MEME PAS PEUR

mardi 9 décembre 2008
par  Samira Comingant
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Drôle d’époque, qui se suicide peu à peu sous la houlette de l’encadrement, sous l’impulsion décomplexée du premier d’entre nous. Un temps, quand le phénomène ne sévissait qu’aux Finances, ou à l’Intérieur, nous avions postulé que son mode de communication, à base de vulgarité réclamée et de violence dans l’intonation et les mots, conduirait assez sûrement à ce que chacun assimile la part de pouvoir que la vie lui avait dévolue à un quitus pour faire souffrir les autres en proposant des termes inadmissibles et inaudibles ; à chaque fois, un peu empiéter sur la décence, un peu attaquer la dignité, qui au travail avec ses agents, qui en classe avec ses élèves, qui à la poste avec le guichetier, en parlant au nom de « je », instance soudainement promue au seul et premier plan. Ainsi provoquer la violence en chaîne, chacun devant expulser celle qu’il aura subie, et installer ce mode d’échange qui pose les êtres dans la rivalité du bruit qu’ils sauront produire.

Nous avons franchi une étape avec la promotion d’un petit homme en haut de la pyramide : tous ont vu que cette approche conquérante et destructrice, si bien illustrée par la flamme des banlieues attisée, fascinante, quand elle aurait dû montrer les limites de notre société, que cette approche, donc, était celle du succès ; succès illusoire, dû pour une bonne partie à l’égarement des gens de gauche, eux aussi capturés par des orateurs charismatiques autocentrés. Mais podium, lumière, et surtout, toute puissance, pour tout démonter, tout dénoncer, tout mépriser, et tout réinventer à une échelle d’enfant, c’est-à-dire à si court terme…

Depuis, il nous donne le La, nous sommes sidérés par ses grandeurs : milliards, perdus plus que gagnés, mais impressionnants, et franchissements de tous les rubiconds – fichiers des fous, prison des enfants, surveillance des profs et des arrêts de travail par des officines privées, menottage des journalistes, filature des manifestants, assèchement des services publics et des associations, mensonge quotidien sur les sauvetages industriels, assignations identitaires par la voix des média (« on ne sait rien des cambrioleurs de l’avenue Montaigne, sauf, d’après des témoins, qu’ils avaient un accent étranger, sans doutes des pays de l’Est ») dénigrement cynique de toute culture professionnelle (« qui s’en aperçoit encore dans ce pays quand il y a une grève ? »). Et dans chacun de nos lieux de travail, nous en avons un ; dans le privé, c’est le DRH, qui a jubilé de pouvoir laisser tomber le « H », et qui fait la course aux réductions salariales, perd les compétences, humilie les fidèles, pressure les consciencieux, flatte les médiocres, jusqu’à ce que seuls ceux-là demeurent, tenus pas le chantage de la révélation de leur lâcheté. Dans le public, c’est le directeur, poste dont on a profusion à présent, qui peu à peu pervertit l’histoire de son institution au nom de « l’efficacité », pour faire moderne, pour faire sérieux, faut faire du chiffre, c’est la crise… Alors à nouveau, efforts accrus à moyens constants ou réduits, « c’est-la-crise-les-caisses-sont-vides », recherche de l’image et du bon point à court terme donnés par l’Etat patron, en faisant tout comme il fait, tout comme il veut : accumuler les effets de com’ (oh les jolies télés au dessus de nos têtes tandis que nous faisons la queue à la Poste pour expédier nos cadeaux !), le nombre d’arrestations, de pv, de fréquenteurs de notre site wawawa, tout chiffrer tous les jours, des « élèves par professeur » aux bons/mauvais demandeurs d’emplois, bons/mauvais immigrés… et oublier pourquoi les gens émigrent, pourquoi ils perdent et cherchent leur travail, pourquoi les queues sont plus longues à la poste ou à l’hôpital quand on réduit les effectifs, pourquoi les jeunes français sont plus au chômage que d’autres à la sortie des études. Et bien sûr, comme il est plus facile de compter que de penser, on trouve toujours ceux qui sont si fatigués de ne plus avoir le sou, ni le sens, mais que ça repose, d’obéir, vu le froid qu’il fait dehors, « c’est-la-crise-et-on-va-souffrir-en2009 ».

Peu à peu, plus personne n’arrive à reprendre souffle, devant cette obligation de ne plus penser et de se taire (pauvres syndicats, trompés par le gouvernement et suspects aux yeux des salariés, mais qui, à leur place, pour porter notre voix ?). La victoire de la surveillance et du harcèlement est venue, fondée sur le découragement pervers de ceux qui étaient juste sincères mais pas très armés dans leur job, sur la séduction minable du pouvoir auprès des petits et des minoritaires, pauvre rachidas, pauvre fadelas, et sur le sabotage de toutes les solidarités, grâce à la désinformation et au vocabulaire outrancier : « ultragauche – nébuleuse - cellule invisible - terroriste » vous qui avez des livres et des horaires de train chez vous, vous devenez infréquentables, et faites peur.

Car ce que notre président a fait croître, avec ses dents, c’est une peur de tout, et de tous. Mais quand donc les français verront-ils, comme l’ont vu tous ses homologues européens à commencer par la très clairvoyante Angela Merkel, que le roi est nu, et que si l’esclave arrête d’avoir peur, le maître se casse la gueule ?


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