L’ « ALTER-AMERIQUE » EN MARCHE
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La confrontation bipolaire avait fait de Cuba et des maquis révolutionnaires latino-américains les avants postes de Moscou face à Washington. Cette dualité avait trouvé son paroxysme lors de la crise des missiles en 1962.
Près d’un demi-siècle plus tard, les fils spirituels de Castro se nomment Hugo Chavez, Daniel Ortega, Evo Morales, Rafael Correa, chefs d’Etat désormais unis par un anti-américanisme revendiqué. Bien que plus modérés dans leur critique vis-à-vis des velléités libérales nord-américaines, les présidents brésilien Lus Ignacio Lula da Silva, chilien Michelle Bachelet et argentin Nestor Kirchner les rejoignent dans leur combat pour une autre Amérique...
Révolutionnaires, nationalistes populistes, opposants politiques brimés par les dictatures militaires des années 80, multiculturalistes soucieux de la reconnaissance des droits des groupes ethniques lésés, tous ont en commun une nette volonté de faire du continent latino-américain un front altermondialiste, anxieux de lutter contre les excès du capitalisme sauvage.
D’une certaine façon, nous assistons là à une forme nouvelle de « non-alignement » sous la forme d’un nouveau bloc de puissance, comme le récent Sommet de La Havane l’a indiqué et comme l’officialisent les visites fréquentes de l’Iran sur le continent, l’intérêt croissant de la Chine pour la région, les contacts pris avec certains pays du Golfe et les positions défendues en commun au sein des instances internationales, comme on a pu le constater au dernier Sommet de l’OMC ayant conduit à son échec...
C’est ainsi que cette coalition progressiste, aux desseins certes hétéroclites, forme un nouveau front qui n’est pas sans rappeler ce qu’était Cuba dans la guerre froide. C’est particulièrement vrai pour le Venezuela, qui a décidé d’expulser l’ambassadeur américain, qui dénonçait le rapprochement avec l’Iran et critiquait l’achat d’armes légères à la Russie et d’avions au Brésil.
De ce point de vue la richesse énergétique est une arme de destruction massive que n’hésitent plus à brandir les leaders au pouvoir de la gauche latino, comme l’a rappelé Hugo Chavez à Mahmoud Ahmadinejad, de passage à Caracas, tous deux soucieux d’élargir aux 500 millions de sud-américains le front contre « l’agression impérialiste et les visions hégémoniques de l’empire US ».
Ainsi, la volonté d’unir davantage les régimes de gauche du Cône Sud contre le carré Nord a trouvé dans l’idée du « pan-américanisme » chère à Simón Bolivar, à travers le renforcement du Mercosur, aux dépens de la ZLEA, tendant vers un marché commun des Amériques, une nouvelle forme d’expression économique et démocratique qui accrédite la thèse selon laquelle la diplomatie américaine a perdu l’initiative dans la région et ce d’abord par les urnes, comme cela s’est encore confirmé au Nicaragua en novembre dernier...
Emmanuel Dupuy est président de l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (IPSE) et consultant CI2S
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