VEUT-ON VRAIMENT SORTIR DE LA CRISE ?
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La crise, donc. On le sait maintenant, ou du moins devrait-on le savoir, les « subprimes » américains n’ont été que le déclencheur de ce qui survient aujourd’hui. Crise financière ? Les financiers le voudraient bien, qui ont si bien fini par persuader l’opinion, et, plus grave encore, les prétendus « spécialistes » que la finance était, définitivement déconnectée de l’économie. Ne parlait-on pas, ne parle-t-on pas encore de la « déconnection entre la finance et l’ « économie réelle ». Economie réelle : cela signifierait donc que la finance n’est pas « économique » ? Qu’en conséquence il serait normal qu’elle échappât plus encore que l’économie « réelle » à tout contrôle ? Cette sornette d’économie réelle est en fait un piteux aveu : la production, en soi, fondement de l’activité économique, n’a pas d’importance. Ce qui compte, ce sont les profits qu’on peut en tirer. Dans ce marigot là, foin de concepts tels que l’utilité sociale, la valeur travail, la valeur d’échange, même. Un seul objectif : créer de la « valeur » pour les actionnaires. Valeur économique pipeau, valeur financière « réelle », au sens où les milliards évaporés dans les chutes boursières ne sont évidemment pas perdus pour tout le monde.
Les crises économiques marquent l’histoire du capitalisme, et ont toujours la même cause : la distorsion entre les valeurs financières et les valeurs tangibles des activités économiques. Toujours. Plus ou moins graves, selon l’amplitude et la sectorisation de la distorsion, mais toujours. Plus l’emprise hégémonique du capitalisme est forte dans la société, plus les distorsions ont de chances de se développer. Cela passe, beaucoup, par le langage. Nous avons aimé que Jean-Luc Mélenchon traite Jean-Marc Sylvestre (et à travers lui plusieurs de ses confrères) pour ce qu’il est : non pas un « journaliste » mais un propagandiste idéologique. Qu’est-ce que cette presse qui nous abreuve de sottises du genre « les marché sont inquiets » ou bien « les investisseurs perdent confiance » ? Ce ne sont pas les « marchés » qui sont inquiets. Marché de quoi ? Dirait-on que l’or est inquiet ? Ou le sucre ? Ou le pétrole ? Ce ne sont pas des « investisseurs » qui sont inquiets : appelons un chat un chat, quand on lit « investisseur » dans la presse économique, il faut comprendre spéculateur. C’est moins joli, sans doute, mais c’est plus juste. Quelle est l’utilité économique, pour l’humanité, des « produits dérivés, des hedge funds, des techniques de titrisation ? Nulle. Quelle était l’utilité économique de la banque défunte Lehmann brothers, devenue pur outil de spéculation ? Nulle. Qui peut vraiment croire qu’une « création de valeur » de plus de 10% sur le capital investi peut perpétuellement durer ? Comme nous le disait récemment un responsable de PME sociale, on delà de 5% de rentabilité, on est forcément dans le piratage. Et bien évidemment, une crise économique est toujours aussi une crise sociale, toujours. Et dans le cas que nous vivons, la crise sociale était déjà là, et tous les ingrédients d’une crise économique aussi. Et comme toujours, toujours, la crise est la conséquence de l’incompétence ou de l’impuissance, ou des deux des politiques, l’impuissance étant consécutive à leurs démissions successives, à leurs fascinations pour le monde de l’argent.
Comment en est-on arrivé là ? Qu’est-ce qui a rendu possible le fracas du consensus social qui a caractérisé la période dite des trente glorieuses dans les pays occidentaux ? Comment a-t-on pu lâcher la bride à ce point aux intérêts à court terme des financiers, et ce à droite comme à geuche (n’oublions pas que l’un des principaux artisans de la dérégulation financière en France fut Pierre Bérégovoy) ? Une hypothèse possible réside peut-être dans l’illusion produite par les « trente glorieuses » que la croissance et la progression du pouvoir d’achat n’avaient guère de limites, que les gains des salariés pouvaient augmenter indéfiniment : on vit apparaître, puis prospérer les rémunérations « individualisées », au « mérite » (mérite de ceux qui servent le mieux le capital). A travail égal, salaire inégal, sauf bien entendu pour les plus bas de ceux-ci. Les classes dites moyennes ont largement été abreuvées parce qui n’est au final, bien souvent, qu’une illusion, comme le montrent les délocalisations, dont les effets ont de plus été largement sous-évalués par les commentateurs économiques. Elles l’ont encore été en 2007, lorsque le fameux slogan « travailler plus pour gagner plus » a été pris au pied de la lettre par une majorité de ces classes moyennes. Peut-être la crise actuelle dessillera-t-elle certains yeux. Peut-être.
Le discours, alimenté par les gesticulations du multiprésident, selon lequel la crise ne peut être surmontée qu’à un niveau international n’est certes pas dénué de fondement. Encore faudrait-il que ce ne soit pas une excuse pour éviter des changements au niveau de chaque pays. Interdire aux banques de faire joujou avec des « produits » financiers dangereux et inutiles, ce n’est pas possible ? Interdire aux entreprises d’un pays de loger des filiales dans des paradis fiscaux, c’est insurmontable ? Imposer davantage le capital pour redonner toute sa valeur au travail, c’est hors de portée ? Ce ne sont que quelques exemples d’une liste qui serait longue et que nous essaierons de dresser dans les prochains mois.
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