SEGOLENE ET LA GAUCHE AMERICAINE
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La candidature de Mme Royal s’inscrit dans un contexte de modifications internes au Parti socialiste français et d’une normalisation dans le cadre de la social-démocratie européenne du principal parti de la gauche réformiste en France.
Il faut la relier à la campagne d’adhésions de ces adhérents à 20 €, qui devaient décider du projet socialiste et n’ont fait qu’avaliser pour 10 % d’entre eux des propositions vagues élaborées plus au sommet que dans les forums. N’était-ce qu’une campagne d’agitation, « d’agit-prop ! ». Ces sympathisants ont adhérer provisoirement (85 000) parce qu’ils pensaient pouvoir influer sur la désignation du candidat. Mais on constate que le vote est déjà mis sous influence pour que la candidate soit la seule en lice, les sondages l’ayant désignée par avance. Or les militants socialistes, par le passé, ont toujours désigné le candidat dominant issu des sondages...
La tentative d’organiser des primaires à gauche pour désigner un candidat commun relève de la même tentative de transformation du PS en un mouvement démocrate-social assez large, sans idéologie de classe. Le clan de la direction hollandaise a un projet, pas celui de la gauche, celui de transformer le PS en un parti de supporters, à défaut d’être un parti populaire de masse - ce qu’il n’a jamais été depuis la création du PSU (SFIO) en 1905 par Jean Jaurès. Il n’a jamais eu de véritable base ouvrière sauf dans le Nord et le Sud (socialisme municipal). Il était le parti laïc et socialiste, héritier de la tradition républicaine du radicalisme. Il est aujourd’hui un parti des couches moyennes réformistes de gauche, de type électoraliste, dominé par des notables élus et leurs affidés présents dans l’appareil. « Le militant politique serait devenu superflu, et même encombrant...avec l’effondrement des grandes idéologies messianiques du siècle dernier et l’avènement de la société d’hyperconsommation » (Henri Weber, secrétaire national du PS et partisan de Laurent Fabius in Le Monde du 22/08 06)
C’est François Rebsamen*, le puissant secrétaire aux fédérations et à la coordination, qui est le véritable maître d’œuvre ce cette transformation du PS en en parti démocrate à l’américaine. Il veut étendre l’influence du PS sur l’ensemble du centre et de la gauche réformiste et repousser les tendances de la Gauche antilibérale à l’extérieur du parti pour la radicaliser et la marginaliser. C’est la signification du ralliement d’Arnaud Montebourg à la candidature Royal : il pense ainsi échapper à l’isolement où il était réduit depuis son refus de voter la synthèse au congrès du Mans. Il n’avait pas compris alors que dans la synthèse il fallait : où tout le monde ou personne de l’opposition antilibérale (NPS, Trait d’Union, Fabius, Force Militante). C’est ce qu’avaient fait avant lui, Jean-Luc Mélanchon, Fabius, puis Emmanuelli, en signant. Il aurait mieux valu pour ces socialistes que pas grand chose ne séparaient idéologiquement - or des inimitiés - qu’ils s’unissent pour présenter un front dynamique face aux partisans de l’orientation sociale libérale.
Ségolène
Elle a voulu contourner le parti en s’adressant directement à l’électorat car elle ne disposait pas d’une base et de relais solides à l’intérieur de l’appareil. En respectant les procédures habituelles, elle savait ne pas pouvoir parvenir à s’imposer face à ceux qiui sont qualifiés d’éléphants et qui disposent d’écuries présidentielles depuis longtemps. Le PS est déjà organisé en fonction de la compétition pour gagner cette élection dont dépend tout le système politique français : une monarchie élective.
Elle flatte donc l’électorat populaire par des propositions populistes sur les insécurités :
la politique sécuritaire, point faible de la Gauche dans l’opinion publique, en chassant sur le terrain traditionnel de la Droite et de l’extrême-droite, proposant des mesures iconoclastes : la militarisation du « redressement », de la rééducation de la jeunesse délinquante.
la précarité en critiquant - à juste titre d’ailleurs - l’application de la loi Aubry sur les 35 heures, qui a précarisé davantage les classes populaires et limiter leur pouvoir d’achat alors qu’elle profitait aux cadres moyens (à juste titre aussi) et aux salariés des grandes entreprises où les syndicats étaient suffisamment puissants.
Deux thèmes qui touchent l’électorat populaire qui avait fait défaut à Jospin en 2002.
Elle emploie un langage qui ressemble à un parler vrai alors qu’elle ne dit rien que des banalités par ailleurs, Ce sont les seules mesures concrètes et précises qu’elle a proposées. Les autres thèmes restent flou et généraux, Elle ne fait pas de promesse, ne propose pas un catalogue de mesures. Comme cela, elle n’aura aucun mal à les tenir et peut se targuer de ne pas en faire. Elle se contente de thèmes vagues et dépourvus d’idéologie. Les choix ne sont plus sur le type de société, le libéralisme étant admis comme indépassable, mais portent sur l’adaptation au système pour en corriger les aspects les plus gênants.
