REPENSER, RASSEMBLER, RENOUVELER LA GAUCHE

Par Jean-Michel Arberet
samedi 11 août 2007
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Repenser, rassembler, renouveler la gauche, telle est la proposition qu’ont présentée quelques membres du Parti socialiste dans une tribune publiée dans le Monde daté du 5 juillet. La proposition est ambitieuse et semble porteuse d’espoir, cette tribune précisant ; "La gauche doit être fière de son identité et de ses valeurs. Face à une droite décomplexée, la gauche ne doit pas s’excuser d’être la gauche et doit proposer un projet de société alternatif, crédible et ambitieux".

Certains points mériteraient certes d’être approfondis, notamment la référence à la logique du quinquennat et l’hyper-présidentialisme, en analysant les conséquences à venir ainsi que les modalités de mise en œuvre de la constitution de la Vème République par les présidents successifs, y compris François Mitterrand qui ont conduit à la modification constitutionnelle. Mais la principale question n’est pas là.

Dans le début du texte figure une référence à Gramsci sur la crise, moment auquel le monde ancien disparaît tandis que le monde nouveau peine à naître. Cette référence semble de bon augure pour la suite, même si citer Gramsci ou Guy Debord semble très en vogue. Mais hélas, ensuite les choses de gâtent. Si, comme les auteurs le précisent dans le premier paragraphe "Cette profonde rénovation doit être un processus maîtrisé, une oeuvre collective, un débat libre" : pourquoi évacuer si vite la question du sens du "réformisme assumé et résolument ancré à gauche" et se contenter d’affirmer "Depuis longtemps, les socialistes ont accepté le cadre de l’économie de marché... la concurrence entre la social-démocratie et le socialisme intransigeant semble anachronique, et ne correspondre ni aux réalités ni aux besoins de notre pays" ?

Refonder la gauche, oui, mais interrogeons nous sur le sens que nous donnons aux mots que nous employons. Qu’est ce que la gauche aujourd’hui ? La gauche peut-elle se contenter de se définir par auto proclamation ou par positionnement par rapport à la droite ? L’opposition gauche-droite perd de la visibilité et de la crédibilité. Mais pourquoi s’étonner aujourd’hui de l’entrée de Bernard Kouchner dans le gouvernement de François Fillon ? En 1988 il était membre du gouvernement de Michel Rocard a coté de Michel Durafour, Lionel Stoleru, Olivier Stirn tous trois ayant été membres des gouvernements Chirac ou Barre. Ce flou sur la séparation gauche-droite est présent aussi dans ce texte dont les auteurs affirment qu’il est « indispensable de convaincre les électeurs progressistes du centre de nous rejoindre, en s’adressant directement à eux plutôt qu’aux états-majors du MoDem ».

Rassembler la gauche, mais à quel prix ? Ce rassemblement doit-il se construire sur un calcul électoral d’addition de voix d’un premier tour d’une élection présidentielle dominée par l’absence de débats de fonds et la nécessité, l’impératif démocratique, du vote utile ?

Comment définir la gauche, avant d’envisager de la rassembler ? Le monde nouveau peut il se penser avec les mots du monde ancien qui disparait ? Le parti socialiste revendique 100 ans d’histoire, depuis la création de la SFIO en 1905 qui était née, ne l’oublions pas d’une volonté de rassembler la gauche.

L’assise idéologique de la SFIO est clairement révolutionnaire et marxiste : "un parti de lutte de classe et de révolution" qui ne renonce pas, néanmoins, à "la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière". Le changement de vocabulaire en un siècle est saisissant. Mais traduit-il un changement de réalité sociale ? La disparition de la référence à la lutte des classes signifie-t-elle la disparition des classes ou la disparition de la lutte ? Si les ouvriers sont proportionnellement moins nombreux, de nouvelles "catégories sociales" sont apparues, se sont développées : employés, agent d’encadrement, mais aussi et de plus en plus largement, précaires ou exclus de l’emploi. Ne devons nous pas nous interroger sur les réformes immédiates qu’ils revendiquent et sur celles qu’ils devraient revendiquer ?

Le choix des mots employés n’est pas une question de style, mais correspond à des choix politiques de fonds. Ne pas nommer un concept revient très vite à nier l’existence de la réalité qu’il décrit. Un parti de lutte de classes n’est pas identique à un parti qui "doit permettre aux individus de mieux vivre ensemble dans la société française" comme le propose le texte du 5 juillet. Certains vont vivre mieux dans la société avec la mise en œuvre des mesures annoncées par Nicolas Sarkozy. Mieux vivre ensemble, certes mais il est impératif de préciser à qui la gauche s’adresse, et qui a besoin dans l’urgence de mieux vivre. Il y a un siècle la réponse était claire la gauche s’adressait au prolétariat pour construire un monde meilleur. Le prolétariat aurait-il disparu aujourd’hui ? Refonder la gauche, oui, mais une refondation politique et théorique sur des bases claires.


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