olivier et José l’entendront de cette oreille.
Autre proposition, notamment avancée par le PCF et Convergence Citoyenne : élaborons des critères, et voyons qui y répondra le mieux. Jeu périlleux. Convergence Citoyenne a défouraillé en premier en clamant haut et fort que le ou la candidat-e ne saurai être le responsable d’un parti politique. Exit alors Marie-George et Olivier, qu’est-ce qui reste. Jeu vain : il faut un candidat ayant une notoriété nationale (comme les trois), plutôt une femme, comme Marie-Georges, plutôt jeune, comme Olivier (ou Clémentine Autain, parfois citée), émanant de la société civile, comme José, soutenu par une grande organisation, comme Marie-George, sensible à l’écologie, comme José, bon débatteur, comme Olivier, pourquoi pas emblématique des « minorités visibles, comme Christiane Taubira (mais elle n’a pas rejoint le club). Bref, un mouton à cinq pattes (mais courageux comme un lion).
Enfin, certains, dont José Bové, ont proposé l’organisation d’une primaire, ouverte à tout citoyen qui signerait l’appel à des candidatures unitaires alternatives au libéralisme. Pas si simple à mettre en œuvre, l’idée a au moins un avantage : son impact médiatique serait sans doute important, et l’impact médiatique de la gauche antilibérale est l’un de ses talons d’Achille. Cela vaut donc la peine de creuser la question.
Quelle que soit la procédure choisie ou subie (ce peut-être aussi un arrangement entre caciques des partis), le candidat devra être accepté et par les organisations et par les collectifs. Là-dessus, au moins, tout le monde est d’accord.
La désignation des candidats aux législatives procède du même ordre : certes, les collectifs doivent y être impliqués, mais la diversité des origines politiques des uns et des autres doit être assurée. Comme d’habitude dans ce genre de sport, de belles batailles de chiffonniers et de longues séances d’arbitrage sont à prévoir. Mais c’est le lot commun des procédures électorales.
Nous venons de le voir, la construction d’une nouvelle force politique se heurte à de nombreux obstacles. Ce n’est pas une surprise. Mais le jeu en vaut la chandelle. Car derrière ces questions, parfois graves, parfois puériles, où les ambitions pointent ça et là, où les pesanteurs du passé demeurent lourdes, où les enthousiasmes conduisent parfois à des cafouillages, c’est le renouveau d’un projet politique émancipateur qui est en jeu. Et c’est important pour nos concitoyens, et ce serait bien, ce serait nécessaire qu’ils s’y impliquent. Un dernier problème, sémantique : la gauche en construction n’a pas de nom. Les socio-libéraux ont vidé le beau mot de socialisme de son contenu. Et le petit père des peuples et ses acolytes ont fait de même pour le communisme. Alors, comment qu’on s’appelle ? Que celles et ceux qui ont une idée nous écrivent, ils ont (peut-être) gagné.
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