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ITALIE : VERS UN NOUVEAU PAYSAGE POLITIQUE

Par Christophe Ventura
samedi 22 mars 2008
par  Christophe Ventura
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« Election Day ». C’est en utilisant cette expression que la presse italienne a donné le coup d’envoi de la campagne électorale législative qui aura lieu les 13 et 14 avril. Celle-ci aboutira à la constitution d’un nouveau gouvernement (le 62 ème depuis l’après guerre) et à la nomination du remplaçant de Romano Prodi au poste de président du Conseil. Ce dernier a en effet remis sa démission le 25 janvier au président de la République, Giorgio Napolitano, suite au rejet, par le Sénat - à 161 voix contre 156 -, du vote de confiance qu’il avait demandé aux deux chambres.

La démission du gouvernement de « coalition » ouvre une énième séquence de reconfiguration du champ politique italien. Alors que 66 % des italiens se déclarent « pessimistes » pour l’avenir de leur pays (1) , la vie politique nationale semble se diriger vers la mise en place d’un bipartisme offrant à la population un choix restreint entre les promoteurs d’une droite néolibérale ( Parti du peuple de la liberté - PPL -) réunie autour de Silvio Berlusconi et de Gianfranco Fini et un « centre gauche » aux orientations idéologiques pleinement social-libérales regroupé au sein du Parti démocrate (PD), la nouvelle formation dirigée par Walter Veltroni. Représentant potentiellement 2/3 de l’électorat et pouvant compter avec un projet de loi de réforme électorale à venir qui limitera la représentation des autres formations au Parlement, les deux blocs s’apprêtent, en toute connaissance de cause (Walter Veltroni a fondé la stratégie du PD sur l’idée d’une rupture d’alliance avec les forces de la gauche antilibérale), à réduire la vie publique italienne à une « confrontation » entre les tenants du projet néolibéral et ceux de sa variante social-libérale.

Ainsi, le duel annoncé entre Silvio Berlusconi et Walter Veltroni (les sondages attribuent environ 40 % des intentions de vote au premier et 30 % au second) confirme la dérive de la démocratie italienne vers un bipartisme structurel qui peut être défini comme l’expression d’un alignement idéologique des partis politiques de la droite et de social-démocratie sur le consensus libéral. Ce dernier garantissant, dans le cadre de l’Union européenne et de ses politiques, la primauté et la protection des intérêts des marchés financiers et un rétrécissement constant de la vie démocratique nationale (la première réalité nécessitant la seconde).

Nous sommes face à un scénario de réduction quantitative (diminution des acteurs politiques sur le champ politique au profit de constitution de blocs englobant) et qualitative (diminution des options politiques et idéologiques offertes aux citoyens sur le champ politique) de la vie démocratique. Cette mutation, qui semble correspondre à une tendance de fond en Europe, devrait être suivie avec attention par les progressistes français au moment où d’importants responsables politiques, notamment à gauche, et nombre d’observateurs médiatiques voient dans la situation italienne la marque d’une « modernisation de la vie politique »…

Le bras de fer PPL / PD confirme aussi la difficulté des partis issus de l’histoire du mouvement ouvrier du 20ème siècle à construire une alternative viable sur le champ politique dans un contexte où, pourtant, l’immense majorité des italiens affirme de plus en plus nettement son rejet de la classe politique du pays.

La gauche antilibérale italienne, divisée après la participation du Parti de la refondation communiste (PRC) - la Rifondazione - au gouvernement et éloignée des mouvements sociaux italiens tente de réunir ses forces autour d’une nouvelle liste unie pour les législatives.

Récit d’une journée clé. A droite, naissance de la liste unique « Le peuple de la liberté ». A gauche, rencontre de Walter Veltroni avec « Luca » ( Montezemolo, président de la Confindustria - le Medef italien - ).

C’est donc officiel. Vendredi 8 février, Silvio Berlusconi annonce sur « Canale 5 » (une des chaînes de son groupe Mediaset) la nouvelle. Une liste unique composée de Forza Italia (le parti de Berlusconi) et de l’Alleanza nazionale (le parti de droite nationale de Gianfranco Fini), bénéficiant d’un accord électoral avec la Lega Nord (le parti politique fédéraliste et régionaliste d’extrême-droite d’Umberto Bossi), se présentera aux élections législatives des 13 et 14 avril.

Au même moment, Gianfranco Fini annonce à d’autres journalistes la création historique d’un « nouveau et grand sujet politique » en Italie.

Quelques indications disponibles sur le site internet de la liste révèlent le contenu du projet : « nous avons initié une grande aventure révolutionnaire dont le but est que tous les italiens qui ne se retrouvent pas dans la gauche se retrouvent tous ensemble pour changer l’Italie ».

