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- JE VEUX ETRE REALISATEUR - QUOI ? AH, TU VEUX DIRE COMME YOUSSEF CHAHINE ?

Par Amir Ramses
mardi 12 août 2008
par  Amir Ramses
popularité : 35%

Pour tout les égyptiens, tu dis le mot réalisateur, et l’image de Chahine leur danse dans la tête, tous les jeunes qui expérimentent leur rêve de faire ce métier sont toujours condamnés à cette réponse : ah comme Youssef Chahine ? Et normalement, on répondait tous : bien sur que oui. Je me rappelle de la première fois que mon père m’a emmené au cinéma pour voir un film de Chahine, " Alexandrie encore et toujours" (naturellement, il était le cinéaste fétiche de tout les intellectuels de gauche comme mon père). Ce jour là, j’avais dix ans, et, ce même jour, j’ai décidé que je voulais être réalisateur, comme Youssef Chahine.

Quand j’avais 14 ans, "L’émigré " est sorti en salles, les intégristes ont voulu arrêter la projection du film sous prétexte qu’il représentait la vie de Joseph. Chahine s’est présenté au tribunal pour défendre son droit de projeter son film, tous les militants qui défendaient la liberté de l’art étaient derrière Chahine. Moi, je sentais qu’il me défendait, qu’il défendait ma liberté personnelle. Le jour où il a gagné le procès, je suis allé avec un bouquet de fleurs à son bureau et c’était la première fois que je le voyais en personne. Ce fut rapide, une porte s’est ouverte, et derrière, lui-même, la légende, m’a pris dans ses bras, heureux de cet "enfant" qui l’appréciait.

Le temps passe, je fais mes études de cinéma, n’imaginant aucune possibilité de revoir Jo. Quelques années plus tard, j’allais traverser sa porte tous les jours, comme le premier assistant du maître, Youssef Chahine qui est devenu Jo pour moi, avec qui j ai travaillé, voyagé et appris comment faire des films. Malgré cette intimité, l’image de lui qui me reste dans la tête, c’est cette image de la première rencontre, quand j étais "l’enfant" et lui "la grande légende du cinéma égyptien".

Chahine a été reconnu pour être le cinéaste le plus militant d’Egypte, à travers 58 ans de carrière. Il était capable d’exprimer les soucis et les chagrins du peuple arabe sans tomber dans le cliché d’appartenir à tel ou tel parti, il était engagé dans sa propre cause, que ce soit la guerre contre la colonisation, dans "Djamila", ou la déchirure et la défaite du rêve Nassérien dans "Le moineau" , "Le retour de l’enfant prodigue", ou le droit des simple paysans égyptiens dans " La terre ", le film regardé comme son chef d’oeuvre pour son approche très réaliste, très engagée de la vie des paysans opprimés en Egypte.

En 1979 , on peut remarquer le début d’un nouveau style de Youssef Chahine , il signe son premier film autobiographie avec "Alexandrie pourquoi ?", le film qui a remporté l’Ours d’Argent au festival de Berlin, et qui représentait la vie de Chahine dans l’Alexandrie des années 40, une des villes les plus cosmopolites du monde, où les gens de différentes nationalités, religions vivaient en fraternité, un vrai message de tolérance raconté a travers la vie du jeune Yehia, qui devient, comme Antoine Doinel pour Truffaut, un personnage qui reviendra dans les films de Chahine, et depuis, que ce soit une autobiographie directe comme "La mémoire", "Alexandrie encore et toujours" et "Alexandrie New-York" ou une pure fiction, on peut toujours remarquer un personnage parallèle qui représente Chahine lui même, ce qui est clair dans "Le destin", par exemple, qui relate la guerre d’Averroès contre les fanatiques islamistes en grande métaphore de Chahine lui-même dans la guerre de "L’émigré". Parfois, Chahine trouvait refuge dans l’histoire qu’il utilisait comme une réflexion sur notre vie contemporaine.

Il faut noter qu’après "Alexandrie pourquoi ?", Chahine a commencé à coproduire ses films avec la France, ce qui lui a donné un pouvoir d’expression plus osé et plus fort : même du point de vue de la censure, c’était “le réalisateur international”, participant aux festivals de Cannes, Berlin et Venise, ce qui lui a permis de plus de liberté d’expression (le “réalisateur star”).

