CONTRE LA NOUVELLE DECLARATION DE PRINCIPES DU P.S.

Par Jean Puyade
mercredi 18 juin 2008
par  Jean Puyade
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Un petit préalable d’abord : je voudrais attirer votre attention sur le problème des mots. Il y a, vous le savez, une gigantesque opération relayée par le rouleur compresseur des médias, où le sens des mots est tergiversé, inversé, travesti, dans l’objectif de tenter d’occulter la réalité sociale. Le problème c’est que la réalité sociale est irréductible, elle est faite de la souffrance sociale de millions de salariés, c’est la réalité, et cette souffrance sociale commence à se transformer en colère sociale. Prenons garde de ne pas piper les mots car cette colère sociale pourrait se retourner contre nous, comme cela est déjà arrivé lors de ces vingt dernières années.

Prenons le mot « social ». Il y a une grande intelligence populaire, assise sur une expérience quotidienne. Tout salarié sait aujourd’hui qu’un « plan social », c’est un plan de licenciement, c’est la perte de son emploi et le reclassement c’est la plupart du temps déqualification et baisse de salaire. Prenons les mots : « dialogue social, partenaires sociaux » accompagnés de ces mots nouveaux : « sécurisation du parcours professionnel » et « flexisécurité » dont se gargarise maintenant Sarkozy. Cela veut dire aujourd’hui concrètement une « réforme » du contrat de travail où on introduit d’incroyables contrats de 18 à 36 mois, soit des « CDD « à termes incertains » pouvant être rompus comme un CNE pendant les 18 derniers mois, une « réforme » où des périodes d’essais sont allongées jusqu’à 8 mois (soit la moitié d’un CNE pourtant annulé sous la pression des mobilisations et des recours juridiques), où le plafonnement des indemnités du travail seront plafonnées, et où enfin des ruptures de contrats individuelles pourront avoir lieu (« la séparabilité » aime dire Laurence Parisot), en échappant à tout droit collectif du licenciement.

Cet accord a été signé par le MODEF et par 4 syndicats sur huit, sous prétexte que le gouvernement déposerait une loi qui pourrait être pire. Et bien, depuis, cet accord produit du « dialogue social » des « partenaires sociaux », « dialogue » réalisé sous la menace du pire, est devenu une loi Sarkozy, un modèle selon lui de la « nouvelle gouvernance », autre mot nouveau, une « loi de modernisation du contrat de travail ». La réalité c’est que c’est une loi de régression sociale, non pas une « réforme » mais une « contre réforme ». La réalité c’est que « le dialogue des partenaires sociaux » vise à impliquer les organisations des salariés dans l’acceptation et la détermination de la régression sociale, afin que celle-ci devienne enfin, loi de la Vè République. On appelait cela dans ma jeunesse, le corporatisme et l’ intégration des syndicats à l’ Etat. Malheureusement la majorité des élus du PS s’est ralliée à l’UMP pour l’adopter. Est-ce ce que l’on entend par « progrès social » et « démocratie participative » ? Est-ce ainsi que l’on entend s’opposer à Sarkozy et à ses amis du MODEF ?

Pour terminer prenons précisément les mots « démocratie », et « liberté ». Selon la tribune libre parue le 22 mai, dans le Monde, ces mots voudraient dire aujourd’hui pour 17 députés du PS, faire un cadeau constitutionnel à Sarkozy pour « embellir » la constitution de la Vè République dont Sarkozy représente aujourd’hui l’essence, c’est-à-dire ce que le peuple français vit tous les jours comme « un coup d’état permanent », comme caractérisait cette constitution avec raison Mitterrand, dans un autre temps. Et ici l’argument est le même : « ça pourrait être pire ». C’est le pire qui vient éclairer le « possible » et non l’ idéal démocratique et libertaire qui, mobilisant les citoyens, permettrait d’ouvrir d’ « autres possibles », la vraie démocratie et liberté. Les mots sont pipés et personne ne croit personne. Ne les pipons pas. Non seulement nous ne tromperons pas mais nous contribuerons à toutes les aventures comme nous l’enseignent les dernières élections italiennes. Ainsi la nouvelle déclaration de principes du PS établit que l’un de ses fondements est la défense d’une « économie sociale et écologique de marché ». Cette expression qui vient historiquement de la caractérisation de la politique économique et sociale du gouvernement capitaliste d’Adenauer en Allemagne au début des années 50, est en réalité une manière de désigner l’économie du système capitaliste, même si on voudrait le rendre plus humain. Le fondement de ce système capitaliste c’est l’appropriation privée de la plus value produite par le travail du salarié quand vendant sa force de travail, il l’ exerce pour le patron. On appelle cela le profit. Tout le système vise à reproduire et élargir cette accumulation fondée sur une telle appropriation privée. Or en 1971 notre déclaration de principes disait alors, comme les deux déclarations de principes antérieures (1905 et 1946) : « Le socialisme se fixe pour objectif le bien commun et non le profit privé. La socialisation progressive des moyens d’investissement, de production et d’échange en constitue la base indispensable. La démocratie économique est en effet le caractère distinctif du socialisme ». Dans ce sens la « nouvelle déclaration de principes », en renonçant à la première notion et à la seconde notion, rompt avec la tradition socialiste. Cette nouvelle déclaration de principes renonce aussi à cette autre notion qui figurait dans nos déclarations antérieures : « Il ne peut exister de démocratie réelle dans la société capitaliste ». Cette nouvelle déclaration de principes n’ est pas socialiste. Elle a perdu son Nord.

