LUNDI 7 MAI 2007 . . . Une fiction électorale
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Lundi 7 mai 2007, huit heures du matin. C’est enfin terminé. J’ai gagné. Je suis Président de la République. Depuis plus de vingt ans, je me bats pour obtenir ce résultat. Ce fut difficile. J’ai bien cru, à certains moments, que je n’y parviendrais pas, mais je ne me suis jamais découragé, j’ai toujours été persuadé que j’étais, sinon le meilleur, au moins le plus rusé. Dans quelques heures je vais pouvoir parcourir la presse et lire ce que les commentateurs politiques pensent de cette victoire, victoire obtenue sur le fil, avec une seule voix d’avance !
Mon adversaire n’a sans doute pas encore accepté sa défaite. Il va exiger qu’on recompte une nouvelle fois les bulletins. Cela a déjà été fait à trois reprises. Le Conseil Constitutionnel va prendre tout son temps pour officialiser le résultat. Une voix d’avance, je l’ai échappé belle ! Heureusement qu’au dernier moment j’ai décidé de voter pour moi. Si ce n’avait pas été le cas, il aurait fallu refaire le second tour des présidentielles.
La campagne électorale fut longue, trop longue. Depuis des mois que je suis sur le terrain ! Et ces sondages, d’abord excellents, puis en baisse au fur et à mesure que le temps passait . . . jusqu’à cette égalité parfaite à la veille du scrutin et l’impossibilité pour les télévisions et les radios d’annoncer le vainqueur à 20 heures. Il a fallu attendre le tout dernier bulletin du dernier bureau de vote pour pronostiquer ma victoire ; il était une heure du matin !
Et, ensuite, recompter, recompter encore . . . A plusieurs reprises, mon adversaire fut annoncé gagnant, puis ce fut moi. Enfin, le dernier flash est tombé : j’ai gagné avec une voix d’avance !
Ce résultat ne m’a pas été donné, il m’a fallu de la constance, de la patience, de la rage, une volonté de fer pour aller jusqu’au bout et barrer la route à mes concurrents qui ne manquaient pas, dans mon propre camp. La plupart n’ont d’ailleurs pas dû me donner leur voix, même ceux à qui j’ai promis un poste de premier plan dans le gouvernement que je nommerai. Ils voulaient tous être Premier Ministre, ou Ministre des Affaires Etrangères, ou Ministre de l’Intérieur ou encore Ministre de la Défense. De toutes façons, compte tenu du résultat très serré, je ne tiendrai aucune de mes promesses. Ils en seront pour leurs frais !
Je prépare une surprise de taille. Toutes les hypothèses vont être balayées. Les analystes politiques, une fois de plus, vont être pris en défaut. J’ai bien réfléchi, j’ai pesé le pour et le contre, mais ma décision est prise, je vais nommer Premier Ministre, mon adversaire malheureux aux présidentielles...
Elle est bien, cette femme que je viens de battre et que j’ai pu apprécier tout au long de cette campagne. Le dernier « Face à Face » télévisé, notamment, huit jours avant le scrutin, m’a convaincu de sa compétence, de la sûreté de ses analyses, de sa parfaite connaissance des dossiers et . . . de son charme tout à fait particulier. J’ai été secoué par ce qui s’est passé au cours de ce débat. J’étais subjugué par son regard, envoûté par le son de sa voix, en un mot j’ai eu le coup de foudre et j’en suis tombé fou amoureux. La meilleure façon que j’ai trouvée pour qu’on ne se quitte plus, c’est de la nommer à « Matignon », pour le meilleur et pour le pire.
Dring ... Dring ... Dring ... Dring ... Dring ...
Que se passe-t-il ? C’est ce foutu téléphone qui n’arrête pas de sonner. Je me réveille d’un profond sommeil ... La nuit a été courte. Nous sommes aujourd’hui le 7 mai 2010. Je viens, en fait, d’être nommé Premier Ministre et la personne qui est à l’autre bout du fil, c’est le Chef de l’Etat, ma femme !
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