Même s’il est un peu difficile de mettre en exergue un seul thème dans 58 ans du cinéma de Chahine, deux sujets restent dominants dans la majorité de ses films. Le premier est la tolérance. Jo a vécu avant la révolution des militaires en 1952 et avant le mouvement islamiste qui est devenu fort depuis les années 70 sous l’influence du pétrodollar, car ce n’est que lorsque des milliers d’égyptiens sont partis travailler dans les pays du golfe arabe que l’Egypte a connu la culture fanatique religieuse. Jo vivait dans une ville où il n’y avait aucune différence entre égyptiens, français, grecs ni entre chrétiens, musulmans ou juifs (ceux-ci, par contre, ont été chassés de l’Egypte sous le régime de Nasser). Chahine a toujours apprécié cette époque de tolérance face à une société contemporaine qui refuse d’admettre le droit d’être différent.

L’autre thème souvent dominant dans les films de Chahine, c’est l’amour de la vie. Ainsi, il utilise la danse et la musique face à l’intégrisme dans "Le destin". Ram voyage au pays des pharaons à la recherche de la connaissance et cherche à apprendre l’agriculture, le secret de la vie, contre le régime militaire (qu’est ce qui est plus important : les paysans ou les soldats ?) dans “L’émigré”.

Le 11 septembre est une date qui a beaucoup influencé Chahine, d’autant plus qu’il a étudié en Amérique dans sa jeunesse et qu’il a, comme beaucoup, vécu le rêve américain. Après les attaques du 11 septembre, Chahine s’est posé cette question : comment l’Amérique, ce pays de rêves est-il devenu si détestable ? Comment ce rêve l’a trahi, lui, l’arabe ancien amoureux des Etats-Unis ? C’est la question qu’il a présente à l’esprit dans son court métrage sur le 11 septembre, ainsi que dans "Alexandrie-New-York", revenant une fois de plus à son autobiographie, à l’époque où il est allé en Californie pour étudier à Pasadena Playhouse, l’Amérique des années 40, de Gene Kelly et des comédies musicales de Ziegfield, face à l’Amérique de George Bush et du “super-héros” américain.

Il faut noter que Chahine a toujours été un admirateur fidèle des comédies musicales américaines : il est rare de voir un film de Chahine sans des chansons et des danses, quel que soit le genre du film. Il a même dédié "Le sixième jour" à Gene Kelly. La danse a toujours été un art sacré pour Jo, pour qui, je crois, elle symbolisait la vie même.

Pour son dernier film, "Le chaos", en 2007, il signe peut être le film le plus militant et engagé des années 2000 en Egypte, un cri défendant les droits de l’homme contre les actes de violence commis dans les postes de police égyptiens, après les fameux évènements de 2006 et les vidéos de torture sadique exposés sur les télévisions et sur internet, un film qui accuse le régime militaire en Egypte.

Bon, je crois que je pourrais écrire des pages et des pages sur Chahine, comme cinéaste, ami et prof’ de cinéma, mais jamais je ne pourrai raconter 58 ans de dévotion totale pour le 7ème art et pour sa cause : l’être humain. Rien n’exprime Chahine mieux que la chanson chantée par Mohamed Mounir dans "La mémoire" : “ton nom ne m’importe guère, ton adresse non plus, ni ta couleur, ni ton gîte, c’est l’être que j’aime, même s’il n’a pas de toit”.

Amir Ramses, cinéaste égyptien, fut l’assistant de Youssef Chahine


Commentaires

Logo de Donia
samedi 16 août 2008 à 11h12 - par  Donia

il est tres touché et très honnnet. je l’ai très bien aimé. on a admiré cette personne.
les meme films que montrent l’amoure de la vie, sont les meme films qui me faient pleurer..

I’m sorry that my French is not that strong to express my admiration with this article.
I guess you Amir would understand what i want to say. Though Chahine was full of life, and his films reflect a lot of joy, but still, whenever i listen to any of the songs of his movies, i find myself crying. Probably this can say how genius he is to know how to make people laugh and cry at the same thing, while totally believing in it.

As for you, I am sorry for your loss, but you will always have ur memories.

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