Face à cette remise en cause des principes du socialisme, la vieille garde laïque et républicaine a réagi et tente d’opérer un regroupement autour de Jospin, proposé comme l’antidote à la déstructuration ségoliste et offre de rassembler toute la Gauche traditionnelle dans une nouvelle version de la défunte gauche plurielle.
François Rebsamen, en demandant aux candidats du magma majoritaire de se désister, a voulu contrer une conjonction des écuries présidentielles autour de Jospin. Elles tenaient les réseaux de l’appareil, or ce sont les militants qui désignent le candidat, pas l’électeur (d’où la tentative qui a échoué de faire désigner le candidat par une primaire). Nous assistons donc aussi à une bataille pour le contrôle du réseau électoral de l’appareil, C’est pourquoi nombre de cadres et d’élus viennent d’annoncer leur ralliement à Ségolène. Ce qui provoque un certain affolement chez tous ceux qui n’on pas réussi à percer l’armure étincelante de la nouvelle Jeanne d’Arc. Ségolène risque de devenir incontournable.
Mais que fait la Gauche antilibérale ?
Elle semble inaudible et invisible. L’examen des sondages par catégorie indique que Ségolène bénéficie d’un réel vote populaire et d’un potentiel électoral de 63 % pour une intention de vote de 28 % au 1° tour contre Sarkosy ( 37 % contre De Villepin)*. Bayrou stagne à 6% ; ce qui montre qu’elle prend aussi une part importante de cet électorat centriste. Les candidats de la Gauche Antilibérale ne totalisent que 10 % des intentions de vote (+ 4 % pour Arlette).
Il devient urgent que cette gauche - qui ne se limite pas au PCF, aux petits partis trotskiytes et aux associations républicaines et altermondialistes, car la ligne unitaire antilibérale traverse toutes les formations de la Gauche - désigne un candidat unique accompagné de porte-paroles représentant les composantes principales du Mouvement : Marie-Georges, Olivier, José, Clémentine Autain, Claude Debons et s’adresse au pays en lui proposant la charte élaborée en commun, pour populariser un projet sociétale fondé sur d’autres rapports humains, économiques, sociaux, environnementaux et qui constituent de vrais choix citoyens pour l’avenir de notre République. Le candidat à la présidentielle doit pouvoir mobiliser au moins tous ceux qui se sont prononcés pour le Non de Gauche au référendum sur le TCE et au-delà tous ceux qui ne veulent pas de l’accomdement au libéralisme. La question est :
Qui peut mobiliser les classes populaires au-delà de l’électorat des candidats dispersé de cette gauche antilibérale ?
Olivier Besancenot (5 %, l’extrême gauche progresse de 3% par rapport à 2001 alors que la gauche parlementaire régresse de 7 %) ? Marie-Georges Buffet (3%) ?José Bové (3 %) ? Arlette Laguiller (4 %) ?**
Mais tout cela n’est pas significatif tant que ne peut pas être vraiment mesuré l’impact d’un candidat unique de la Gauche antilbérale. Olivier représente le meilleur score , mais est-il le plus représentatif de l’ensemble du mouvement ? José peut-il mobiliser en dehors de l’écologie et d’une partie du monde altermondialiste ? Marie-Georges vaut certainement mieux que les 2 % qui lui sont attribués. Elle peut mobiliser les classes populaires actuellement tournées vers Ségolène, mais elle a l’inconvénient de représenter un parti qui n’est pas rassembleur de l’ensemble, un parti qui sera jugé concurrent des autres formations. A moins peut-être de démissionner de sa responsabilité de secrétaire générale du PCF,,, Clémentine Autain est un point d’interrogation car elle n’est pas très connue..Elle est jeune, femme, et elle peut médiatiquement concurrencer Ségolène sur ce terrain, et plus avantageusement sur celui des idées, mobiliser l’écologie, la mouvance altermondialiste, l’électorat communiste, mais sera t-elle crédible auprès des classes populaires ?
Car ce qui sera décisif, pour l’Union et pour battre la Droite au second tour, c’est cela : la capacité de mobilisation de l’électorat populaire, rassembler et unir la Gauche sur cette base pour proposer une véritable alternative d’une société qui produit autrement pour consommer mieux et différemment, une autre France possible dans une autre Europe et un autre monde possible. La création d’une force politique nouvelle qui transcende les partis traditionnels et rassemble au-delà sur une ligne républicaine, sociale et antilibérale, apparaît plus que jamais nécessaire pour réaliser cet objectif.
*Francois Rebsamen met en oeuvre au niveau national ce qu’il exprimait dans la section de Dijon dont il était secrétaire quant à la politique sur la sécurité et l’immigration et les idées qu’il développait sur sa conception du Parti. Il a particulièrement bien réussi à Dijon en éliminant la Gauche alternative socialiste, les « poperénistes » (Marie -Thérèse Mutin et ses camarades exclus), puis en marginalisant ce qu’il en restait. Il a élargi par ses réseaux l’influence du Ps local aux milieux centristes, en les récupérant après avoir gagné intelligemment les municipales de Dijon. Les effectifs de la section de Dijon sont passés de 130 à plus de 400 après les municipales, la transformant en une organisation de « clients » plus que d’adhérents...
**IPSOS, sondage du 22/08/06 et Philippe Hubert
Allain Graux est président de PRS 21
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