LE MONDE SELON WASP

Par Jacques-Robert Simon
jeudi 27 décembre 2007
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Lorsqu’il est né, son père ne se décidait pas pour choisir un prénom. Lorsqu’il le prenait dans ses bras, il n’entendait qu’un son rauque et indistinct...wasp, wasp...wasp. Il décida donc de le prénommer Wasp.

Les premiers pas de Wasp furent accompagnés de ses premiers combats. Des indigènes, sans foi ni loi, chassaient sur des prairies que lui et ses amis convoitaient. Wasp fera alors sa première invention : le génocide. Si deux peuples vivent sur un même territoire et s’ils veulent chacun conserver leurs différences, soit qu’ils établissent un contrat social, soit qu’un des groupes extermine l’autre jusqu’au dernier de ses membres. Wasp, qui avait l’esprit pratique, prit de suite la seconde solution. D’immenses territoires lui furent ainsi donnés par l’Eternel. Car Wasp ne pouvait pas penser que tout ce qui arrivait ne fût pas décidé par un Etre suprême. Il n’était que l’exécuteur d’une Œuvre qui le dépassait. Miraculeusement, les desseins divins étaient toujours conformes à ses intérêts les plus immédiats. Ce qui fait qu’aucun problème métaphysique ne l’effleura jamais.

Wasp fit dans le même temps sa plus grande découverte : l’utilisation des mots pour donner une apparence respectable à ce qui ne l’est pas de prime abord. Ainsi naquit la « démocratie selon Wasp ». N’étant, par nature, pas théoricien, et le résultat important plus que l’intention, on ne fixa pas de règles rigides et intangibles à cette nouvelle organisation de la société. Elles n’étaient pas nécessaires : le « Bien » gagnait sur le « Mal », et c’est justement par ce qu’il sortait vainqueur du combat qu’on le nommait le « Bien ». Les bons étaient donc les dominants et les mauvais devaient les servir. Avec une telle approche, il n’était pas étonnant que la démocratie (selon Wasp) gagnât sans cesse du terrain.

Wasp et ses amis attirèrent à eux de multiples peuplades qu’ils n’eurent pas à éliminer car celles-ci adoptaient leurs us et coutumes, jusqu’à chanter des chansons dont ils ne comprenaient pas un traître mot, écrites dans une langue qui leur était inconnue. Plus étonnant encore, personne parmi les peuples conquis n’essaya de comprendre les paroles. Des croyants qui se référent à des livres qu’ils ne lisent pas ou, plus souvent, qu’ils ne pourraient même pas lire. L’important n’était pas là, la culture de Wasp s’étendait pour toucher toutes les parties du monde.

Les « soumis » abandonnèrent aussi leurs plats raffinés pour des objets industriels caloriques plus que nutritifs. La gastronomie devint l’objet d’émissions ou de reportages, mais on ne la pratiquait plus hors de quelques cercles.

Les antiques sages ne furent même pas moqués : ils furent ensevelis sous des montagnes d’images où l’affect régnait en Maître. À une certaine époque, Wasp et les siens eurent peur. Des barbares pleins de principes (mais aussi de despotes sanguinaires) se montrèrent plus entreprenants qu’eux-mêmes : ils envoyaient des objets dans l’espace si haut qu’ils ne retombaient plus. Non seulement des objets mais aussi un Homme. Et plus encore : des scientifiques des technologues hors pair pullulaient dans leur région de domination. Wasp et les siens se devaient d’apparaître aux yeux des simples comme des êtres insurpassables. Ils firent d’immenses efforts, aidés en cela par des immigrés en provenance de pays frères, et ils y parvinrent : à jamais ils resteraient dans les mémoires comme les plus grands...dans les mémoires seulement. Quelque temps après, ce fait d’arme ne fut pas pour rien dans l’éclatement idéologique de leurs concurrents issus, au niveau des concepts seulement mais issu cependant, des sages antiques.

Les dirigeants du monde de Wasp n’étaient plus portés aux responsabilités par leur compétence ou leur sagesse : ils leur suffisaient de « gagner », de rallier une majorité en employant les moyens les plus efficaces, ceux qui s’engendrent dans le cerveau reptilien : les jouissances immédiates, l’instinct de domination.

Pourtant les forces de Wasp déclinèrent. Les laissés pour compte devinrent si désespérés qu’ils ne craignaient plus rien, même la mort. Ils étaient donc invincibles à moins de les éliminer tous. Wasp avait les moyens de le faire et une contrée loin de chez lui l’avait expérimenté à ses dépens. Il y pensa donc, il y pense encore ! Mais les soumis seront-ils assez gavés d’apparence plutôt que de réalité pour accepter une nouvelle extermination de démunis à grande échelle ?

Wasp et ses amis craignaient aussi de voir sa puissance ridiculisée par plus grand, plus fort, plus ingénieux qu’eux. Le combat était en cours, feutré mais féroce ! Mais l’issue ne faisait guère de doute : Wasp y perdrait son sceptre de la domination. Le Monde selon Wasp s’écroulerait d’une façon ou d’une autre...


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