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LE CINQUANTENAIRE DE LA CONSTITUTION DE LA VEME REPUBLIQUE : LA REFORME LANG-SARKOZY

Par Gérard Belorgey
mardi 12 août 2008
par  Gérard Bélorgey
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Comme en 1875, où la République était née - "furtivement" disent les historiens - par une voix de majorité pour l’amendement Wallon, la nouvelle Cinquième République est née d’une voix de majorité. Mais, alors que la troisième République fut une révolution de société, la nouvelle Cinquième n’apporte aucun changement de nature au régime.

C’est donc bien une forme de célébration du cinquantenaire de la Constitution de 1958 qu’apporte ce que l’on peut dénommer "la réforme Lang-Sarkozy". Jack Lang a inspiré dans le comité Balladur, avec d’autres conservateurs/rénovateurs constitutionnels, une révision écartant à la fois aussi bien un vrai régime parlementaire que l’équilibre que représenterait un régime présidentiel ouvert (Cf. notre article dans la Revue Politique Parlementaire d’octobre/novembre 2007 reproduit sur http://www.ecritures-et-societe.com : " Vème République : petit répertoire des idées reçues et des serpents de mer" ). Il a fait passer hier, par sa voix décisive, cette réforme institutionnelle qui institue une version quarto de la Cinquième République. Elle fait suite aux trois principales étapes précédentes : le modèle 58 (la superposition au régime parlementaire dénaturé d’un Président clef) ; le modèle 62 (l’élection du Président au suffrage universel, ouvrant les variantes des majorités superposées ou concurrentielles) ; le modèle 2000 (le quinquennat par lequel les partis dominants veulent se garantir, contre la cohabitation, la superposition de ces majorités).

Cette réforme s’inscrit bien en vérité ainsi dans un héritage mitterrandien : combiner le pouvoir présidentialisé avec des garde-fous permettant de rendre présentable la "démocratie absolue" (l’"État RPR", l’État socialiste") résultant de la double majorité présidentielle et législative.

Tous ceux qui trouvent des vertus aux mécanismes gouvernant la Cinquième République - comme essentiellement le PS, parce qu’elle a pu être celle de l’alternance rêvée - mais qui n’ont pas adhéré à la réforme d’hier, ont leurs bonnes raisons : c’est bien évidemment, d’une part, certes, parce que ces opposants n’ont pas obtenu tout ce qu’ils demandaient ; mais aussi, d’autre part, parce qu’ils ont peut être été satisfaits par cette insatisfaction même, les justifiant de ne pas avoir à concéder un champ de convergences à Sarkozy.

Sur le fond, il est toutefois clair à nos yeux (malgré le talent de l’article de Robert Badinter) que ce n’est pas cette réforme qui crée les termes de "l’hyperprésidence". Celle-ci est tout à fait consubstantielle aux institutions, toujours potentielle - comme le prouve d’ailleurs la réalité permettant, sans réforme, à la même personne d’être chef de majorité, chef d ’État et animateur de l’action du gouvernement - dès lors qu’il y a double majorité, et ceci est vrai depuis près de cinquante ans.

Tout au contraire, la réforme apporte - au regard du seul point "présidentialiste" optiquement important résultant des facultés de prestation du Président devant les deux assemblées réunies - des contreparties démocratiques appréciables qu’on ne saurait nier : nouveaux droits et garanties pour les citoyens ; pouvoirs renforcés du Parlement ; capacités améliorées pour l’opposition (sans qu’il y ait pour autant - et c’est significatif des mainmises partisanes sur l’appareil public - d’ouverture à des facultés d ’expression individuelle de parlementaires hors de la tutelle des partis), etc.

Mais pourquoi donc il y a-t-il motif à regretter, ce qui est notre position, pour les mêmes raisons, je crois, que celles du Modem, le sens et le succès de cette réforme ? Votée fut-ce à une voix - seul le résultat compte même si ce score sur le fil du rasoir vulnérabilise un petit peu le Président - elle consolide le système ; et, en son sein, aussi bien la place du parti majoritaire que celle du parti dominant d’opposition. Si la réforme avait été refusée, ce rejet aurait certes un peu affaibli N. Sarkozy ; c’est ce qu’avait à y gagner au mieux le PS. Mais, beaucoup plus important, en cas de rejet, ce PS avait autant à perdre que le pouvoir (et il va donc fort bien s’accommoder de sa défaite....merci Jack Lang). En effet un échec de la réforme eut remis en cause la validité du système général de la Vème République, système qui est à nos yeux devenu particulièrement pervers.

