DU SIECLE DES LUMIERES A CELUI DES ILLUMINES
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Le siècle des Lumières a succédé à de longues ténébres dominées par la croyance. L’émergence de l’esprit critique, du libre arbitre, de la raison tendait à distendre les liens qui entravaient l’Homme dans les rets du symbolique et du mystique. Les textes fondateurs, dont certains passages sont admirables, avaient été interpretés dans l’intérêt du moment et au profit de quelques uns. Ce passage du merveilleux au réel se fit dans la douleur, comme un enfantement, une naissance. Les plus audacieux annoncèrent la mort de Dieu afin de dégager un espace qui permette une vie en société plus harmonieuse et, tout compte fait, moins belliqueuse.
Bien malheureusement, ni dieu ni Dieu n’étaient tout à fait morts. Pour les uns, ils représentaient l’ultime refuge, celui qui s’offre lorsqu’il n’y a plus d’autre issue, le sacré qui délivre d’une extrême détresse, d’une absolue désespérance. Pour les autres, c’était un moyen de coaliser les forces et les énergies pour réussir à conserver les multiples privilèges qu’ils avaient acquis souvent grâce à la brutalité, la sauvagerie. Les plus conscients n’étaient que cyniques, les pires étaient sincères.
Vint alors l’heure des illuminés pour qui le doute n’est pas seulement suspect mais interdit. Il n’est pas nécessaire de faire des classes ou des catégories par nation ou continent. Il est superflu de tenter de démêler leurs différences : ce qu’ils ont en commun est bien plus fort que ce qui les distingue les uns des autres : ils sont animés par la foi, inébranlable, incontournable, inévitable, incontestable. La foi d’avoir raison, la foi d’être animé par des valeurs d’autant plus intangibles qu’elles ne proviennent pas de la raison mais de forces supérieures, transcendantales, sublimes. Rien ni personne ne peut les remettre en cause sans risquer au mieux la marginalisation, au pire l’exposition aux plus atroces supplices. Ce mécanisme qui s’exprime avec une acuité chaque jour plus grande n’est que la résurgence de phénoménes anciens et identiques. Dieu renaît avec son cortège de haines,de violences, de massacres et par dessus tout de mépris. Mépris de l’autre, du non-semblable ; mépris non seulement de ses coutumes ou de sa culture mais refus même de vivre à ses côtés. Il faut pour le moins vaincre les différences ou, mieux encore, anéantir ceux qui les représentent.
Les théocraties guerrières pullulent sous des noms différents. Certains, les plus habiles ou les plus dénués de tout scrupule, appellent même certaines de celles-ci des démocraties. Ces dernières se caractérisent par un rituel purificateur : celui qui bénéficie d’une majorité de suffrages devient légitime, même si d’immenses moyens de conditionnement ont été mis en oeuvre pour obtenir ce résultat, même si la devise qui les fonde (Liberté, Egalité, Fraternité) est bafouée à chaque instant et détournée pour en faire des instruments légitimant le pouvoir, même si la torture morale mais aussi physique est remise à l’ordre du jour, même si on flatte les instincts les plus bas pour obtenir ce résultat... Rien n’arrête des gens avides de pouvoir qui ne font que transposer dans le domaine séculier le couple dominant-dominé qui régit les interactions entre les dieux et leurs peuples. Il n’y a pas de différence de nature entre la fascination pulsionnelle entre un Homme politique et ses électeurs qui n’est plus basée sur l’analyse, la réflexion, la critique et la ferveur de serviteurs de dieux certes plus lointains et immatériels mais dont l’existence ne se justifie que par le désir de domination des uns sur les autres.
La laïcité elle-même est devenue inefficace pour extirper les divers processus aliénants l’Homme aux dieux. La séparation d’une sphère privée d’une autre publique, ce qui est une revendication minimale d’une société délivrée d’une partie de ses instincts et de ses peurs existentielles, n’est plus suffisante pour se débarrasser de cette chape mystico-politique qui permet tout, y compris l’inacceptable. Il faut tuer dieu pour permettre la résurrection du raisonnable. Un moyen efficace d’aller dans cette direction, c’est de faire en sorte que la « possession » de biens matériels- qui se traduit bien vite en une notion de « Bien » pour faire accepter cet accaparement par une minorité- soit devenue plus difficile voire impossible. Non pas par la mise en place de divers moyens coercitifs, mais par l’établissement d’un monde technologiquement différent, celui des énergies dites douces. L’énergie solaire est presque parfaitement distribuée, les moyens techniques pour l’utiliser sont à la portée de tous. Il serait ainsi possible de gommer ou du moins d’atténuer les relations dominant dominé...Dieu serait alors définitivement mort faute d’objet de domination !
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