Seule l’Unione dei democratici cristiani e democratici di centro (UDC), conduite par Pier Ferdinando Casini, refuse de se fondre dans cette pré-configuration du nouveau bloc de la droite italienne dont Silvio Berlusconi annonce qu’elle débouchera sur la création du futur Parti du peuple de la liberté (PPL).

A gauche, les choses vont vite également. Walter Veltroni confirme la stratégie du PD. « Nous irons seuls » confie-t-il aux journalistes de La Repubblica en faisant référence aux partis de la gauche antilibérale, notamment à la Rifondazione Comunista. Dans un même mouvement, il présente le leitmotiv du nouveau parti pour la campagne qui s’annonce. Importation directe du mot d’ordre de la campagne des primaires de Barack Obama aux Etats-Unis, « Si puo fare ! » ( We can !) sera le slogan du rassemblement. Le scénario américain est bien le modèle du nouveau dirigeant du « centre gauche » qui aspire à structurer la vie politique italienne autour d’un face à face du type Démocrates contre Répubicains.

En cette belle après midi de février, Walter Veltroni a un agenda chargé. Il va également rencontrer le représentant du patronat du pays, Luca Montezemolo. Celui qu’il appelle affectueusement « Luca » l’assure que « le programme du PD (…) intéresse beaucoup (la Cofindustria) ». Voici le PD et son chef adoubés par le patron des patrons italiens. Les deux hommes peuvent se quitter rassurés. « Ciao Walter, je t’embrasse » sont les derniers mots de cet entretien.

Malheureusement, du programme du PD, le peuple italien n’en apprendra pas beaucoup plus - c’est déjà beaucoup - car il n’existe pas encore officiellement. Il sera présenté au public le 16 février lors de l’Assemblée constitutive de parti.

De la Cosa Rossa (La chose rouge) à La Sinistra l’Arcobalano (La gauche arc-en-ciel)

La Cosa rossa est née du rassemblement, officialisé les 8 et 9 décembre à Rome, des Verts, de la Gauche démocratique et des deux partis communistes italiens, le Parti des communistes italiens (PDCI) et la Rifondazione, réunis au sein de cette dernière. La participation de la Rifondazione au gouvernement Prodi, qui n’a mis en place aucune des mesures prévues par l’accord de gouvernement, a largement affaibli la gauche antilibérale italienne et ses relations avec les mouvements sociaux du pays sur lesquels elle s’appuie pourtant depuis plusieurs années. La Rifondazione a même vu une partie de ses forces sortir du parti pour créer une nouvelle formation trotskiste indépendante : la Sinistra critica (la gauche critique).

C’est donc dans cette nouvelle configuration, et sans alliances avec le PD, que la liste de La gauche arc-en-ciel va se présenter aux prochaines élections. Beaucoup d’acteurs du mouvement social italien interrogés restent sceptiques quant aux perspectives offertes par ce nouveau regroupement élaboré par les états major des formations sous la contrainte du calendrier, de la stratégie du PD, et sans relation avec le tissu des mouvements sociaux du pays. Fausto Bertinotti, le dirigeant de la Rifondazione, y voit lui la promesse de la construction de la « Gauche du 21ème siècle ».

(1) Sondage réalisé pour la chaîne de télévision RAI le 8 février.

Christophe Ventura est membre d’ATTAC et de l’association Mémoires des Luttes


Commentaires

Logo de Benoît
lundi 31 mars 2008 à 18h58 - par  Benoît

"Election Day" fait référence ironiquement à la marche organisée par l’agitateur Beppe Grillo (Coluche italien) et son "Vafanculo Day"

Il faut également prendre en compte les absurdités institutionnelles italiennes, comme les très hautes pensions à vie pour les ministres démissionnaires ou sortant. Cela explique aussi l’instabilité du pays : à peine élus, ils ne souhaitent que prendre des vacances. L’alternance est donc consentie gaiement. Ce n’est que l’alternance des privilèges pour un minorité rentière et complaisante.

Il faut aussi voir le désintérêt des électeurs italiens à l’aune des nombreux privilèges accordés aux dirigeants et aux représentants. Rien que 1200 députés pour un pays moins nombreux que la France ; un train de vie de l’Etat pharaonique, un déficit public de plus de 105 % du Pib (60 % pour la France), un chomâge galopant et une immigration de très basse qualification et de haute criminalité (1/2 million de Roumains entrés depuis 2005 !) font de ce pays la plus immense gabegie que la démocratie ait inventé.
Benoît Rivillon

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