Non pas à cause essentiellement de la Constitution, mais à raison des modes de scrutin. Mais la question des modes de scrutin n’a été sérieusement posée, à une échelle intéressante, que pour le Sénat et non pour l’Assemblée. Or cette question importante en équité en ce qui concerne le Sénat, n’est pas, compte tenu compte tenu des pouvoirs limités de la seconde Chambre, cruciale comme elle l’est en ce qui concerne le mode de scrutin pour l’élection de l’Assemblée.

Il n’y pas, en effet, de réel rééquilibrage des pouvoirs dans le régime français - ce que prétend pourtant faire la réforme - qui soit possible aussi longtemps que le mode de scrutin législatif majoritaire à deux tours, doublant le scrutin majoritaire pour le chef de l’Etat, est maintenu. Ce double mécanisme bipolarisant oblige en fait à des regroupements gauche/droite (équation dans laquelle, d’ailleurs, une droite remembrée aura toujours l’avantage sur une gauche assez disloquée) donnant aux partis dominants la capacité de confisquer les voix de sensibilités politiques qui ne peuvent être représentées ou de neutraliser celles-ci de diverses manières : soit que leurs électorats se réfugient dans l’abstention, soit qu’ils soient laminés, sous-représentés et exclus en fait de l’influence sur la gestion des affaires des Français. C’est ce que j’ai appelé de longue date la démocratie majoritaire absolue.

La seule réponse de rééquilibrage est dans l’instauration de la large dose de proportionnelle que le comité Balladur a naturellement écartée au nom des préférences des partis dominants et que la réforme ne prévoit donc pas, continuant dans le sens des réformes précédentes (1962, 2000) qui ont toutes accusé les traits bipolaires du régime.

Pour autant, il est évident que la Répartition Proportionnelle, libérant enfin l’expression et la représentation des citoyens, injectée dans les institutions existantes entraînerait des perturbations et instabilités ingérables dans l’appareil constitutionnel tel qu’il est depuis 1962. Le seul système compatible avec la RP est un régime d’inspiration présidentielle - c’est à dire de séparation des pouvoirs - parce qu’il n’ y a plus alors de responsabilité de l’exécutif devant l’Assemblée, et donc pas de risque d’instabilité. La démocratie y gagne toutefois largement puisqu’il y a obligation pour le chef de l’Etat et de l’Administration de trouver dans une Assemblée pluraliste et non plus cardinalement et stupidement divisée (par des "réflexes pavloviens" nous disent même quelques socialistes ...) les agréments, les soutiens, les moyens de ses politiques législatives, internationales, économiques, sociales, budgétaires. C’est le chemin de la discipline par les nécessaires compromis et des bons dosages. Reste qu’en cas d’oppositions, en cas d’incompatibilités graves entre des positions de l’Exécutif et de majorités dans le corps Délibératif, il faut parvenir à sortir de blocages éventuels, par un procédé démocratique. C’est alors, naturellement, le référendum, à l’initiative de l’un ou l’autre des pouvoirs - sans que son résultat doive avoir pour effet de renvoyer le Délibératif aux urnes s’il perd ou de faire démissionner l’Exécutif s’il n’est pas suivi par le pays - qui est une bonne réponse en tant que mode d’arbitrage de gestion.

Bien évidemment, une telle réforme constitutionnelle - répartition proportionnelle, unification de l’exécutif, disparition de le responsabilité de type parlementaire, séparation et collaboration obligée des pouvoirs, arbitrage référendaire en cas de grave opposition entre eux - n’a aucune chance d’être un jour engagée par notre Parlement tel qu’il est composé. A tout prendre, le gros des partis qui le composent préféreraient un jour revenir à un régime parlementaire : parce que le "régime parlementaire" et le "régime présidentialiste" sont en fait cousins germains, sinon frères, quand les modes de scrutin sont dominés par le scrutin majoritaire. Les résultats sont à peu près les mêmes : le chef vainqueur (à la présidentielle ou à l’occasion de législatives) d’un des deux partis dominants est assuré tant de sa légitimité que d’une majorité de législature. C’est la fin du pluralisme et de l’obligation de recherche des conciliations. C’est ce que nous vivons. La seule manière d’en sortir est qu’une personnalité un jour candidate à la direction, par une voie ou une autre, du pays, s’engage à l’occasion de sa campagne, à proposer pour l’avenir de réelles nouvelles institutions.

Voir le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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