On pourrait expliquer (mais pas justifier bien sûr) pourquoi à la fin du XXè siècle, en 1990, le parti, voulant mettre en accord son action gouvernementale depuis l’ouverture de la « parenthèse de la rigueur » en 1983 et ses principes écrits, a entamé la mise en place d’un nouveau logiciel rompant avec toute la tradition des 3 déclarations socialistes antérieures : « Le Parti socialiste est donc favorable à une société d’ économie mixte, qui sans méconnaître les règles du marché, fournisse à la puissance publique et aux acteurs sociaux les moyens de réaliser des objectifs conformes à l’ intérêt général ». Le Congrès de l’ Arche, trois après, définira le capitalisme comme « l’horizon indépassable ». Cela nous a conduit nous le savons, à la défaite électorale cuisante des législatives de 1993 puis à celle des européennes de 1994. Il n’ y aura un redressement électoral que lorsque Jospin promettra en 1995, après les grandes grève, d’exercer « son droit d’inventaire », donnant l’espoir que cette politique pourrait changer. Malheureusement il continuera à privatiser et à déréglementer à tour de bras. Cela aboutira à son fameux « mon programme n’est pas socialiste » et au désastre électoral de 2002.

Mais nous sommes au XXIè siècle ! Nous sommes plus de 20 ans après ce tournant dans notre « déclaration de principes » ! Nous sommes au temps où dans sa mondialisation le système capitaliste (qui certes a toujours été mondialisé, mais où quasiment plus un pore du globe n’échappe à son système) démontre chaque fois plus qu’il est incapable d’assurer pour des millions de gens les droits élémentaires de se loger, se nourrir, s’habiller, apprendre à compter et à lire, à se soigner. Nous sommes au temps des émeutes de la faim dans plusieurs pays de plusieurs continents ! des pays qui fournissent pourtant des matières premières mais que les organisations du système capitaliste comme le FMI et l’ OMC (aujourd’hui dirigées par deux membres du PS) ont poussé à « l’ agro industrie » et au « modèle exportateur » et qui ont perdu leur capacité de nourrir leurs peuples. Nous sommes au temps où dans le pays le plus riche du monde, les Etats-Unis, tous les jours des centaines de citoyens sont expulsés de leur maison car ils n’arrivent plus à payer leurs traites. Nous sommes au temps où en l’espace d’un été 1.000 milliards de dollars sont partis en fumée et où à Londres, au cœur de la City, on a commencé à revoir des queues d’épargnants devant de grandes banques pour retirer leurs économies. Au temps où les libéraux les plus durs sont contraints de placer la Banque Northen Roch « sous propriété publique temporaire » (pour ne pas utiliser le gros mot de « nationalisation ».

Dans un temps où la crise financière et la récession ont supplanté l’Irak comme question centrale dans les élections américaines et où les économistes démocrates se posent la questions : « quelles banques faudra t il choisir de sauver, comment payer l’addition et comment l’expliquer face à la colère de l’opinion. » Dans un temps où les anciens ministres de l’économie des PS européens de ces dernières années sont obligés de titrer dans « Le Monde » de mercredi 21 mai : « La finance folle ne doit pas nous gouverner ». Où ils nous annoncent que « la dette cumulée des ménages, des entreprises financières et non financières et des autorités publiques américaines représente à présent plus de trois fois le PIB des Etats Unis, soit deux fois le niveau enregistré lors du Krach boursier de 1929. » Et où ils présagent l’entrée de l’Europe dans la récession avec tous les malheurs sociaux que cela veut dire pour les millions de salariés européens.

Après avoir eux-mêmes privatisé et déréglementé, ils préconisent le retour à un capitalisme « décent », alors que le système apparaît dans sa nudité, un système qui fait baisser dans la valeur ajoutée, dans tous les pays du monde, la part revenant au salaire net et différé de plus de dix points (en 20 ans), qui met pour cela en concurrence les forces de travail au niveau mondial et qui pousse alors les salariés à s’endetter pour continuer à consommer les marchandises qu’ils produisent. C’est-à-dire quand nous sommes au début d’une crise systémique classique de suraccumulation et de surproduction. Nous sommes au XXIè siècle, vingt ans après !, quand il apparaît que le changement de logiciel dans la déclaration de principes de 1990 est une faillite ! Et on voudrait s’acharner et l’aggraver aujourd’hui ?

Dire la vérité : tout programme de transformation sociale se heurtera à une mobilisation résolue des possédants. Si le « possible » est éclairé par le « pire » c’est la triste adaptation au cours du capitalisme comme nous venons de le voir, avec en prime un prétendu « dialogue social » qui détruit notre âme et notre indépendance. Nous ne pourrons ouvrir la voie à d’autres « possibles » qu’en éclairant le présent de la perspective d’un autre système pour pouvoir aider à la mobilisation sociale qui s’engage et qui seule pourra changer les rapports de forces. Certes il y a là place à un profond débat car le socialisme est à repenser. Réformes et Abolition des contre réformes, rythmes, stratégies et tactiques devront être mis en discussion entre nous, avec nos électeurs, avec le mouvement social. Mais il n’ y a pas d’autre réalisme que celui là.

Jean Puyade est membre du PS et de PRS


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